Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tours (suite)

Tours n’a jamais été une grande ville industrielle. Privée de sources d’énergie, de matières premières, de bonnes voies d’eau (le chemin de fer montrait cruellement, dans les années 1850, les insuffisances de la Loire), elle s’est heurtée aussi à l’hostilité de sa bourgeoisie marchande et terrienne pour tout ce qui risquait de la prolétariser. Remarquable aux xvie et xviie s. par le prestige de ses métiers d’art (soierie, passementerie, typographie), mais restée à l’écart de la révolution technologique du xixe s., elle tombait, dans la hiérarchie des villes françaises, du 27e rang en 1851 au 32e en 1962. Son industrialisation, Tours ne la doit, hormis quelques initiatives locales (spécialités pharmaceutiques, confection, pompes, constructions métalliques), qu’à des concours de circonstances extérieurs : construction et réparation de matériel ferroviaire, replis de guerre (1914-1918 : câbles, conditionnements métalliques ; 1938-1940 : roulements à billes, matériel téléphonique, meubles), décentralisation actuelle (condensateurs, fermetures métalliques, médicaments, confection, hygiène féminine, produits d’entretien, caoutchouc manufacturé, pneumatiques). L’industrie tourangelle touche à une gamme étendue de fabrications, sans jamais dépasser, le plus souvent, le niveau de la moyenne entreprise. Trente établissements emploient cependant plus de 200 salariés, dont dix plus de 500.


La ville et la banlieue

Tours offre, sur une trame orthogonale simple, l’image d’une ville bien ordonnancée. Une belle perspective nord-sud ouverte au xviiie s. sur la route de Bordeaux (rue Nationale, avenue de Grammont), l’attrait de boulevards ombragés (Béranger et Heurteloup), le voisinage de la gare fixent le centre-ville (place Jean-Jaurès). Au nord, rivée à la Loire, de part et d’autre d’un quartier marchand aéré et aisé (commerces de luxe, banques, agences, professions libérales) reconstruit sur les ruines de juin 1940, la ville ancienne serre encore, dans un dédale de rues étroites et pittoresques, un habitat médiocre, populaire sur sa butte antique (quartier de la cathédrale), en pleine restaurai ion et mutation sociale sur son tertre médiéval (quartier des halles). Au sud, de part et d’autre de la gare, la ville du chemin de fer et des années 1900 développe ses grands quartiers modernes, bourgeois à l’ouest (Prébendes, Blaise-Pascal), ouvriers à l’est (la Fuye, Beaujardin), tous attachés au « particulier » familial. L’extension des vingt dernières années est d’un tout autre style. Sur la mer des petits toits d’ardoise et de tuile qui faisaient le Tours d’avant guerre a surgi, après 1950, le collectif de masse, implanté sur d’anciennes emprises ferroviaires, militaires, maraîchères (Sanitas, Champ-de-Mars, Maryse-Bastié), donnant à la ville, au midi, un front monumental qui, dans sa rigueur géométrique, n’est pas sans grandeur (« Rives du Cher »). Gravissant ses plateaux, Tours a occupé, au sud du Cher, le parc de Grandmont (ensemble universitaire, 1961-1968), fusionné, au nord de la Loire, avec les communes de Saint-Symphorien et Sainte-Radegonde (1964).

Autour de la ville, toute une jeune banlieue s’est constituée. Dans la varenne, tandis que La Riche (6 670 hab.) et La Ville-aux-Dames (2 479 hab.) maintiennent leurs traditions maraîchères, Saint-Pierre-des-Corps s’est, en bordure de son triage, profondément industrialisé (18 551 hab., grand ensemble de la Rabaterie). Sur les plateaux, Joué-lès-Tours est devenu la deuxième commune du département (27 454 hab., Z. U. P.) ; Saint-Avertin compte 8 795 habitants ; Chambray-lès-Tours, 5 719 ; Saint-Cyr-sur-Loire, 12 478. L’agglomération tourangelle, qui représentait 10 p. 100 de la population d’Indre-et-Loire en 1851, en concentre la moitié en 1976.


Les problèmes

Il reste beaucoup à faire à Tours en matière d’urbanisme. Les logements sociaux manquent, la circulation automobile engorge le centre-ville, le voisinage de la base aérienne d’entraînement militaire de Saint-Symphorien multiplie nuisances et dangers, la création de pôles secondaires de croissance en banlieue, qui briserait le monopole tertiaire de la grande ville, n’est pas du goût de celle-ci. Le passage de l’autoroute Paris-Bordeaux en plein cœur de l’agglomération pour profiter de 2 400 mètres de tracé d’un ancien canal ne sera sans doute pas non plus unanimement apprécié. Tours risque d’avoir à digérer deux « Sarcelles » dans sa « prairie » du Cher. Du point de vue économique et social, Tours souffre d’une lourdeur d’emploi chronique, entretenue par sa vitalité démographique et l’immigration rurale (de 2 000 à 3 000 demandes en permanence). La formation professionnelle est déficiente. Les salaires tourangeaux sont bas et les bons éléments gagnent Paris.

Du moins un zoning sévère préside-t-il à l’occupation du sol (huit zones industrielles, schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme [S. D. A. U.] de 31 communes). Les banlieues s’équipent. Un effort social et socioculturel est fait. Tours a entrepris, en quinze ans, un redressement (dont auraient pu faire douter naguère encore de farouches positions de repli) beaucoup plus conforme à ses possibilités et à ses intérêts.

Y. B.


L’histoire


Les origines

Fondée sur un dunum insubmersible du Val de Loire sous le nom de Caesarodunum, dotée d’un très vaste amphithéâtre (121 m × 143 m), de thermes et enfin d’un temple à cella circulaire, Tours est incendiée et sans doute totalement détruite par les Barbares vers 275. Réduit alors de 100 à 6 hectares à l’intérieur d’une enceinte construite avec des matériaux de réemploi, Caesarodunum devient, sous le nom de Tours (civitas Turonorum), la capitale de la Lyonnaise IIIe au moins dès 375, mais elle est progressivement enfouie sous des dépôts déblayés en 1840 dans le quartier du palais de justice. La ville médiévale naît alors de la petite communauté chrétienne constituée autour de son premier évêque, saint Gatien (v. 250 - v. 300). Persécutée et privée de pasteur jusqu’à l’élection de Lidoire (337-371), elle s’épanouit grâce à saint Martin* (370 ou 371-397), dont le culte s’affirme au cours du ve s.

La fondation près de sa tombe du monastère de Saint-Martin-hors-les-Murs, l’érection sur cette dernière d’une basilique (50 m × 20 m) achevée par l’évêque Perpet (460-490), la tenue de nombreux conciles (461, 567, etc.) font de la ville un haut lieu de pèlerinage.