Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tōkyō (suite)

Le concept de « ville nouvelle » revêt ici un contenu différent de ce qu’il est en Occident : plus qu’une cité autosuffisante avec ses logements, lieux de travail et administration, il s’agit plutôt de zones résidentielles suburbaines, sortes de « grands ensembles » avec centres commerciaux, infrastructure scolaire et hospitalière et un minimum d’emplois sur place, ce qui paraît devoir, dans l’avenir, surcharger les transports à l’intérieur de la conurbation. La ville nouvelle de Tama est la seule à avoir reçu un début de réalisation en 1973. Elle doit recevoir 400 000 personnes (110 000 familles) sur ses 6 000 ha situés dans la grande banlieue ouest. L’élévation du prix du terrain et une répartition peu satisfaisante des responsabilités entre les services municipaux intéressés freinent sa réalisation ; par ailleurs, elle paraît trop loin du centre pour être une cité résidentielle normale (fatigue des transports quotidiens) et trop proche pour pouvoir se développer de façon autonome. À 60 km au nord, la cité universitaire de Tsukuba se développe lentement ; en 1972, 36 services culturels ou de recherche s’y étaient installés. D’autres réalisations ont pris un départ plus rapide, ainsi le projet d’Orne, à 80 km à l’ouest, où 120 usines et 5 000 unités d’habitation font vivre et abritent quelque 30 000 personnes en 1972.


L’art et la vie culturelle

Le caractère international de la vie culturelle résulte de la coexistence, remarquablement maintenue jusqu’à présent, de deux vies littéraires et artistiques (artistes et écrivains, musique, théâtre et musées), fondées respectivement sur la tradition nationale et la culture occidentale. La première perpétue une culture originale développée au xviiie s. pour la classe marchande d’Ōsaka et d’Edo, distincte de celle, plus « chinoise » et quelque peu figée, de la capitale impériale de Kyōto. Le théâtre du bunraku (poupées), du kabuki, l’art de l’estampe (ukiyo-e) visaient davantage à reproduire la vie, à se libérer des conventions, tout en revêtant une élégance spontanée, une richesse de formes, de couleurs, d’attitudes qui imprégnaient de même l’art des geishas. Ce raffinement de goût et de manières des grands marchands d’alors se retrouvait dans le décor de leurs intérieurs, kimonos et innombrables accessoires de leur vie quotidienne (objets de laque, de bois, de métal). Au moment de Meiji (1868), le Japon s’ouvrit librement à toutes les formes occidentales de la pensée et de l’art encouragées par le snobisme de la nouvelle aristocratie des fonctionnaires et des hommes d’affaires. Cette irruption de la culture étrangère dans la vie japonaise s’est poursuivie depuis sans relâche et elle se fait presque uniquement par Tōkyō. Siège des initiatives officielles et privées (intense mécénat des grands journaux), possédant les salles de spectacle et de concert les plus vastes et les mieux équipées, les amateurs les plus nombreux, elle seule a réussi à s’affranchir du provincialisme culturel ; tout en préservant jalousement la culture traditionnelle (peinture, théâtre, musique, artisanat), elle concentre en outre les efforts de fusion encouragés par le contact quotidien avec le reste du monde. La ville possède plusieurs organisations symphoniques, dont les concerts ont familiarisé son public avec toute la musique occidentale, et accueille constamment solistes et orchestres étrangers (jusqu’à six ou sept concerts quotidiens). Les quelque cent galeries de peinture animent un commerce actif en exprimant toutes les tendances de l’art actuel et classique ; sur le plan littéraire enfin, un effort intense de traduction (romans, poésie, essais) fait connaître les œuvres étrangères au grand public japonais quelques semaines seulement après leur parution dans leur pays d’origine. De grandes revues politiques ou littéraires (tel le prestigieux Chūō-kōron) prodiguent reportages, essais sur les différents aspects de la vie internationale et, comme le cinéma ou le théâtre, permettent à l’habitant de la capitale de vivre à l’heure internationale dans tous les domaines de l’art et de la pensée.

Ravagée tour à tour par le séisme de 1923 et la dernière guerre ainsi que par d’innombrables incendies, Tōkyō n’offre plus guère de traces de son époque féodale, sinon quelques parcs des anciennes résidences nobles (kōrakuen) ainsi que les douves et les fossés de l’ancien château des shōgun, qui subsistent intacts au cœur de l’agglomération. Le palais impérial, reconstruit sous Meiji, a été détruit et remplacé par un moderne édifice de béton (1969) qu’on ne visite pas. C’est dans le quartier d’Asakusa, autour du temple de Sensō-ji (reconstruit en béton fort habilement) qu’on peut encore le mieux apprécier ce que pouvait être l’atmosphère de l’ancienne Edo. L’époque Meiji a couvert le centre de nombreux monuments (gare centrale, ministères) qui subsistent encore et de vastes sanctuaires (temple de Meiji). L’après-guerre a donné à la capitale quelques beaux édifices modernes, ainsi les stades olympiques de Harajuku, œuvres de l’architecte Tange* Kenzō. À bien des égards, la ville apparaît ainsi sans passé, sinon dans le tracé de ses rues, et c’est dans les musées qu’il faut aller chercher celui-ci.

Ils se groupent surtout dans le parc d’Ueno : musée de la Ville (art contemporain japonais), musée d’Art occidental (construit par Le Corbusier) et surtout Musée national (1937, agrandi d’une aile en 1970). On y voit sur deux étages maints exemples des arts traditionnels : sculpture bouddhique, peinture religieuse et profane, paravents, kimonos, masques de nō, céramique, sabres, etc. Le Musée archéologique voisin exhibe céramiques, miroirs et objets antérieurs à l’époque de Nara (viiie s.). Près du palais, le musée d’Art moderne contient la peinture japonaise postérieure à Meiji. Mais la plupart des œuvres d’art du pays demeurent dans les collections des temples ou des particuliers, dont certains ont créé eux-mêmes des musées (Idemitsu, Suntory, Gotō...). Les uns et les autres les prêtent fréquemment, et les expositions qu’organisent les grands magasins dans leurs spacieuses galeries jouent à cet égard un rôle comparable aux musées eux-mêmes ; ils exposent également les œuvres étrangères en collaboration avec les grands musées occidentaux. Un actif commerce d’objets d’art se déroule enfin dans la capitale : art traditionnel et étranger (qui connaît un vif essor depuis 1965) ou moderne. Il est concentré par quelques antiquaires et de grandes galeries (Nichidō ou Yoshii par exemple).