Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

thyroïde (suite)

Les cancers de la thyroïde

Ces cancers correspondent à des formes histologiques variées : papillaire, vésiculaire, trabéculaire indifférenciée le plus souvent. Au début bien limité, le cancer thyroïdien se manifeste par l’apparition d’un nodule, qui ne fixe pas l’iode et qui correspond donc à un « nodule froid ». En fait, le diagnostic ne peut être affirmé qu’à partir de l’examen histologique de la pièce opératoire. On sait, en effet, que beaucoup de goitres simples localisés réalisent une image scintigraphique analogue.

L’évolution se fait vers l’apparition d’une masse cervicale diffuse, entraînant des troubles de compression et s’accompagnant parfois d’adénopathie (ganglions) et de métastases osseuses ou pulmonaires.

Le traitement repose sur l’exérèse chirurgicale, complétée au besoin par la destruction du parenchyme thyroïdien restant par l’iode radioactif à dose thérapeutique et, dans certaines formes histologiques, par l’irradiation au colbat 60.

Chirurgie de la thyroïde

La thyroïde est abordée par incision horizontale de la région cervicale. Les muscles qui la recouvrent sont écartés. Les lobes latéraux et l’isthme sont ainsi accessibles. L’ablation d’un lobe (loboisthmectomie) ou des deux (thyroïdectomie partielle ou totale) nécessite le repérage du nerf récurrent et d’une ou de plusieurs parathyroïdes afin d’assurer leur conservation. L’hémostase est souvent difficile dans cette région très vascularisée.

L’énucléation simple d’un nodule est réservée aux adénomes toxiques ou au traitement de certains goitres multinodulaires diffus.

Le goitre basedowien nécessite une thyroïdectomie presque totale, ne laissant en place qu’une mince couche de tissu thyroïdien. Une préparation prolongée par l’iode et les calmants préopératoires permet d’éviter les graves complications postopératoires, qui sont actuellement exceptionnelles.

La loboisthmectomie, ou hémithyroïdectomie, est l’intervention de base devant un nodule froid (susceptible d’être un cancer). Elle permet d’enlever la totalité du parenchyme thyroïdien d’un côté après repérage du nerf récurrent. Il serait, en effet, à peu près impossible de procéder à l’ablation du tissu thyroïdien restant sans léser le nerf si l’examen anatomopathologique apportait l’indication d’enlever toute la glande après une exérèse partielle d’un lobe. Par contre, la thyroïdectomie totale peut être réalisée immédiatement ou à distance par ablation de l’autre lobe en cas de nécessité. Les cancers évolués nécessitent, bien entendu, l’exérèse immédiate de la glande, éventuellement associée à un curage ganglionnaire uni- ou bilatéral.

Le pronostic du cancer du corps thyroïde est très variable selon la forme histologique. Certaines formes évoluent très longtemps sans aucune récidive. Un traitement substitutif par extraits thyroïdiens permet de pallier les inconvénients de la destruction de la glande, que celle-ci ait été obtenue par la chirurgie ou par l’iode radioactif.

J. T.

➙ Endocrinologie / Glande / Hormone / Parathyroïdes.

 S. Blondin, Chirurgie du corps thyroïde (Masson, 1955). / D. Cosma, les Antithyroïdiens de synthèse (Doin, 1955). / G. Hillmann, Biosynthese und Stoffwechselwirkungen der Schilddrüsenhormone (Stuttgart, 1961). / X. Berthier, le Myxœdème infantile à la lumière des conceptions étiologiques nouvelles (Éd. de la Renaissance, 1963). / N. Simionescu, The Histogenesis of Thyroid Cancer (en roumain, Bucarest, 1966 ; trad. angl., New York, 1970). / M. Zara, la Thyroïde. Connaissances, acquisitions, perspectives (E. S. F., 1972-1974 ; 3 vol.).


Trois savants


Karl von Basedow,

médecin allemand (Dessau 1799 - Merseburg 1854). Il décrivit en 1840 sous le nom d’anémie scrofuleuse (ou cachexie oculaire) l’association d’un goitre, d’un grand amaigrissement et d’une protrusion des globes oculaires, qui correspond au goitre exophtalmique et à l’hyperthyroïdie.


Robert James Graves,

médecin irlandais (Dublin 1797 - id. 1853). Professeur à l’école de médecine de Dublin, il décrivit le goitre exophtalmique, à la même période que Basedow, dans une série de leçons faites à partir de 1835 et publiées en 1843. Il a également complété la description de la fièvre scarlatine.


Sir Charles Robert Harington,

médecin et biochimiste britannique (Llanerfyl, 1897). Il établit en 1926 la structure biochimique de la thyroxine et en réalise la synthèse en 1927 avec. G. Barger.


Biochimie et endocrinologie de la thyroïde

On connaît depuis l’Antiquité l’existence d’hypertrophies thyroïdiennes, les goitres, que les médecins chinois et orientaux traitaient empiriquement par des préparations qui devaient se révéler riches en iode (cendres d’épongés et de gorgones). Une liaison directe entre cet halogène, découvert en 1811 par Courtois, et la physiologie du corps thyroïde n’a été établie qu’à la fin du xixe s. En 1886, Eugen Baumann (1846-1896) a, en effet, découvert que cet organe, pesant environ 10 g chez l’homme et la plupart des grands mammifères, renferme près de 80 p. 100 de l’iode total des organismes (elle en contient de 0,1 à 0,5 p. 100 de son poids sec).

La fonction endocrinienne de la glande thyroïde, depuis longtemps pressentie, est demeurée obscure jusqu’au début du xxe s. Les effets de l’extirpation chirurgicale ou expérimentale de la thyroïde n’ont pas été dissociés de ceux de l’ablation des parathyroïdes* tant que celles-ci ont été considérées comme des annexes de celle-là. Il appartenait au chirurgien bernois Theodor Emil Kocher (1841-1917) d’établir définitivement, par des recherches qui lui ont valu le prix Nobel en 1909, que le corps thyroïde est un organe endocrine dont la première hormone iodée, la L-thyroxine, sécrétée par les cellules épithéliales bordant les vésicules colloïdes, a été isolée en 1915 par Edward Calvin Kendall (v. stéroïdes). Au cours des trente dernières années, l’emploi des isotopes radioactifs (125I,131I), de l’iode stable (127I) a permis de réaliser de très grands progrès dans la biochimie et dans la physiologie des hormones iodées du corps thyroïde.