Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

tir (suite)

Grâce aux progrès des calculateurs aérotransportables, d’abord analogiques (1965), puis souvent de type digital depuis 1970, on aboutit à des systèmes intégrés dits « de navigation et d’armement » (S. N. A.) ou « de navigation et de bombardement » (S. N. B.) extrêmement efficaces. Leur principe repose sur le fait que les paramètres de vol nécessaires au pilotage sont souvent les mêmes que ceux qui sont nécessaires à la navigation et au tir. Des senseurs mesurent les données physiques nécessaires : pression, température, cap, verticale... ; des calculateurs effectuent les corrections nécessaires pour obtenir les paramètres utiles : vitesse, altitude, incidence, dérapage. Ces derniers, élaborés dans des centrales aérodynamiques de bord, sont envoyés dans des calculateurs de tir et de bombardement qui affichent les corrections voulues dans un collimateur optique placé devant le pilote : c’est la tête de visée, sur laquelle le pilote voit des signaux qui lui donnent des ordres à exécuter pour réussir le tir.

Le problème du tir aérien contre objectif terrestre, plus facile à résoudre, a profité des mêmes progrès : le pilote emploie la même tête de visée, qui, selon le programme de l’avion, peut assurer plusieurs fonctions telles que le tir au canon, le tir aux roquettes ou à la bombe, et cela soit à vue directe, soit en aveugle si l’avion dispose des senseurs nécessaires.

P. L.

Balistique extérieure

Science qui étudie le mouvement des corps lancés dans l’espace, et plus spécialement des projectiles de guerre. On ajoute aujourd’hui l’adjectif extérieur, réservant le terme de balistique intérieure à l’étude du mouvement initial d’un projectile sous l’effet de la combustion d’une charge propulsive (v. poudre).

Pendant longtemps, la balistique fut une des branches les plus importantes de la mécanique rationnelle. À la suite des Grecs, J. Buridan, au xive s., déclare que « le mouvement d’un projectile est l’un de ces mouvements mixtes ou composés : d’abord violent, il fait monter le projectile soumis à l’action de l’impeto, puis il le fait retomber sous l’influence de la pesanteur ». Dans la Science nouvelle (1537), Tartaglia (Niccolo Fontana, 1499-1557) considère que « le premier mouvement est sensiblement rectiligne et orienté dans le prolongement de l’axe de la bouche à feu, le dernier, vertical et dirigé vers le bas, s’y raccordant selon une courbe qui est assimilée à un arc de cercle » ; cependant, il démontre (1546) que « la trajectoire est toujours légèrement incurvée vers le bas » ; selon lui, « l’angle de portée maximale est de 45° », et des expériences lui donnent raison.

Galilée*, dans ses Discours et démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles, la mécanique et les mouvements locaux (1638), démontre que la trajectoire est une parabole lorsque la résistance de l’air peut être négligée, ce que le tir courbe à faible vitesse initiale des obusiers et des mortiers de l’époque vérifie assez bien. On appliquera donc au xviie s., à ces matériels, la balistique du vide, ou parabolique, avec le père Marin Mersenne* (1588-1648), l’ami de Descartes, le premier à utiliser le terme ballistica, puis avec Belidor (1698-1761), tandis qu’avec les canons on pratiquera le tir tendu de but en blanc.

Dans les Principes mathématiques de la philosophie naturelle (1687), Isaac Newton étudie le mouvement vertical d’un corps soumis à une résistance (de l’air) proportionnelle au carré de la vitesse, en mettant en œuvre, comme Leibniz*, le calcul différentiel et intégral ; mais il appartenait à Jean Bernoulli* (1667-1748) de poser les équations différentielles du mouvement et de parvenir à l’équation de l’hodographe, clé du problème balistique. Les Nouveaux Principes d’artillerie (1742) de Benjamin Robins (1707-1751), enrichis des commentaires d’Euler*, sont traduits en français par Lombard, professeur du jeune Bonaparte à l’école d’artillerie d’Auxonne. La solution du problème de Bernoulli est obtenue soit par des développements en série (Charles de Borda en 1756, Isidore Didion et Angelo Francesco Siacci au xixe s.), soit en décomposant la trajectoire en arcs successifs (Euler), seule méthode utilisée aujourd’hui sous diverses formes.

L’emploi du chronographe de Le Boulangé-Bréger, vers 1860-1880, pour mesurer les vitesses initiales des projectiles, au lieu du pendule balistique de Robins, permet une meilleure connaissance des trajectoires. (Aujourd’hui, la durée de parcours d’une base est mesurée au moyen de compteurs électroniques, à moins de mesurer directement la vitesse par effet Doppler.) Après les travaux de M. Henri Hugoniot (1851-1887) et de Fernand Gossot (1853-1935), le calcul par arcs par la méthode de Gavre sera largement utilisé en 1914-1918 pour l’établissement des tables de tir de l’artillerie ; les exigences du tir contre avions conduisent au développement de la méthode G. H. M. (Garnier-Haag-Marcus, 1927), fondée sur une meilleure connaissance des lois de résistance de l’air sur des projectiles effilés, déterminées par J. Dupuis, vers 1925, en fonction de leur vitesse v ou plutôt du nombre de Mach a étant la célérité locale du son, et au moyen d’une atmosphère de référence. Le projectile est défini par son coefficient balistique, fonction de sa forme et de son calibre. Mais l’emploi des ordinateurs permet d’utiliser désormais la méthode d’intégration numérique de Runge-Kutta (1920), et le calculateur électronique de batterie permet de déterminer instantanément la trajectoire du moment, en tenant compte de la vitesse initiale du projectile (qui peut être mesurée), du vent, de la température et de la pression dans l’atmosphère. Quant aux trajectoires des missiles sol-sol et à longue portée, elles s’effectuent en majeure partie dans le vide : ce sont des ellipses.

L’étude de la précision du tir, amorcée au xviiie s., est développée par P. Henry (1848-1907) ; Jules Haag exploite les résultats de nombreux tirs (1920) et montre que la dispersion suit une loi normale de Laplace-Gauss. Quant à la stabilité des projectiles oblongs sur leur trajectoire, longtemps assurée en ajustant empiriquement l’inclinaison des rayures du canon, elle est expliquée par la théorie du gyroscope (N. V. Maïevski [1825-1892] en 1872, Magnus de Sparre [1849-1933] en 1895 et surtout R. H. Fowler et ses collaborateurs en 1918). Il se précise que l’inclinaison des rayures doit dépasser une valeur minimale pour un projectile donné, mais sans excès, si l’on veut qu’il reste couché sur la trajectoire de son centre de gravité, autour duquel il effectue de petits mouvements de précession et de nutation. À la sortie du canon, ces mouvements peuvent prendre de l’ampleur : ils doivent être convenablement amortis et leur étude constitue ce qu’on appelle la balistique intermédiaire. Vers 1930, la photographie instantanée par étincelles des projectiles en mouvement (P. Libessart, H. Schardin) conduit à étudier ceux-ci en tunnel de tir, en vraie grandeur ou à l’aide de maquettes. La rotation propre du projectile se traduit par la dérivation, ou déplacement du point de chute vers la droite du plan de tir lorsqu’on le tire dans un canon rayé à droite.