Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Toulouse (suite)

Le musée des Augustins

Construit par Jean Maurin, le grand cloître gothique des Augustins (xive s), aux colonnes jumelées de marbre blanc et aux arcades trilobées, couvert en appentis, est jonché de sarcophages gallo-romains et mérovingiens, de pierres tombales et de clés de voûte. La salle capitulaire ogivale comme la chapelle Notre-Dame-de-Pitié sont pleines de collections romanes de renommée mondiale, en particulier des statues et chapiteaux provenant des cloîtres détruits de la Daurade, de Saint-Sernin et de Saint-Étienne. Ce musée lapidaire conserve encore, notamment, l’impressionnant ensemble des dix-sept statues d’apôtres et de saints de la chapelle de Rieux, aux cheveux et aux barbes de fleuve, vêtus d’amples draperies (xive s.), et la précieuse Notre-Dame de Grâce attribuée à Jacques Morel (v. 1395-1459).

Franchir le seuil qui sépare le grand cloître gothique des Augustins du petit cloître Renaissance, agréable promenoir de Nicolas Bachelier (v. 1487-1556 ou 1557), c’est passer brusquement du monde mystique au monde profane. Deux civilisations sont là, côte à côte, fondamentalement différentes. À l’étage, le musée des Augustins, musée des beaux-arts de la ville, présente le poignant Christ en croix de la Grand-Chambre du parlement de Toulouse (1443), une vaste collection de tableaux des écoles européennes incluant Murillo, le Pérugin, Rubens, Vouet, Champaigne, Louise Moillon, Rigaud, Largillière, Guardi, Vigée-Lebrun, Delacroix, Gros, Ingres*, Corot, Courbet, Toulouse-Lautrec, ainsi que des œuvres importantes de l’école toulousaine classique, signées de Nicolas Tournier (de Montbéliard, v. 1590 - apr. 1657), d’Ambroise Frédeau (frère Ambroise, v. 1620-1673), d’Antoine Rivalz (1667-1735), etc.


De la Renaissance au xixe siècle

La Renaissance ouvrit pour Toulouse une ère de construction de bâtiments civils prestigieux qui devait se poursuivre à l’époque classique. Parlementaires, magistrats, riches négociants rivalisèrent d’imagination pour édifier des demeures somptueuses ; architectes et maçons adaptèrent aux traditions éprouvées de l’art local de bâtir les modes nouvelles de décoration italienne, mais aussi espagnole : l’influence de l’art plateresque est manifeste sur plusieurs porches. Plus de soixante-dix hôtels parent la ville, dont, au xvie s., deux chefs-d’œuvre : l’hôtel de Bernuy et l’hôtel d’Assézat. Ils portent les noms de deux hommes d’affaires, l’un castillan, l’autre rouergat, qui firent fortune dans le commerce du pastel. Les architectes de Jean de Bernuy construisirent une ravissante demeure de deux corps de logis qui communiquent par une cour à galerie et un long arceau de pierre d’une grâce exquise, gardée par une admirable tour hexagonale couverte en terrasse et flanquée d’une tourelle aiguë. Nicolas Bachelier et Jean Castagne, dit Nicot, édifièrent l’hôtel d’Assézat, aujourd’hui siège de l’académie des jeux Floraux. La tour d’escalier occupe l’angle formé par les deux bâtiments, où se superposent les trois ordres. Loggia et coursière supportée par d’élégantes consoles occupent les deux autres côtés de la cour. Le traitement recherché des baies, la qualité de la décoration, le savant mélange de la brique et de la pierre, le mouvement du haut lanternon donnent à l’ensemble une saveur irrésistible.

Plus sobres, empreints de distinction sont les hôtels des xviie et xviiie s. Le plus classique, d’un style dépouillé à l’extrême, est l’hôtel des chevaliers de Malte, œuvre de Jean-Pierre Rivalz (1625-1706), peintre et architecte, père d’Antoine. Au même J.-P. Rivalz est dû le début des travaux de décoration de l’ancienne chapelle des Carmélites (comprise dans des bâtiments de l’actuelle université), dont le peintre Jean-Baptiste Despax (1709-1773) fit un ensemble d’un très grand charme.

Le Capitale, qui abrite la mairie et le théâtre, a été bâti de 1750 à 1760 par Guillaume Cammas (1688-1777). Il déploie sa façade de brique, de pierre et de marbre rouge veiné de blanc, longue de 128 m, sur la vaste place qui porte son nom, dissimulant une cour intérieure en partie du xvie s. La salle des Illustres, galerie chargée d’ors et de marbres (fin du xixe s.) qui s’étend au premier étage sur toute la longueur de la façade, a été décorée par des artistes originaires de Toulouse ou qui lui étaient liés : statues d’Alexandre Falguière (1831-1900) et d’Antonin Mercié (1845-1916), grandes peintures historiques de Benjamin-Constant (1845-1902) et de Jean-Paul Laurens (1838-1921). De même, Henri Martin (1860-1943) a peint dans une autre salle deux immenses panneaux : les Faucheurs et les Bords de la Garonne.

Les monuments de Toulouse s’inscrivent dans le style général de chaque époque de l’histoire de l’art, mais diffèrent profondément par leur ton de ceux des autres villes françaises, même méridionales, Montauban et Albi exceptés. Ils sont l’expression la plus originale du particularisme occitan.

J. P.

➙ Languedoc.

 J. de Lahondès, les Monuments de Toulouse (Privat, Toulouse, 1920). / E. Lambert, « L’art en Languedoc » in Visages du Languedoc (Horizons de France, 1949). / R. Mesuret, Toulouse et le Haut Languedoc (Arthaud, 1961).

Toulouse-Lautrec (Henri de)

Plus complètement Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monta, peintre, dessinateur et lithographe français (Albi 1864 - château de Malromé, Gironde, 1901).


Lautrec est à la fois inconnu et mal compris. Inconnu, parce que c’est seulement en 1970 qu’a paru, par les soins de Mme Dortu, le catalogue complet illustré de ses sept cent trente peintures, dont deux cents seulement étaient connues et sans cesse reproduites. Mal compris, parce qu’il n’est pas obsédé par le thème des maisons closes, qui représente la moitié de ce que l’on connaissait, mais à peine un cinquième de l’œuvre. Comme peintre, c’est un portraitiste, depuis 1878 (il a quatorze ans) intéressé, passionné par le visage humain, un peintre de chevaux et de chasses (surtout jusqu’en 1881), un peintre du théâtre et de la vie facile. C’est aussi, bien-sûr, un peintre-graveur remarquable et un excellent dessinateur. Dans ce domaine, il nous montre la vie de son temps sous ses diverses formes. Enfin, c’est un personnage.