Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tolstoï (Alexis) (suite)

Revenu en Russie en 1923, il tente d’abord d’y poursuivre sa carrière d’auteur dramatique avec les pièces historiques Zagovor imperatritsy (la Conspiration de l’impératrice, 1925) et Azef (1926), écrites en collaboration avec l’historien Pavel Elisseïevitch Chtchegolev (1877-1931), avec les comédies Tchoudessa v rechete (Monts et merveilles, 1926) et Vozvrachtchennaïa molodost (l’Élixir de jouvence) et diverses adaptations. Mais l’hostilité des critiques de la RAPP (Association russe des écrivains prolétaires) lui ferme pratiquement l’accès de la scène. Dans son œuvre romanesque, il cherche à s’adapter aux goûts d’un public nouveau en alliant la recherche d’un sujet divertissant avec des thèmes politiques d’actualité : le roman satirique Pokhojdenia Nevzorova ili Ibikous (les Aventures de Nevzorov ou Ibikus, 1925) tourne en dérision les milieux de l’émigration ; Tchernoïe zoloto (l’Or noir [1931], remanié en 1940 sous le titre de Emigranty [les Émigrés]) peint les intrigues ténébreuses de la réaction internationale contre l’État socialiste ; les romans d’anticipation Aelita (1922) et Guiperboloïd injenera Garina (l’Hyperboloïde de l’ingénieur Garine, 1926) décrivent la lutte des classes à l’échelle du cosmos. En même temps, dans les nouvelles Goloubye goroda (les Cités bleues, 1925) et Gadiouka (la Vipère, 1928), il s’attaque aux conflits psychologiques et moraux qui caractérisent la société issue de la révolution.

C’est cependant dans le « réalisme monumental » que va s’épanouir son talent épique de romancier créateur de personnages, servi par un sens aigu des réalités nationales et de la couleur historique. Il achève la trilogie Khojdenie po moukam (le Chemin des tourments) avec les romans Vossemnadtsatyï god (l’Année dix-huit, 1927) et Khmouroïe outro (le Matin maussade, 1940-41), qui montrent le ralliement progressif aux bolcheviks, à travers les épreuves de la guerre civile, de quatre représentants de l’élite sociale et intellectuelle d’abord violemment hostiles. Un volet intermédiaire, Khleb (le Pain), écrit en 1937, retrace l’épisode de la défense de Tsaritsyne (qui s’appellera plus tard Stalingrad) contre les Blancs (1919), en exaltant le rôle de Staline aux dépens de celui de Trotski. La glorification du chef d’État implacable est sous-jacente dans le roman historique qu’il consacre à partir de 1930 à la personnalité et à l’époque de Pierre le Grand (déjà abordées dans le récit Den Petra [la Journée de Pierre, 1918] et dans le drame Na dybe [Sur l’estrapade, 1929], remanié en 1934 et 1937) : tableau véridique d’une époque mouvementée et haute en couleurs, Petr Pervyi (Pierre Ier, première partie, 1930 ; 2e partie, 1934 ; 3e partie, inachevée, 1943) est peut-être son chef-d’œuvre. La justification nationale du despotisme est poussée encore plus loin dans un diptyque dramatique glorifiant Ivan le Terrible, en qui Staline se reconnaît volontiers (Orel i orlitsa [l’Aigle et sa femelle], 1942, et Troudnyïe gody [les Années difficiles], 1943).

Considéré jusqu’en 1932 comme un « compagnon de route de droite », et même comme un écrivain « bourgeois », Alexis Tolstoï sera, matériellement et moralement, l’un des principaux bénéficiaires de la politique littéraire inaugurée à cette date par la dissolution de la RAPP et la création de l’Union des écrivains, dont il devient le président après la mort de Gorki (1936). Député au Soviet suprême, membre de l’Académie des sciences, il représente l’U. R. S. S. aux congrès antifascistes de Paris (1935) et de Madrid (1937). La guerre accentue encore son rôle de porte-parole d’une idéologie officielle qui accorde de plus en plus d’importance aux valeurs nationales : ses articles retentissants (Tchto my zachtchichtchaïem [Ce que nous défendons] ; Rodina [la Patrie] ; Krov naroda [le Sang du peuple]) et ses récits de guerre (Rasskazy Ivana Soudareva [les Récits d’Ivan Soudarev], 1942-1944) exaltent l’orgueil national en célébrant le passé de la Russie et la grandeur du caractère russe.

M. A.

 A. V. Alpatov, l’Œuvre de Tolstoï (en russe, Moscou, 1956). / Y. A. Krestinski, A. N. Tolstoï. Vie et œuvre (en russe, Moscou, 1960). / V. I. Baranov, la Révolution et le destin de l’artiste. A. N. Tolstoï et son itinéraire vers le réalisme socialiste (en russe, Moscou, 1967).

Toltèques

Peuple indien de l’Amérique moyenne ancienne.



Introduction

L’an 600 de notre ère va voir, sur les hauts plateaux mexicains, la chute de Teotihuacán*, capitale de l’époque classique. Après elle, ce sont toutes les grandes civilisations classiques qui vont s’effondrer, pour des raisons qui ne sont pas encore complètement connues. Les causes en sont probablement à la fois des révoltes internes, rébellions de paysans accablés par la lourdeur des travaux communs, et l’irruption de populations étrangères, à l’idéologie guerrière, qui mettent l’accent sur la violence et sur la mort. Ces tribus viennent du sud-ouest des actuels États-Unis et de la frontière nord du Mexique. La plus belliqueuse d’entre elles est sans doute celle des Chichimèques, qui sera à l’origine des deux grandes civilisations postclassiques, celle des Toltèques d’abord, puis celle des Aztèques*. Avec les Toltèques, nous entrons dans l’histoire. Cette tribu, en effet, avait coutume de consigner ses annales dans des livres pictographiques en papier végétal ou sur peau de bête.

Il est difficile de dire avec certitude qui étaient les Toltèques. Sous ce nom sont réunies deux tribus dont le mode de vie comme les conceptions religieuses étaient assez opposés. La lutte même de leurs dieux, nous le verrons, illustre assez bien cette antinomie. Le fond de la population était sans doute constitué de nomades barbares (ou plutôt semi-barbares, car ils possédaient une agriculture rudimentaire) de langue uto-azteca, les « Toltecas-Chichimecas ». À eux est venue s’ajouter une autre population, plus « civilisée », les « Nonoalcas », dont l’origine exacte prête encore à controverse : gens venus de Puebla ou de la côte du golfe du Mexique, ou encore, plus probablement, derniers représentants de la civilisation de Teotihuacán... En effet, après la chute de cette grande métropole, certains de ses habitants se réfugièrent dans d’autres villes de la vallée de Mexico, comme Atzcapotzalco, où ils restèrent sans doute pendant les deux cents ans qui séparent la chute de Teotihuacán de l’arrivée des nouveaux venus. Ces Nonoalcas sont bien différents des autres « Toltèques ». Agriculteurs, relativement pacifiques, ils vénèrent des dieux de la terre et de la végétation et ce n’est pas sans conflit qu’ils vont se fondre aux Toltecas belliqueux, zélateurs de dieux guerriers et avides de sang. Mais quelle est donc l’histoire de ces derniers ?