Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Tito (Josip Broz, dit) (suite)

Le socialisme selon Tito

L’originalité du régime voulu par Tito consiste dans la recherche d’une voie spécifique pour parvenir au socialisme.

Dans le domaine interne, l’État demeure soumis au régime du parti unique et tout-puissant qui prône la collectivisation. Mais celle-ci est modérée en ce qui concerne l’agriculture ; à partir de 1950, l’autogestion* doit favoriser le développement de l’économie et de l’initiative individuelle. C’est, selon Tito, l’« application spécifique » à la Yougoslavie des principes du marxisme. En 1965, une réforme économique jette les bases d’une économie de marché socialiste ouverte aux influences économiques venues de tous les horizons.


La rupture avec l’U. R. S. S. et la politique de non-alignement

En politique étrangère, la farouche volonté d’indépendance nationale de Tito face à tous les blocs l’oppose rapidement aux Soviétiques. La rupture avec l’U. R. S. S. de Staline est consommée dès 1948. Accusé de révisionnisme, le régime de Tito est attaqué avec violence par les staliniens et par l’ensemble des partis communistes européens. De son côté, Tito réprime durement toute manifestation de sympathie à l’égard de l’U. R. S. S.

Cette politique conduit Tito à se rapprocher des démocraties occidentales. En 1951, il libère l’archevêque de Zagreb, Mgr Stepinac, emprisonné depuis 1945, et conclut en 1954 un accord avec l’Italie au sujet de Trieste. La Yougoslavie bénéficie en retour d’une importante aide économique de la part des États-Unis et des pays occidentaux.

Après la disparition de Staline, Tito se rapproche de nouveau des dirigeants soviétiques (visite de Khrouchtchev à Belgrade en 1955, de Tito à Moscou en 1972, etc.), mais sans jamais s’aligner sur les positions du Kremlin. En politique étrangère, en effet, Tito est devenu un des chefs de file du mouvement neutraliste et de la politique de non-alignement (conférences de Belgrade en 1961, du Caire en 1964, de Lusaka en 1970). Pour mener celle-ci à bien, le maréchal entreprend de nombreux voyages à travers le monde.


Le combat pour l’unité

Au fil des années, Tito doit lutter en Yougoslavie contre plusieurs tendances centrifuges ou centripètes. En 1954 déjà, Milovan Djilas, le « numéro deux » du régime, est condamné à dix ans de prison pour avoir voulu secouer l’autorité du parti. En 1966, le vice-président Aleksandar Ranković est écarté à son tour, mais cette fois pour excès de « centralisme », tandis que le professeur Mihajlo Mihajlov est condamné pour avoir suivi les traces de Djilas.

À partir de 1970, Tito essaie par tous les moyens de renforcer le pouvoir de l’État fédéral, menacé par les forces nationalistes, centrifuges. C’est surtout en Croatie que ces éléments sont actifs ; mais, à partir de 1971, ils s’étendent à d’autres républiques fédérées (Serbie, Slovénie). Aussi des poursuites atteignent-elles de nombreux dirigeants croates, serbes et slovènes.

La réussite de Tito n’en reste pas moins exemplaire et originale, tant sur le plan du socialisme autogestionnaire que dans le domaine politique et diplomatique.

P. P. et P. R.

➙ Autogestion / Yougoslavie.

 J. Mousset, Tito inconnu (Éd. du Chêne, 1945). / B. Lazitch, Tito et la révolution yougoslave (Fasquelle, 1957). / M. E. Naegelen, Tito (Flammarion, 1961). / M. Bekić, Tito et les écrits de ses contemporains (en serbo-croate, Zagreb, 1965). / V. Vinterhalter, la Vie de Josip Broz (en serbo-croate, Belgrade, 1968). / G. Mollet, le Socialisme selon Tito (Seghers, 1971). / V. Begović, Tito (en serbo-croate, Belgrade, 1972).

Titus

En lat. Titus Flavius Sabinus Vespasianus (Rome, 39 - Aquae Cutiliae Sabine [auj. Contigliano], 81), empereur romain de 79 à 81.


Il était le fils de l’empereur Vespasien*. La vie à la cour lui avait permis de recevoir une éducation accomplie. Il faisait des vers, jouait de la musique, et un certain don de calligraphe lui permettait d’imiter très facilement toutes les écritures. Le grec lui était familier, et sa mémoire le classait au-dessus de l’ordinaire. Sa petite taille ne l’empêchait pas d’avoir de la prestance. Au demeurant, il était vigoureux et bien entraîné à la vie militaire. Il avait servi en Germanie, en Bretagne et obtenu le commandement d’une légion lors de la guerre de Judée.

En 68, il avait négocié une entente entre son père et Mucien (Caius Licinius Mucianus, † 77), gouverneur de Syrie. Puis il avait été chargé par son père de rendre hommage à l’empereur Galba (68-69), à la mort duquel certains avaient pensé le proclamer empereur. Ce fut Vespasien qui prit bientôt le pouvoir impérial, tandis que Titus, nommé César et rassuré sur sa destinée par l’oracle de la Vénus de Paphos, commandait les opérations militaires contre les Juifs et le siège de Jérusalem*, qui tombait en 70. À son retour à Rome, il reçut avec son père les honneurs d’un triomphe mémorable où figura le butin du Temple, et qui fut immortalisé par les reliefs de l’arc de Titus (celui-ci se dresse toujours à l’angle du forum). Il fut désormais associé au pouvoir de son père, ce qui lui donna tout loisir d’acquérir une solide expérience du gouvernement. L’opinion publique ne lui était pas alors très favorable, l’accusait d’être débauché et cruel et craignait qu’il devînt un nouveau Néron. Préfet du prétoire depuis 71, et sept fois consul, il se serait montré brutal et rapace, nonobstant ses dehors affables. Sa liaison avec la princesse juive Bérénice, qu’il avait ramenée de Judée après le siège de Jérusalem, faisait redouter quelque aventure aussi peu glorieuse que celle d’Antoine. Les Romains étaient choqués de voir logés au palais impérial Bérénice et son frère Hérode Agrippa II, roi de Judée (v. 50 - v. 93), dont les relations avec sa sœur avaient scandalisé les Juifs. Titus, après avoir promis à Bérénice de l’épouser, dut se résoudre, à son avènement, à la renvoyer en Orient (elle atteignait alors la cinquantaine). Cette histoire inspira la littérature (Racine, Bérénice ; Corneille, Tite et Bérénice, 1670, et, à leur suite, divers opéras du xviiie s.).