Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

thermalisme

Ensemble des moyens médicaux, hygiéniques, hôteliers, hospitaliers et sociaux mis en œuvre pour l’utilisation thérapeutique des eaux de source.


L’action bienfaisante de certaines eaux de source est connue depuis l’Antiquité. Cette action est considérée actuellement pour la plupart des sources comme maximale à l’endroit même d’émergence de l’eau, c’est-à-dire aux griffons. C’est pourquoi il a été nécessaire de construire des établissements thermaux pour la crénothérapie (traitement par les eaux de source) et des hôtels et des hôpitaux pour héberger les curistes près des sources.


L’histoire

Les vertus bienfaisantes de certaines eaux étaient connues avant la période romaine, mais des croyances en leurs propriétés magiques étaient intriquées avec des observations empiriques, si bien qu’il est difficile de parler alors de thérapeutique au sens où nous l’entendons actuellement. Les Romains ont commencé à édifier des thermes au iie s. av. J.-C. De nombreux établissements furent construits pendant les cinq siècles suivants, dans la péninsule italique et dans les pays voisins, notamment en Gaule. L’hygiène était le but initial des thermes, et ceux-ci furent édifiés dans des sites comportant des sources chaudes, mais aussi dans les villes qui n’en disposaient pas, et, dans ce cas, l’eau était artificiellement chauffée. Ainsi, les propriétés naturelles de l’eau n’étaient pas systématiquement recherchées, mais seulement sa chaleur.

De nombreuses stations thermales modernes sont installées sur les ruines de thermes romains ou à proximité lorsque ces thermes utilisaient des eaux naturelles. C’est le cas d’Aix-en-Provence, où les thermes de Sextius Calvinus furent édifiés en 123 av. J.-C., de Plombières, dont les thermes gallo-romains comportaient une « étuve » encore utilisée actuellement, de Néris-les-Bains, où la piscine est située sur l’ancien bain romain, de Royat, du Mont-Dore, de Sail-les-Bains et de mainte autre station où persistent des vestiges thermaux.

Le Moyen Âge voit une grande désaffection pour les eaux thermales, et la plupart des établissements tombent en ruine, bien que certaines sources continuent à être utilisées. Ainsi l’eau chaude d’Ax-les-Thermes, qui coule sur la voie publique, sert à des fins ménagères. En 1260, Louis IX fait édifier dans cette ville un « bassin des ladres » destiné aux soins des croisés revenant malades de Palestine. En 1632, Louis XIII et Anne d’Autriche font un séjour à Forges-les-Eaux, où l’eau ferrugineuse mais froide est bénéfique contre les anémies. Les reines et les dames de la Cour viendront s’y remettre de leurs couches dans les siècles suivants. En 1732, Louis XV fonde les thermes militaires de Bourbonne-les-Bains. C’est le siècle du retour à la nature, mais aussi celui de l’essor des sciences physico-chimiques. Les eaux de source sont analysées et on commence l’étude scientifique de leurs propriétés. Stanislas Leszczyński fait étudier l’eau de Contrexéville par le docteur Charles Bagard, qui en discerne les effets favorables sur l’élimination des calculs urinaires. Théophile de Bordeu (1722-1776), véritable fondateur de l’hydrologie médicale, étudie les eaux minérales du Béarn et collabore à l’Encyclopédie de Diderot et de d’Alembert. La Révolution française brise l’expansion de la plupart des stations thermales et hydrominérales, dont la fréquentation est considérée comme un apanage des grands, mais le xixe s. voit la poursuite de l’analyse des eaux de toutes les sources, et les réglementations de celles-ci apparaissent : ordonnance du 18 juin 1823, loi du 14 juillet 1856, qui sera suivie de décrets de 1856 à 1964. Les villes ou communes ne sont classées par décrets en stations hydrominérales ou climatiques qu’à partir de 1919. Le début du xxe s. permet, à la suite des travaux de P. Curie*, de reconnaître à de nombreuses eaux minérales une propriété jusque-là inconnue : la radioactivité, qui s’avère particulièrement importante dans les eaux très chaudes et volcaniques (Bourbonne, Plombières, Luxeuil, Bains-les-Bains, etc.). Cette radioactivité de l’eau et des gaz qu’elle contient (émanation du radium) explique de nombreux effets thérapeutiques dont les autres propriétés physiques et chimiques n’avaient pu rendre compte. Le niveau de radioactivité, toujours inférieur aux doses dangereuses, baisse rapidement après émergence, ce qui est l’une des raisons pour lesquelles certaines eaux ne sont efficaces qu’à la source.

Enfin, après la Seconde Guerre mondiale, la prise en charge des cures thermales par la Sécurité sociale et leur octroi à tous les malades pouvant en bénéficier ont marqué le début du thermalisme social et d’un grand développement des stations. Cet essor est périodiquement freiné par des impératifs économiques et par une confiance souvent excessive des malades comme des médecins dans les nouveaux médicaments, dont l’efficacité est certaine, mais la toxicité non négligeable. Or, les nouvelles thérapeutiques ne diminuent nullement l’utilité ni les indications des cures thermales, les unes et les autres étant complémentaires dans le traitement de nombreuses affections.


Eaux thermales et eaux minérales

Les propriétés physiques et la composition chimique des eaux*, très variables d’une station à l’autre et même d’une source à l’autre, leur confèrent à chacune des propriétés thérapeutiques particulières et permettent leur classement.

Si certaines eaux doivent à leur forte thermalité (chaleur et radioactivité) une action calmante de la douleur, nombreuses sont les eaux froides dont la composition chimique apporte à l’organisme des éléments utiles, ou même dont la très faible minéralisation permet les cures de diurèse, c’est-à-dire le « nettoyage » de l’organisme par une élimination accrue des déchets.


Les eaux hyperthermales (très chaudes)

Elles doivent leur activité en grande partie à leurs propriétés physiques. Leur température élevée contraste avec une faible minéralisation : les corps chimiques qu’elles contiennent s’y trouvent en quantités très faibles, mais de nombreux métaux et métalloïdes y sont présents. Ces eaux sont surtout employées en traitements externes : bains, douches, inhalations de vapeurs ou d’émanation, dans le traitement des douleurs rhumatismales (Bourbonne-les-Bains, 66 °C ; Aix-les-Bains, 46 °C), des névralgies (Néris, 52 °C), des spasmes du tube digestif (Plombières, 72 °C), des affections gynécologiques (Luxeuil, 52 °C).