Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

thermonucléaire (énergie) (suite)

Pour réaliser la fusion des noyaux légers, il faut donc augmenter l’énergie cinétique des noyaux en présence. Cette énergie cinétique est fonction de la température absolue T. Pour une particule de masse m, de vitesse moyenne v, on a
K est la constante de Boltzmann 1,380 . 10–23 J . K–1.

Pour T = 20 °C (soit environ 300 K), on a une énergie de 1/40 d’électron-volt : l’énergie thermique des atomes à la température ordinaire.
À 5 000 K, les atomes se trouvent disloqués ; si l’on augmente encore la température, les négatons sautent de leurs orbites et l’on a un mélange d’ions, de négatons et de noyaux qui constitue le plasma.
À 100 000 K, le mélange est ionisé.
À 106 K, l’apparition de neutrons semble indiquer la formation de quelques réactions de fusion.
À 100 . 106 K, l’énergie qui apparaît est de l’ordre de 10 W/cm3 ; la pression du plasma atteint alors 100 atmosphères.
À 600 . 106 K, la réaction devrait s’entretenir et l’on estime qu’il devrait y avoir équilibre entre le rayonnement électromagnétique et l’énergie produite par la fusion.
À 109 K, tout doit, théoriquement, bien fonctionner, mais la pression du plasma atteint 103 atmosphères.

La première condition à obtenir est donc l’obtention de hautes températures.
Pour que les réactions D + D se produisent, il faut obtenir une température de l’ordre de 600 millions de degrés.
Pour D + T, 100 millions de degrés sont nécessaires. Une énergie de 1 keV correspond à une température de 11,5 . 106 K (c’est pourquoi on peut s’exprimer en kelvins ou en kilo-électrons-volts), qu’on appelle température ionique.


Le critère de Lawson

Pour obtenir plus d’énergie qu’on est obligé d’en fournir, il faut, outre les conditions de température, que soit remplie une deuxième condition, qu’on appelle le critère de Lawson (du nom du physicien britannique J. D. Lawson).

Désignons par T la température absolue du plasma et par n sa densité ; supposons que la réaction soit entretenue pendant un temps τ, qui est le temps de confinement du plasma. Pour que le bilan énergétique soit positif, il faut que le produit soit supérieur à un certain seuil, qui dépend de la température et du rendement ε du dispositif d’extraction d’énergie. Pour la réaction (3), il faut que particules/cm3 · s et T > 100 . 166 K pour un rendement ε = 0,3.

Pour les réactions (1) et (2), il faut que particules/cm3 . s et T > 500 . 106 K.


Orientations initiales

Les premiers travaux ont été orientés vers l’obtention des hautes températures et la conservation du plasma.


L’obtention de hautes températures

• Effet Joule. Pour obtenir de hautes températures, la solution la plus simple consiste à chauffer par effet Joule : un courant intense (décharge de grosses batteries de condensateurs) augmente l’agitation thermique des ions, et l’énergie cinétique de ceux-ci peut devenir assez grande pour vaincre les forces de répulsion. À partir de 1 000 K, le plasma devient de plus en plus conducteur, si bien que ce procédé ne permet pas de dépasser cette température.

• Phénomène de striction. L’agitation thermique précipite les ions contre les parois, et le plasma se refroidit ; il faut donc confiner ce plasma, c’est-à-dire le concentrer vers l’axe du récipient. La striction, ou confinement spontané (on dit aussi effet de pincement, en angl. pinch effect), avait semblé résoudre le problème, mais les instabilités du plasma ont, en partie, rapidement ruiné les premières espérances dans ce domaine (fig. 1).

• Décharges toriques. Pour éviter le refroidissement dû aux électrodes, on a remplacé les décharges rectilignes par des décharges toriques.

Seulement, dans les tores, la dérive des particules a posé de nouveaux problèmes, dont les solutions ont été recherchées aux États-Unis avec les stellarators (en forme de huit).


Le confinement du plasma

Pour réunir les conditions du critère de Lawson, on comprime le plasma précédemment formé : c’est le problème du confinement ; pour réaliser cette opération, on augmente la valeur du champ magnétique des récipients, qu’on appelle les bouteilles. On constate que les lignes de force se resserrent et que les particules se rapprochent les unes des autres ; les particules réagissant contre cette contrainte tentent de s’échapper de la configuration : il y a instabilité du plasma, et l’on observe des microturbulences et des fluctuations des lignes de champ entraînant une diffusion du plasma vers les parois de la « bouteille ».

Ces perturbations, inhérentes à la présence de particules chargées, peuvent être réduites en utilisant d’intenses champs magnétiques. Dans les dispositifs ouverts et longs, on cherche, par des cols minces et des torsions des lignes de force, à réduire les fuites, mais les résultats les plus intéressants semblent être obtenus avec des configurations toroïdales ou celles qui en découlent. Ces dispositifs éliminent presque totalement les fuites aux extrémités et semblent mieux adaptés pour empêcher les dérives transversales du plasma, tout en permettant un confinement poussé.

L’appareil Tokomak (ou Tokamak), conçu sur ce principe, comporte un tore où il y a le vide et à l’intérieur duquel on a créé un cordon de plasma. Pour le former, on induit des courants de l’ordre de centaines de millions d’ampères. Au champ circulaire produit par le courant de plasma, on superpose un champ magnétique longitudinal extérieur, qui produit ainsi un champ magnétique hélicoïdal confinant le plasma. Un champ transversal extérieur stabilise le système (fig. 2).


Orientations nouvelles

Actuellement, on peut classer les différentes voies explorées en partant de la fusion lente (le temps de confinement est de l’ordre de la seconde ; la densité est de l’ordre de 1014 particules/cm3), représentée par les machines à confinement magnétique stationnaire (miroirs, tokomaks, stellarators), jusqu’à la fusion rapide (le temps de confinement visé est de l’ordre de la microseconde ; la densité est supérieure à 1019 particules/cm3). Enfin, des appareils intermédiaires, tels que le θ-pinch (n = 106 particules/cm3), sont également étudiés et représentent un compromis entre les deux solutions extrêmes.

• Dans le domaine de la fusion lente, l’intérêt se porte de plus en plus vers les machines toriques dites « Tokomaks », qui sont les seules machines fermées ayant produit des plasmas à hautes températures.

Différentes expériences effectuées tant aux États-Unis qu’en U. R. S. S. et en France ont permis d’atteindre des températures de l’ordre de 7 . 106 K et des produits supérieurs à 1012/cm3 . s.

Ces machines de grandes dimensions (notamment machine française TFR, réalisée à Fontenay-aux-Roses) doivent avoir de meilleures propriétés de confinement et permettre de s’approcher du réacteur à fusion thermonucléaire proprement dit (fig. 3).

Les expériences de mise au point d’un θ-pinch torique « Scyllac » se poursuivent et semblent confirmer les prévisions théoriques faites dans ce domaine.