Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Touraine (suite)

La Touraine franque

Victime des premières incursions franques, alémaniques ou saxonnes dès 260-262, puis des révoltes des bagaudes, incorporée vers 375 dans la IIIe Lyonnaise, dont Tours devient la métropole, protégée par les forces romano-barbares d’Aetius († 454), d’Aegidius († 464) et d’Afranius Syagrius (v. 430-486), la civitas Turonorum est la dernière contrée gallo-romaine à passer sous l’autorité des Barbares. Cependant, dès les premières années du vie s., les Francs, après plusieurs incursions, s’établissent dans la région.

La Touraine est incorporée au royaume d’Orléans de Clodomir (511-524), puis à celui de Clotaire Ier (524-567) ; elle est ensuite attribuée au roi d’Austrasie Sigebert Ier (567-575). Convoitée par Chilperic Ier, qui l’envahit en 573-74, puis l’annexe à son propre royaume (575-584), placée sous les autorités successives de Childebert II (593-595), de Thibert II (595-612) et de Thierry II (612-13), la Touraine survit en fait en tant qu’unités religieuse (diocèse) et administrative (comté). Leurs titulaires, qui résident à Tours, sont parfois en violent conflit, tels le comte Leudaste (av. 550-582) et l’évêque Grégoire de Tours (573-594), célèbre mémorialiste qui entend faire respecter par le premier et par les rois mérovingiens à la fois l’asile de Saint-Martin et les immunités fiscales de sa ville, dont il reconstruit la cathédrale incendiée. Finalement, le conflit se résout en faveur du second, puisque Dagobert Ier (629-638 ou 639) donne à l’évêque le droit de nommer le comte, qu’il recrute au viie s. dans le milieu local.

Profitant des querelles familiales qui affaiblissent la dynastie carolingienne, les comtes se rendent en effet peu à peu indépendants du pouvoir central. Robert le Fort, comte de Tours et d’Angers, d’abord hostile à Charles* le Chauve, qui lui confiera en 861 le commandement des territoires entre Seine et Loire, brise la puissance normande à Brissarthe, où il trouve la mort en 866. Après le gouvernement d’Hugues l’Abbé (866-885), le comté de Tours revient au fils de Robert le Fort, Eudes, premier des Robertiens à ceindre la couronne royale (888-898). Devenu en fait bien héréditaire des Robertiens, le comté est désormais associé au destin des comtés d’Angers et de Blois et de l’abbaye de Saint-Martin de Tours.

Déplaçant alors le centre de leur puissance vers Paris, où l’avènement au trône de Hugues Capet en 987 les établit définitivement, les Robertiens délèguent à Tours leur autorité à la famille du vicomte Atton (878-905). Séparée pour un siècle du comté d’Anjou, la Touraine associe de nouveau son destin à celui du comté de Blois lorsque la famille des Guarnegaud (896-936) doit s’effacer, comme celle qui est issue d’Atton, au profit de la dynastie des Thibaud, dont l’ancêtre, Thibaud le Tricheur (936-976), incorpore en outre à sa principauté le Saumurais avant 937 et le Chartrain avant 962.


La Touraine à l’époque féodale

Partie intégrante des domaines de la maison de Blois également et établie solidement à l’est de Paris par Eudes Ier (976-996), qui devient en effet comte de Troyes et de Meaux en 983 et qui fait dès lors peser sur l’avenir de la dynastie capétienne une lourde menace, la Touraine est, en revanche, convoitée par la dynastie d’Anjou, qui trouve tout naturellement pour réaliser ce désir l’appui du souverain. Occupant Langeais en 994, puis temporairement Tours en 996, le comte Foulque III Nerra (987-1040) finit par annexer le Saumurois en 1026, laissant à son fils Geoffroi Martel II (1040-1060) la charge de reconquérir la Touraine après avoir défait à Nouy en 1044 le comte Thibaud III de Blois (1037-1089). Investi par avance de ce comté par le roi Henri Ier (1031-1064), l’Angevin l’annexe aussitôt à sa principauté.

À partir de 1154, la Touraine est au cœur de l’immense empire anglo-angevin constitué à la faveur de l’avènement du comte Henri II* Plantagenêt au trône d’Angleterre (1154-1189). Adhérant en 1173-74 à la révolte des fils du souverain, la Touraine reste finalement fidèle à ce dernier, qui ouvre à ses vins le débouché du marché anglais depuis 1154 et qui met ses vallées à l’abri des inondations grâce à la construction de la grande levée édifiée sur la rive droite de la Loire entre Saumur et Langeais. Philippe Auguste s’empare de Tours le 30 juin 1189 et se fait même céder le comté par Jean sans Terre en 1192. Contraint d’abandonner sa conquête à Richard Cœur de Lion en 1194, le roi de France peut intervenir de nouveau dans ce comté à la suite de la mort de ce souverain. Par fidélité dynastique, en effet, les barons tourangeaux, comme ceux d’Anjou et du Maine, élisent comte le jeune Arthur de Bretagne et reconnaissent l’autorité de Guillaume des Roches, dont ce prince a fait aussitôt un sénéchal d’Anjou.

La Touraine échappe définitivement à l’autorité du roi d’Angleterre Jean* sans Terre lorsque Philippe II Auguste* fait prononcer par la Cour le 28 avril 1202 la commise de ses fiefs continentaux. Après la défaite et la capture à Mirebeau du jeune Arthur Ier de Bretagne le 1er août 1202, les sénéchaux d’Anjou et de Bretagne se rallient à Philippe Auguste et livrent la Touraine au Capétien. L’incorporation de la Touraine au domaine royal est reconnue par le roi d’Angleterre Henri III lors de la signature du traité de Paris du 28 mai 1258, ratifié le 4 décembre 1259.


La Touraine royale de la fin du Moyen Âge à l’avènement de la République

Avec ses huit baronnies divisées en châtellenies, la Touraine dépend du sénéchal d’Anjou. En fait, dès 1213, le pouvoir est détenu par un bailli royal de Touraine secondé par cinq prévôts royaux en résidence à Tours, Chinon, Langeais, Loches et Loudun. La Touraine devient l’instrument politique dont se servent les Valois* pour assurer des revenus à leurs fils en attendant des domaines plus rentables. Elle ne bénéficie pratiquement pas de la relative indépendance des principautés apanagées. Elle n’en est pas moins le cœur politique de la France sous Louis XI (Plessis-lez-Tours) et Charles VIII (Amboise).

Partie constitutive de la généralité de Langue d’oïl à la fin du Moyen Âge, la Touraine devient, en 1542, l’une des seize recettes générales qui servent de berceaux aux généralités du xviie et du xviiie s. Elle est administrée par un intendant qui se fait seconder au xviiie s. par seize subdélégués.

La Touraine est constituée en février 1790 en un département d’Indre-et-Loire. Amputée des territoires sud-est de l’ancien duché, territoires rattachés à l’Indre, la Touraine départementalisée est accrue, en contrepartie, du pays angevin dont Bourgueil est le centre.

P. T.

➙ Centre / Indre-et-Loire / Tours.