Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Timor (suite)

La géographie

Timor est une île très montagneuse : le plus haut sommet approche 3 000 m (mont Fatamailan [2 920 m] dans la partie centrale) ; les altitudes supérieures à 2 000 m sont assez fréquentes. Les plaines sont peu étendues ; ce sont des plaines alluviales côtières plus développées et plus larges sur la côte sud que sur la côte nord ; de là une certaine dissymétrie du relief. Les paysages montagneux sont assez étonnants : au milieu de formes généralement molles, mais ravinées et entaillées de vallées profondes, surgissent des pitons rocheux et notamment des pitons calcaires (fater), l’ensemble dominant des « terrasses » étagées.

L’île fait partie de l’arc « externe » (v. Asie de la mousson), d’orogenèse miocène, sans volcanisme récent, compliquée d’une tectonique faillée et d’un soulèvement extrêmement récent, subactuel, qui se traduit par des récifs coralliens soulevés dont les plus élevés donnent de grands plateaux à 500 m d’altitude ; les moins élevés, associés à des formations alluviales, constituent, à quelques mètres au-dessus du niveau de la mer, le soubassement des plaines côtières.

Timor a un climat tropical déjà relativement sec. Kupang reçoit 1 436 mm de pluies seulement. Les pluies tombent en trois mois d’été et sont donc violentes ; les vents sont souvent vigoureux et les amplitudes diurnes élevées. En outre, Timor est la seule île de l’Indonésie dévastée par les typhons (de 3 à 5 par an), qui causent de grands ravages. Pluies violentes et typhons sont responsables du ravinement du flysch, de coulées de boue et de glissements de terrain. La végétation naturelle était, sans doute, une forêt claire ; elle a cédé la place à des savanes à eucalyptus et à acacias.

Les conditions naturelles sont difficiles. Cependant, la population est assez dense (de l’ordre de 35 hab. au km2 en moyenne) ; elle est inégalement répartie, concentrée surtout sur la côte sud, où la densité atteint parfois 120 habitants au kilomètre carré (densité beaucoup trop forte pour des ressources très limitées et une agriculture très médiocre). Timor fut autrefois célèbre pour la production le bois de santal, qui a disparu. Les hommes pratiquent essentiellement la culture sur brûlis, avec pour plante dominante le maïs (mais généralement en culture mélangée [avec du riz sec, du sorgho, des haricots, etc.]) ; le maïs a détrôné au xviie s. tubercules et racines. Les habitants élèvent buffles, porcs, chèvres et surtout chenaux.

Timor n’a guère subi l’influence indienne ni celle de l’islām ; ses habitants sont des Protomalais avec apports mélanésiens, divisés en très nombreuses tribus : on distingue six principaux groupes ethniques dans la partie indonésienne ; vingt-cinq langues seraient parlées dans la partie orientale. Les commerçants chinois sont assez nombreux, notamment à Kupang. Une part importante de la population a été convertie au catholicisme.

J. D.


L’histoire

L’histoire ancienne de la grande île de Timor, la plus orientale des « petites îles de la Sonde », reste encore peu connue. Son nom (Timur, qui signifie aussi « Est ») se trouve mentionné dans le célèbre Nāgarakěrtāgama, poème javanais de 1365. L’analyse des mythes timorais, transmis jusqu’à nous par des bardes qui se sont faits les dépositaires de la tradition orale, permettra sans doute d’éclairer quelques points d’un lointain passé ; les « itinéraires d’ancêtres » (bei-gua) recueillis par exemple par l’ethnologue Louis Berthe chez les Bounaqs du centre de l’île mentionnent des voyages maritimes, des luttes contre les anciens « maîtres du sol » (les Melous), des alliances matrimoniales et des alliances par le sang. Toutes les langues de Timor ne sont pas « austronésiennes », comme c’est généralement le cas ailleurs en Indonésie ; certaines, comme par exemple le bounaq, ont des affinités mélanésiennes, ce qui n’est pas sans poser de difficiles problèmes.

La chronologie proprement dite ne commence qu’en 1520 avec l’établissement de quelques Portugais à Lifau dans la baie d’Ocussi (sur la côte nord). Les Hollandais apparurent un siècle plus tard ; en 1613, Apolonius Schot s’empara du fort Henricus que les Portugais avaient élevé à Solor (autre île au nord de Timor) et envoya de là Willem Jaeobsz à Timor pour établir un premier traité avec le roi de Kupang. Durant la première moitié du xviiie s., l’opposition entre les Hollandais établis près de Kupang (fort Concordia) et ceux qu’on appelait les « Portugais noirs », ou Toepassen, pour la plupart métissés, établis à Lifau, amena plusieurs affrontements ; une des figures de ce temps fut un certain Antonius d’Ornay, qui, venu de Larantuka (autre place forte portugaise à Flores), s’improvisa le chef des Portugais. Après 1769, ceux-ci furent obligés d’abandonner Lifau et se regroupèrent à Dili, qui resta jusqu’à l’époque contemporaine la capitale du Timor portugais.

Soucieux d’étendre davantage leur influence dans ces parages, particulièrement riches en bois de santal, les Hollandais envoyèrent en 1755 J. A. Paravicini à Kupang avec mission de renouveler les traités avec les princes de Timor, de Roti et de Solor. Pourtant, jusqu’à la fin du xviiie s., ces îles n’occupèrent qu’une place très marginale dans les préoccupations du gouvernement général de Batavia. En 1797, deux vaisseaux de guerre anglais essayèrent de s’emparer du fort Concordia et détruisirent la ville de Kupang par représailles. En 1811, malgré une belle résistance, les Hollandais furent obligés de capituler et Kupang passa, comme Java, sous la domination britannique jusqu’en 1816. Les Portugais profitèrent alors des hostilités anglo-hollandaises pour étendre leur influence dans le centre de l’île.

En 1816, le résident Hazaart fut renvoyé à Kupang et maintenu jusqu’en 1833, en dépit d’accusations portées contre lui par le gouverneur portugais. En 1857, un soulèvement local nécessita l’intervention d’un petit corps expéditionnaire. À partir des années 1850, une nouvelle question se posa aux autorités hollandaises et portugaises, celle du tracé de la frontière entre les deux territoires ; plusieurs traités furent successivement débattus (1859, 1893, 1904) jusqu’à ce que les deux parties tombent définitivement d’accord en 1914. La ligne de démarcation traversait l’île à peu près en son milieu, en décrivant une large boucle en plein centre du pays bounaq ; les Portugais renoncèrent à leurs droits sur Solor et Alor, mais conservèrent l’île de Kambing (au large de Dili) et une enclave autour d’Ocussi (à l’ouest de la frontière).