Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Tibère (suite)

Germanicus

(En lat. C. Julius Caesar Germanicus), général romain (Rome 15 av. J.-C. - Antioche 19 apr. J.-C.).

Il était le fils de Nero Claudius Drusus, dit Drusus l’Ancien (38-9 av. J.-C.), frère de Tibère et général fameux, et d’Antonia, fille d’Auguste, et le frère aîné de l’empereur Claude*. Le sénat lui donna le surnom de Germanicus en mémoire des brillantes campagnes de son père sur le Rhin (13-9 av. J.-C.).

Auguste avait songé à faire de lui son successeur : en 4 apr. J.-C., il le fit adopter par Tibère. Germanicus abandonna alors le gentilice de Claudius pour celui de Julius. Il prit part peu après aux campagnes de Tibère contre les Dalmates et les Pannoniens révoltés (7-9), seconda celui-ci de nouveau sur le Rhin en 11 et 12, fut consul en 12 et prit en 13 le commandement des troupes de Germanie.

Il sut réprimer habilement une grave révolte de légions qui voulaient le proclamer empereur à la place de Tibère. Peu après, il emmenait celles-ci en campagne à travers la Germanie : le pays des Marses fut ravagé, et les soldats tombés lors du désastre de Varus reçurent les honneurs de la sépulture et furent vengés par une victoire sur le chef chérusque Arminius, victoire chèrement acquise d’ailleurs, après deux campagnes dans des contrées hostiles (bataille d’Idistaviso, à l’est de la Weser, 16).

Rappelé à Rome par l’empereur, résolu à limiter à la fois les conquêtes et les dépenses militaires, Germanicus y reçut les honneurs du triomphe. Tout un parti du sénat le soutenait contre Tibère, qui ne tarda pas à l’éloigner de nouveau, en l’envoyant en Orient avec une mission plus diplomatique que militaire (17). Germanicus donna un nouveau roi, Zénon, à l’Arménie, fit de la Cappadoce, principauté vassale, une province et négocia efficacement avec le roi parthe Artaban III. Sans l’avis de Tibère, et sous prétexte d’en étudier l’histoire, il visita l’Égypte. Peu après, il mourut à Antioche.

Germanicus s’était heurté à l’hostilité hargneuse du gouverneur de Syrie Cn. Calpurnius Pison, intrigant et démagogue ; cette circonstance incita les contemporains favorables à Germanicus — dont Tacide reflète l’opinion — à soupçonner un empoisonnement. On parla aussi d’un crime perpétré par Pison sur un ordre secret de l’empereur. En tout cas, Suétone n’a pas cru à un assassinat.

Les cendres de Germanicus furent ramenées à Rome par son épouse Agrippine (l’Aînée) et placées dans le mausolée d’Auguste avec un cérémonial qui en fit une vraie manifestation politique. Germanicus laissait plusieurs enfants, dont Agrippine la Jeune et Caligula. Il s’était distingué comme auteur de comédies et de poèmes.

R. H.


Un administrateur remarquable

À la mort d’Auguste (14), Tibère succède donc naturellement et sans difficulté à ce dernier, quoiqu’il manifeste quelque hésitation devant le sénat. Il a alors cinquante-six ans. Cet homme dans la force de l’âge, aussi réfléchi que réservé (sa dissimulation passe pour proverbiale), distant et redouté, va se révéler un administrateur de premier ordre. Jusque dans ses dernières années, assombries sans doute à l’excès par ses historiens, Tacite et Suétone, il aura une haute conscience de ses devoirs.

La ligne de conduite du nouveau César va être la souple continuation de la politique augustéenne. Arrivé au pouvoir, Tibère prend une mesure décisive en supprimant les comices et en transférant au sénat leurs attributions électorales. Affectant un grand respect pour ce sénat qu’au fond de lui-même il méprise, il l’associe aux charges du gouvernement, lui conférant un plus grand rôle judiciaire (il lui confie l’application de la loi de majesté) et législatif (le sénat vote les lois sous forme de sénatus-consultes). Lui-même se veut le princeps de tous les citoyens et imperator pour les soldats seulement. Soucieux du bien public, il agit avec modération envers les provinciaux (« il faut tondre les brebis et non pas les écorcher », dit-il au préfet d’Égypte) et empêche les exactions des gouverneurs. En même temps il instaure en matière de finances une ère d’austérité, se montrant résolument hostile à tout abaissement de la fiscalité, améliorant le système de perception des impôts, s’opposant à toute largesse inutile. Cette politique d’économie portera ses fruits : à l’avènement de Caligula*, le trésor public atteindra près de 3 milliards de sesterces. De la même façon, les dépenses de l’État sont réduites : par rapport à celles du règne d’Auguste, peu nombreuses sont les créations monumentales du règne de Tibère (la Domus Tiberiana du Palatin, le temple d’Auguste divinisé au Forum, le Camp prétorien sur le Viminal et l’arc de Tibère sur la Voie sacrée au Forum). Désireux, en outre, d’assurer la sûreté de l’État, Tibère remet en vigueur dès l’année 15 la loi de majesté et assiste personnellement aux séances judiciaires du sénat.

À l’extérieur, il témoigne de la même sage fermeté. Fidèle au programme d’Auguste, il s’en tient à la politique des frontières naturelles acquises sous son prédécesseur. Il veut surtout éviter les troubles, ce qui l’amène à réprimer durement les soulèvements de Gaule (insurrection de Florus et de Sacrovir, 21) et d’Afrique (révolte de Tacfarinas, 17-24). En Germanie, le désastre de Varus est vengé par les campagnes de Germanicus (14-16). Le rappel de ce dernier (17) marque le terme de la politique germanique de Tibère, en assurant la sécurité de Rome sur la rive gauche du Rhin. Envoyé en Orient, Germanicus intervient en Arménie (18) et, en Asie Mineure, il annexe les principautés vassales de Cappadoce et de Commagène (celle-ci rattachée à la Syrie).


La retraite de César

Insensiblement et pour des raisons diverses, le type de gouvernement institué par Tibère va se dégrader et prendre l’aspect de la tyrannie. En effet, la misanthropie naturelle du prince s’accentue avec l’âge. La servilité et l’incompétence sénatoriale l’irritent. Par ailleurs, la mort de Germanicus (19) soulève de nombreuses difficultés (l’opinion publique rendra à tort Tibère responsable de la disparition de son fils adoptif), et l’empereur s’efforce en vain de rendre populaire l’héritier présomptif, son fils Drusus, de talent médiocre. À partir de 21, l’influence de l’unique préfet du prétoire, Séjan (v. 20 av. J.-C. - 31 apr. J.-C.), devient grandissante. Cet ambitieux, qui aspire au pouvoir et qui espère devenir au préalable, comme naguère Agrippa, le collègue de l’empereur, fait empoisonner Drusus (23), meurtre que Tibère n’apprendra que huit ans après. En 26, l’empereur quitte définitivement Rome, pour se retirer l’année suivante à Capri.