Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Toutankhamon (trésor de) (suite)

La paroi nord de l’antichambre présentait une porte scellée que gardaient deux grandes statues de bois enduites de noir, avec revêtement de feuilles d’or ; par ce passage, on pénétrait dans la chambre funéraire. Sur les parois de celle-ci sont représentées les différentes scènes du rituel funéraire. Quatre chapelles de bois doré, emboîtées les unes dans les autres, occupaient la quasi-totalité de l’espace ; elles protégeaient la cuve funéraire, qui renfermait elle-même trois sarcophages momiformes : deux en bois doré, le dernier en or massif. C’est dans celui-ci qu’on découvrit, plaqué sur la momie, le fameux masque en or reproduisant les traits du roi, avec des incrustations d’une rare finesse de lapis-lazuli, de turquoise, de cornaline et de feldspath.

Une petite pièce qui s’ouvrait au nord-est de la chambre funéraire contenait, sur un traîneau, un meuble en bois doré de deux mètres de haut. À l’intérieur, un coffre d’albâtre renfermait quatre vases canopes, en albâtre également ; dans de petits sarcophages en or cloisonné y étaient conservés les viscères du roi ; quatre déesses d’une grâce exquise, debout à chaque coin, protégeaient de leurs bras écartés ce tabernacle recouvert de formules hiéroglyphiques. Une flottille de petits bateaux était posée sur des coffres qui contenaient des statuettes du roi, en bois doré et parfois noirci par les résines, incrustées d’albâtre, de pâte de verre, d’obsidienne ou de bronze. On dénombra également dans cette pièce plus de cent statuettes de serviteurs (chaouabtis) et un matériel de très nombreux petits instruments divers, dont quelques-uns en fer, métal particulièrement rare.

D’une richesse et d’un luxe étonnants, parfois un peu lourd et surchargé, dans une tradition toute classique bien qu’imprégnée d’influences amarniennes, tel est le mobilier funéraire — aujourd’hui exposé au musée du Caire — d’un des derniers rois de la XVIIIe dynastie, mort à moins de vingt ans dans sa neuvième année de règne. Avec les monuments, plus récents et moins éclatants, mis au jour à Tanis*, dans le Delta, juste avant la Seconde Guerre mondiale, la tombe de Toutankhamon est le seul exemple d’une sépulture royale égyptienne parvenue jusqu’à nous quasiment intacte.

J. L.

 C. Desroches-Noblecourt, Toutankhamon (Hachette, 1966). / J. Yoyotte, les Trésors des pharaons (Skira, Genève, 1968).

toxicologie

Branche de l’activité scientifique concernant les poisons, leurs caractères chimiques et analytiques, leurs effets biologiques, leurs antidotes.


La toxicologie a pris une extension considérable, parallèle à celle de l’industrie chimique ; elle détecte et étudie tous les effets défavorables des substances chimiques sur les êtres vivants.


Historique

La classification des poisons a suivi l’évolution des connaissances physiologiques, puis chimiques. Jusqu’à F. E. Fodéré, puis M. J. B. Orfila (1823), les poisons étaient classés en irritants, narcotiques, narcotico-âcres et septiques. A. Tardieu (1867) proposait cinq groupes ; irritants et corrosifs, hyposthéniants, stupéfiants, narcotiques, stimulants.

Parallèlement au développement des études analytiques (James Marsh en Grande-Bretagne au xixe s., N. Gréhant, Maurice Nicloux, René Fabre au xxe s. en France), la meilleure connaissance des effets des poisons sur les différents organes a conduit à une classification empirique des poisons : caustiques et corrosifs (acides forts et bases fortes), irritants (solides et liquides), gaz asphyxiants et toxiques (oxyde de carbone, acide cyanhydrique), solvants et vapeurs de solvants, poisons d’origine naturelle (hétérosides, alcaloïdes végétaux, plantes et animaux vénéneux) ou produits de synthèse, répartis selon l’effet physiologique dominant (nerveux [convulsivants, hypnotiques, hallucinogènes], hépatique [Amanite phalloïde], rénal [sublimé mercuriel]), poisons alimentaires dus à des toxines bactériennes, venins. De nombreuses extensions de la toxicologie — guerre chimique, pollution chimique et anomalies de l’environnement, produits additifs alimentaires, pesticides et produits agricoles, toxicologie industrielle — correspondent aux situations nouvelles de la société industrielle. En médecine se différencient surtout les poisons cytotoxiques, lésant définitivement la cellule, des poisons à effets réversibles, et l’action elle-même se partage en effets réguliers ou orthoergiques, allergiques, toxicomanogènes, tératogènes, cancérogènes, correspondant à des actions spécifiques de certaines fonctions cellulaires. Le contenu de la toxicologie a subi les plus profonds remaniements. Très schématiquement, à l’époque d’Orfila n’étaient étudiés qu’un petit nombre de métaux, de métalloïdes, de sels, les produits caustiques et irritants, certains produits végétaux. Cent ans après, la toxicologie s’était enrichie de la connaissance des gaz et solvants dangereux, des alcaloïdes et des hétérosides purs (V. Balthazard).

À la fin du xxe s., des dizaines de milliers de substances de toute nature et de toute origine ont fait l’objet d’études poussées, certaines aboutissant à la connaissance la plus rigoureuse des interactions moléculaires dans l’être vivant. Pour éviter un morcellement de la discipline, des études mettant en jeu les moyens informatiques sont devenues nécessaires, et la pensée biologique doit s’efforcer de répondre à la notion très nouvelle que le développement industriel est en train de modifier les conditions d’existence des êtres humains. L’utilisation d’hormones de synthèse comme inhibiteurs de la fonction de reproduction (la « pilule » contraceptive) sans bénéfice pour l’individu traité montre à la fois l’imprécision des limites entre la pharmacologie et la toxicologie classiques, l’évolution de la notion de médicament et de poison, l’influence profonde qu’il est possible d’avoir sur des populations humaines.