Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Timor (suite)

L’administration hollandaise veilla surtout à s’appuyer sur les rājā locaux et fit assez peu pour la promotion de la région (il n’y avait que 154 écoles primaires et 3 écoles secondaires en 1942, pour une population de 700 000 habitants environ). En dépit de leur isolement, les jeunes Timorais participèrent pourtant au mouvement de renaissance nationale qui anima l’Indonésie pendant toute la première moitié du xxe s., le contact avec les idées de progrès étant surtout maintenu par l’intermédiaire des missionnaires, en majorité protestants.

Une cellule du parti communiste fut créée en 1925, mais n’eut guère d’influence, car son fondateur, Christian Pandie, fut déporté peu après. Beaucoup plus importante, l’Association timoraise (Timorsch Verbond), créée à Macassar dès 1922, mena sous la direction de J. W. Amalo plusieurs actions couronnées de succès contre l’arbitraire de l’administration. En 1933, les jeunes Timorais qui avaient eu la chance de poursuivre leurs études à Java formèrent un groupement politique, de tendance fortement nationaliste (Timorsche Jongeren).

En dépit d’une assez forte résistance de la part de contingents australiens, les Japonais débarquèrent à Timor le 19 février 1942 ; toute tentative d’émancipation fut sévèrement réprimée et quelques maquis se formèrent dans les montagnes. Les Alliés reprirent pied en septembre 1945 à Kupang, et, l’année suivante, deux délégués de Timor (dont le rājā d’Amarasi) se rendirent à Malino (près de Macassar), où les Hollandais cherchaient à réunir les représentants d’un État fantoche d’« Indonésie orientale ».

Depuis l’indépendance de l’Indonésie, quelques efforts ont été faits pour développer l’élevage des bovins, qui constitue la principale source d’exportation du Timor indonésien. D’autre part, une université a été créée à Kupang.

En 1975-76, à la faveur du changement de régime portugais, l’Indonésie a pris le contrôle effectif de l’ensemble de l’île.

D. L.

➙ Indonésie.

 B. A. G. Vroklage, Ethnographie der Belu in Zentral-Timor (Leyde, 1952 ; 3 vol.). / F. J. Ormeling, The Timor Problem (Groningue et Djakarta, 1956). / Bei Gua, itinéraire des ancêtres. Mythes des Bunaq de Timor, éd. par L. Berthe (C. N. R. S., 1972).

Tīmūr Lang

Souverain de race turque transoxianaise (Kech, près de Samarkand, 1336 - Otrar 1405) qui fonda, à la fin du xive s., un immense et éphémère empire en Asie.


Tīmūr Lang, Tīmūr le Boiteux (en turc Timur, en mongol Temür), dont nous avons fait Tamerlan, naît le 8 avril 1336 à Kech, petite ville au sud de Samarkand, dans une famille noble de Transoxiane. Il a pour père Amīr Tārāghaī (Emîr Turagay), gouverneur de Kech, et pour mère Takina Khātūn (Tekina Hatun). Les généalogistes se sont évertués à lui donner une ascendance gengiskhānide, et lui-même a cherché à se placer dans la lignée de Gengis khān* : quand, en 1370, il prend le titre de roi, il se déclare son héritier et le restaurateur de son œuvre, mais reconnaît le légitime khanat djaghataïde, quitte à changer son titulaire selon ses besoins. Au faîte de sa puissance, il s’appuie sur la loi musulmane tout en prétendant garder l’ordre fondamental des Mongols, le yasa (ou yasaq).

Malgré l’état anarchique de la société dans laquelle il grandit, le prestige de la famille gengiskhānide et le goût pour la pax Mongolorum n’ont pas disparu. La Transoxiane et les pays situés entre Talas (Kirghizistan) et Manas (Xinjiang [Sin-kiang]) qui constituaient les terres de Djaghataï s’étaient séparés. En Transoxiane, un émir turc, Qazghān (Kazgan, mort en 1358), avait exercé pendant plus de dix ans l’autorité suprême au nom du khān. Son successeur, par contre, avait été chassé par un oncle de Tīmūr, Ḥadjdjī Barlās (Haci Barlas), qui n’avait cependant pas pu s’imposer à ses pairs. À l’âge de vingt-cinq ans, Tīmūr croit pouvoir faire mieux que lui et, pour le supplanter, il se déclare vassal du souverain djaghataïde de l’Ili. Se jugeant trop peu récompensé de sa félonie, il s’allie à une coalition de notables, chasse les Mongols, instaure, avec son beau-frère Mīr Ḥusayn (Emîr Hüseyin, mort en 1369), un duumvirat. L’entente entre les deux hommes est de courte durée, et, en 1370, Tīmūr se fait proclamer roi dans Balkh conquise. Dix ans de luttes acharnées seront nécessaires pour qu’il s’impose en Transoxiane et au Khārezm. Puis, en vingt-quatre ans, l’émir parvient à constituer un immense empire, comprenant le Fergana, la Transoxiane, le Khārezm jusqu’à la mer d’Aral, l’Iran tout entier, la Mésopotamie, l’Arménie, le Caucase, l’Anatolie orientale. En outre, par ses campagnes victorieuses, il s’assure la suprématie en Inde, en Asie Mineure, sur tout l’ancien territoire de la Horde d’Or, c’est-à-dire sur l’actuelle Russie du Sud. Il part pour conquérir la Chine en décembre 1404, mais il meurt en route, le 19 janvier 1405. Il est enterré solennellement dans le célèbre mausolée qu’il s’est fait construire dans sa chère capitale de Samarkand (Gur-e Mir).

Tīmūr n’a pas seulement prétendu reconstituer l’empire de Gengis khān, mais agir en protecteur officiel de l’islām et en soldat de la foi. En fait, c’est uniquement pour sa propagande intérieure qu’il cherche des raisons religieuses à ses campagnes, qui n’en ont aucune, et c’est pour la même propagande qu’il affecte d’être meilleur musulman qu’il ne l’est. Quand il part pour l’Inde, en 1398, c’est sous le prétexte que son souverain musulman est trop tolérant pour les païens et n’impose pas sa religion. Quand il détruit l’Empire ottoman en 1402, par la seule bataille d’Ankara, il se justifie en capturant Smyrne, encore chrétienne, et en faisant de cette ville un symbole de son action contre les infidèles. Si l’on considère l’ensemble de son œuvre militaire dans la perspective de l’islamisme, qui semble être la sienne, on constate qu’elle a pour résultat de détruire les grandes puissances musulmanes contemporaines, et elles seules. Certes, la Turquie ottomane se relèvera rapidement ; certes, un des descendants de Tīmūr, Bābur (1483-1530), retrouvera la voie des Indes et y fondera un nouvel et plus vaste empire ; par contre, la Horde d’Or disparaîtra à jamais et la Russie pourra s’établir sur ses ruines.