Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Toscane (suite)

➙ Charles Ier d’Anjou / Étrusques / Florence / Guelfes et gibelins / Italie / Lombards / Médicis (les) / Milan / Naples / Révolutions de 1848 / Robert le Sage / Rome / Saint Empire romain germanique / Sienne.

 R. Uccelli, Contributo alla bibliografia della Toscana (Florence, 1922). / E. R. Labande, l’Italie de la Renaissance (Payot, 1954). / G. Barbieri, Toscana (Turin, 1964). / F. Bluche, le Despotisme éclairé (Fayard, 1968). / Tradition et changement en Toscane (A. Colin, 1971).

totémisme

Le mot totem, dont on a tiré totémisme, vient d’une langue du groupe algonquin parlée par les Indiens ojibwas, qui vivaient au nord-ouest des Grands Lacs américains : il signifie « il est mon parent ».



Introduction

Les Ojibwas étaient organisés en groupes de parenté exogames de type clanique. Chacun des clans était identifié par le nom d’un animal. Les Indiens disaient parfois qu’un lien particulier s’était établi dans les temps mythiques entre cet animal et l’ancêtre du clan.

Chez d’autres tribus indiennes d’Amérique et dans d’autres régions du globe, en particulier en Australie, en Mélanésie et en Afrique, mais non exclusivement, on a relevé de nombreuses coutumes établissant un lien entre des hommes et des animaux ou des plantes, ou encore des phénomènes naturels. Très souvent, mais pas toujours, il y avait la croyance d’une parenté entre ces êtres ou ces objets et les groupes humains qui portaient leur nom. Voyant une analogie entre ces faits, les ethnologues qualifièrent de totem l’animal ou la plante de référence et de totémisme les croyances et les coutumes s’y rapportant.

Cependant, il est presque impossible d’accepter une définition globale du totémisme. Cette notion ne s’applique pas à des institutions homogènes et récurrentes existant dans des sociétés dites « primitives » ; elle est plutôt un objet théorique produit par les premiers ethnologues pour interpréter certains phénomènes ayant l’air de se ressembler. Les faits décrits sous l’appellation de totémisme relèvent du savoir empirique de l’ethnographie et sont incontestables. Par contre, leur regroupement dans une seule catégorie et les interprétations uniformisantes qui s’y ancrent sont aujourd’hui critiqués. Il semble alors préférable de désigner par totémisme ces tentatives d’interprétation et non les phénomènes décrits eux-mêmes.


L’exogamie et la religion totémique : théories archaïsantes et premières critiques

On fait de l’Écossais John F. McLennan l’inventeur du totémisme comme théorie. En 1869, il publie The Worship of Animals and Plants.

La date est remarquable, puisqu’elle situe l’avènement de l’idée totémique à l’époque où l’évolutionnisme devient la panacée pour expliquer la diversité des sociétés humaines. Dans l’idée que l’évolution* tend tout entière à engendrer la société moderne, les évolutionnistes unifient le passé et le présent de l’humanité à l’aide de typologies et de stades ; ce faisant, ils sont conduits à construire des concepts pour caractériser les sociétés « primitives ». Si beaucoup de ces concepts, comme exogamie, inventé par le même McLennan, font encore partie de l’outillage de base des ethnologues, d’autres, comme totémisme, ont mal résisté à leur usage ethnologique.

Pour McLennan, le totémisme est le produit de la conjonction du fétichisme, de l’exogamie et de la filiation matrilinéaire. Cette définition sera modifiée par les nombreux théoriciens du totémisme, sans que ceux-ci remettent vraiment en cause l’arrière-plan de la notion : phénomène se rapportant à un état archaïque et primitif des sociétés. Ils acceptent également sa délimitation par un élément, le fétichisme, qui relève du champ sémantique de la religion, et par un élément d’ordre social, l’organisation de la parenté*. L’usage confusionniste de ces éléments et ses conséquences seront signalés par F. Boas*.

Parmi les théories qui fleurirent tout au long du xixe s. et au début du xxe, la plus ambitieuse est certainement celle de James G. Frazer (v. anthropologie). Dans Totemism and Exogamy (1910), celui-ci tente une synthèse des phénomènes totémiques autour de l’idée que ceux-ci sont une conséquence de l’ignorance, dans les sociétés « naturelles », du rôle biologique du père dans la procréation. Les géniteurs sont des forces naturelles fétichisées, ou totem. La séparation s’établit donc nettement entre l’irrationalité « primitive » et la connaissance « civilisée ».

William H. R. Rivers, en 1914, admet, lui aussi, la correspondance d’une espèce naturelle et d’un groupe social qui croit en être la descendance, mais il ajoute au totémisme l’existence d’interdits alimentaires ou autres portant sur le totem.

Durkheim* s’inspirera de ces interprétations pour voir dans le totémisme l’origine de la religion, qui est pour lui divinisation du système social.

Mais ces trois auteurs perfectionnent une notion qui tend à n’être qu’une survivance au sein de la théorie des sociétés dites « primitives ». En 1910, l’Américain Alexander Goldenweiser affirme que le prétendu totémisme est une confusion entre trois phénomènes différents et rarement réunis chez un seul peuple : l’organisation clanique, le fait que les clans portent des noms d’animaux ou de plantes, et les croyances que les membres du clan sont parents avec les totems. Cette thèse eut grand écho dans l’anthropologie américaine, qui délaisse dès lors la notion.

Une autre critique, plus générale, vient de F. Boas en 1916. C’est non seulement le totémisme qui est visé, mais la méthode consistant à appliquer hâtivement aux productions culturelles des sociétés primitives des catégories issues de la culture occidentale. Il s’ensuit des découpages et regroupements arbitraires de phénomènes différents. Si l’exogamie est bien la condition du totémisme, au sens de dénomination de groupes par des objets de l’environnement naturel, la réciproque n’est pas vraie : il y a exogamie sans totémisme. La coïncidence entre les deux phénomènes n’existe que dans certains systèmes de parenté unilinéaires, transmettant le nom par filiation.