Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Tōkyō (suite)

• Les loisirs. La fonction ludique a toujours joué un rôle essentiel dans la société japonaise. Dans leur ville même, les habitants de Tōkyō trouvent un éventail de plaisirs prodigieusement varié, à la fois traditionnels (théâtres du nō, kabuki, de poupées, chansonniers, arts anciens du thé et du bouquet, sports tels que jūdō ou sumō) et d’importation occidentale (base-ball et autres sports, théâtre et cinéma, musique classique ou jazz, strip-tease). Les établissements se concentrent dans les quartiers centraux (Ginza, Shinjuku, Shibuya, Ueno, Ikebukuro, Asakusa, Akasaka), où ils entretiennent une animation intense le soir et les week-ends. Hors de la ville, le tourisme de fin de semaine a développé une banlieue balnéaire (presqu’îles de Miura et de Bōsō, de part et d’autre de la baie), estivale (Karuizawa, Togakushi), de montagne et de ski en hiver, de forêt et de campagne toute l’année. D’innombrables stations thermales, les unes immenses (Atami), les autres minuscules, sont fréquentées par les citadins, tandis que les marinas et les parcs de distraction établis en pleine nature (à la fois parcs d’attraction et jardins zoologiques) attirent les citadins dans un rayon de 40 à 100 km. Les grandes compagnies privées de chemin de fer jouent un rôle pionnier dans cet équipement de loisirs. Les résidences secondaires se multiplient sur le rivage et dans certains secteurs montagneux (Hakone, Karuizawa).

• L’approvisionnement en eau. L’eau douce provient des rivières et des fleuves côtiers (Tone-gawa, Edo-gawa, Tama-gawa et Sagami-gawa) ainsi que des nappes souterraines. Elle est dirigée vers 10 stations de filtrage, dont celle d’Asaka a une capacité de 1,7 million de mètres cubes par jour. Une ceinture de réservoirs dans les collines de l’ouest stockent au total 220 millions de mètres cubes. Cela demeure insuffisant. La demande atteint 7 millions de mètres cubes en 1975, et un troisième plan d’extension du réseau de la Tama-gawa a été lancé. L’approvisionnement en eau industrielle est plus problématique encore en raison de la prolifération de l’industrie lourde sur la baie. D’actifs pompages sont effectués en tous lieux, largement responsables de la descente graduelle du sol en certains quartiers (Sumida). Le système d’égouts de Tōkyō demeure fort insuffisant, 40 p. 100 seulement de la superficie urbaine étant desservis en 1972. Plusieurs milliers de tonnes d’ordures ménagères sont ramassées chaque jour dans le périmètre urbain ; un pourcentage croissant est incinéré (31,5 p. 100 en 1971), une autre partie servant au colmatage le long du rivage. Ce problème est l’un des plus graves en raison des nuisances entraînées et de l’accroissement régulier et rapide des tonnages.

• Les nuisances et la pollution. La municipalité a commencé dès 1949 de légiférer contre les nuisances ; en 1972, le Bureau de la protection de l’environnement emploie une centaine de personnes, et les municipalités des arrondissements et des cités voisines ont elles-mêmes des services spécialisés : contrôle des déjections gazeuses, des eaux, du bruit et des odeurs, transfert des usines, etc. ; 24 stations d’analyse de l’air ont été disposées dans l’agglomération. Des enquêtes médicales ont confirmé l’étroite relation existant entre les taux élevés de polluants et les affections pulmonaires. Le brouillard photochimique sévit dès que le taux d’ozone dépasse 0,30 p. 100 ; il entraîne troubles et évanouissements soudains.

La pollution des eaux ne pose pas de problèmes moins graves ; la Sumida-gawa notamment a vu sa charge s’élever à 340 t par jour ; la création d’un réseau d’égouts dans les arrondissements riverains a réduit celle-ci à 106 t depuis 1965. Les eaux de la baie sont entièrement mortes sur un tiers des points de sondage (1973) et on multiplie les usines de traitement des eaux industrielles (ainsi celle d’Ukima, qui traite les eaux de 730 usines de Kita et Itabashi). Le bruit est l’une des plaies de Tōkyō, et chacun concourt à cette nuisance : circulation automobile et ferroviaire, aéroports, publicité par haut-parleurs aux carrefours, musiques intempestives, usines et ateliers de mécanique des arrondissements du nord, chantiers du métro ou des autoroutes qui marquent presque chaque quartier de la ville. Le remplacement actuel des anciennes constructions en bois, construites sans fondation, par de hauts immeubles de béton aux nombreux sous-sols, l’élargissement de certaines artères pour faciliter la circulation — tous travaux opérés à l’aide d’engins de grande taille — donnent à la vie urbaine un fond sonore bien plus riche en décibels que dans les autres métropoles du monde. Ces chantiers entraînent une nuisance supplémentaire (existant aussi à Ōsaka et Nagoya) : les pompages répétés effectués lors du creusement des fondations détruisent l’équilibre physique du sol, entièrement alluvial, et amènent des tassements, lents mais irréversibles, dans le quartier de Sumida surtout, où la descente atteint de 5 à 15 cm par an ; il se crée ainsi dans ces arrondissements septentrionaux une « zone à 0 mètre » qui s’élargit d’année en année et qu’il faut défendre par de coûteux chantiers de digues et des pompages. Ajoutées à l’incendie, aux typhons et aux séismes, ces nuisances forment à la vie de Tōkyō un fond riche de menaces, souvent réalisées.


Un plan pour Tōkyō

Ayant laissé passer deux occasions majeures de se renouveler (séisme de 1923, bombardements de 1944-45), Tōkyō tente enfin de se plier aux exigences de l’urbanisme moderne. La municipalité a proposé un plan (mars 1972) centré sur l’aménagement de l’environnement pour le bien-être des habitants. La tâche est immense et ses perspectives s’étendent sur plusieurs niveaux : national (Tōkyō est le centre de la vie japonaise, aéroport et port, fonction industrielle), régional (relation avec les activités de la région du Kantō et déplacements quotidiens), métropolitain (système de transports en commun, aménagement d’axes et de sous-centres), du quartier ou de la ville (banlieue). La participation du public doit y être aussi large que possible (conseils locaux) et, étant donné les fortes traditions d’autonomie locale, s’harmoniser sans heurt avec les directives du gouvernement métropolitain. La fixation de minimums pour le logement (superficies et prix), la circulation automobile (séparation envisagée des circulations), les quantités d’eau potable et industrielle disponibles, tels sont les problèmes de base. Le plan prévoit aussi le remodelage des structures collectives, des réseaux administratifs distincts et superposés devant s’occuper des différents aspects de l’activité publique (assistance médicale, loisirs, éducation, etc.). Le problème des cités-satellites s’y rattache étroitement.