Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Toulon (suite)

C’est toutefois l’industrie qui imprime sa marque à l’ensemble de l’agglomération : 40 000 personnes employées (soit le tiers des actifs) et pratiquement pour une seule activité, la construction navale et ses sous-traitants ; au total, 20 000 employés dans le secteur des industries métallurgiques, mécaniques et électriques et 14 000 pour le bâtiment et les travaux publics. Deux grandes entreprises émergent : la D. C. A. N. et les C. N. I. M. La D. C. A. N. (Direction des constructions et armes navales) domine avec près de 10 000 personnes employées l’ensemble des entreprises industrielles de la France méridionale ; son rôle est de réparer et d’entretenir l’ensemble des bâtiments des forces aéronavales et maritimes croisant en Méditerranée, cela grâce à la présence de l’arsenal et de ses formes de radoub, indissociable de la vie toulonnaise, mais loin de retrouver à l’heure actuelle les activités déployées dans le passé, d’où l’initiative de mesures partielles de reconversion vers le secteur civil.

Les C. N. I. M. (Constructions navales et industrielles de la Méditerranée), situées à La Seyne, ont succédé aux Forges et chantiers de la Méditerranée, qui ont connu une crise aiguë en 1966. En 1850 est lancé le Napoléon, première grosse unité à vapeur et à hélice, en prélude à la construction des premiers paquebots destinés aux Messageries maritimes, des dragues pour Suez, des croiseurs et porte-avions pour la marine. À l’heure actuelle, les 4 000 salariés des C. N. I. M. sont spécialisés dans la fabrication de méthaniers, porte-conteneurs et cargos spécialisés. D’autres chantiers de bien moindre importance, et ne dépassant guère dans certains cas le niveau de la petite entreprise familiale ou artisanale, arment pour la pêche ou la plaisance, récupèrent les métaux par démolition. En dehors de cette spécialisation vers la construction navale, on compte quelques établissements seulement (industries chimiques, fabriques de meubles, confection, etc.), révélant la faiblesse de l’industrie toulonnaise en dehors de la présence de deux grosses entreprises très spécialisées.

Le secteur tertiaire regroupe plus de la moitié de la population active, dont près de 20 000 personnes pour le secteur public et la défense nationale ; même si la marine, qui a longtemps marqué la ville de sa prééminence, ne constitue plus à l’heure actuelle l’essentiel pour elle en raison de nombreux transferts vers Brest, elle occupe encore 9 500 actifs, soit 17 p. 100 de la population active tertiaire. Il reste en effet de nombreux organismes : préfecture maritime, gendarmerie, services des travaux et des effectifs, base aéronavale, etc.

Les activités du port de commerce demeurent, par contre, très modestes ; le cap des 600 000 t de trafic, franchi pour la première fois en 1970, ne l’a pas été depuis. Il reste un port de pondéreux aux courants peu diversifiés : 500 000 t aux entrées dont 450 000 pour les seuls hydrocarbures, 85 000 t aux exportations dont 75 000 pour les bauxites de Brignoles ; double spécialisation sans grand avenir. Par contre, le nombre de passagers transitant par Toulon est en hausse avec 119 000 personnes en 1974 vers les îles de la Méditerranée, Sardaigne, Corse et Baléares (dans l’ordre d’importance), plus quelques escales de bâtiments en croisière. La navigation de plaisance se cantonne à la Darse vieille et au Mourillon, mais la réalisation du futur port de Brégaillon peut relancer les activités.

Toulon, préfecture maritime, a été promu en 1974 au rang de chef-lieu du département du Var, en remplacement de Draguignan.


Les structures urbaines

Elles révèlent la permanence du noyau ancien : la Basse Ville, à la fois dégradée et animée, regroupant taudis et boutiques dans ce qui fut le Toulon médiéval, délimité par la place d’Armes et le stade Mayol, la rue Jean-Jaurès et l’avenue de la République. C’est le cœur historique tourné vers le port, avec la cathédrale, le cours Lafayette dessinant le tracé des anciens remparts, mais également l’image classique du port méditerranéen impliquant une vie active, à la fois diurne et nocturne. Un remodelage de l’ensemble est prévu. Le nouveau centre, aéré et modernisé, regroupe immeubles bourgeois et centres administratifs, bancaires ou commerciaux ; c’est la Haute Ville, implantée à l’extérieur des fortifications, la « city » héritée du second Empire, qui conserve encore une fonction résidentielle.

Au nord et à l’est, la résidence de luxe, petits collectifs ou pavillons individuels, colonise peu à peu les pentes qui ménagent de belles perspectives sur la rade et regroupe cadres et professions libérales. Une Z. U. P. est en cours de réalisation : La Rode a été implantée sur une série d’îlots insalubres abattus pour laisser place à 2 600 logements à construire d’ici 1975 et destinés à abriter une dizaine de milliers d’habitants. De même se termine à la périphérie ouest de la ville l’implantation de La Beaucaire, 1 800 logements en H. L. M. Dans le processus de restructuration de la ville en cours d’exécution, il reste toutefois l’hypothèque des terrains militaires couvrant de larges superficies et constituant une entrave à tout aménagement urbain véritable.


L’aire toulonnaise

La ville, qui fut longtemps gênée dans son expansion, éclate désormais dans une agglomération de plus de 350 000 habitants, atteignant un niveau urbain supérieur qui devrait bénéficier des aménagements prévus par le VIe Plan : achèvement de l’autoroute vers Marseille, équipement en zones industrielles, nouveau port de commerce, etc. On s’achemine vers un ensemble de 31 communes défini par le terme d’aire toulonnaise : au total 150 km de littoral de Saint-Cyr-sur-Mer au Lavandou et une extension jusqu’à Cuers vers l’intérieur, soit le cinquième de la superficie du département du Var, mais près de 400 000 personnes (des densités de 300 hab. au km2, les deux tiers de la population départementale). À l’horizon 1985, c’est un demi-million de personnes qui se concentrera dans ce secteur, dont les trois quarts se répartissent à l’heure actuelle sur trois pôles urbains : Toulon, La Seyne et Hyères (40 000 hab.), alors que l’arrière-pays de l’aire, dépeuplé, ne compte que 6 p. 100 de l’ensemble. Un S. D. A. U. (Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme) veillerait, à la fois, à la rénovation des anciens centres et à la répartition équilibrée de la population dans une aire où, à l’heure actuelle, les habitants se concentrent sur la frange littorale (étroite bande de moins de 3 km de profondeur) sous la double pression de l’urbanisation et du tourisme ; ici, le nombre de résidences secondaires a doublé depuis une décennie. Les tendances actuelles, en dehors des implantations militaires et industrielles, montrent la privatisation croissante du littoral, la progression tentaculaire le long des voies de communication, le grignotage abusif des espaces naturels et la rupture d’un équilibre écologique fragile (par les rejets à la mer de substances polluantes, par les incendies). Entre 1961 et 1970, le département du Var a eu 90 000 ha dévastés par le feu ; mais dans la même période, l’aire toulonnaise a vu la destruction de plus de 30 000 ha, soit les deux tiers du couvert végétal. Or, le site de Toulon, qui connaît une fréquentation touristique importante sur le littoral (Les Sablettes), se prêterait admirablement à un aménagement touristique ; le panorama exceptionnel que l’on découvre du sommet du Faron révèle toutes les richesses d’une rade unique.

R. D. et R. F.

➙ Provence-Côte d’Azur / Var.

 E. Baratier (sous la dir. de), Histoire de la Provence (Privat, Toulouse, 1969). / J. Bouquerel, Toulon (la Documentation fr., « Notes et études documentaires », 1973).