Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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thérapeutique (suite)

L’homéopathie* veut guérir le semblable par le semblable : similia similibus curantur. L’allopathie, en revanche, cherche à combattre la maladie par des principes qui lui sont contraires : contraria contraribus curantur. Pour l’homéopathe : « Un produit quelconque qui, administré à fortes doses, déclenche certains troubles chez l’homme en bonne santé devient à doses très faibles, c’est-à-dire après dilution, le remède capable de guérir les mêmes troubles chez l’homme malade. » La dose homéopathique exige donc une dilution extrême du produit en question ; c’est la dose infinitésimale. Cependant, les substances thérapeutiques utilisées en homéopathie sont souvent les mêmes qu’en allopathie et on ne peut s’empêcher de penser à l’homéopathie lorsqu’on inocule un vaccin.


Les moyens modernes

Les ressources de la lutte contre la maladie sont aujourd’hui nombreuses. Le médecin trouve à sa disposition de nombreuses variétés de molécules d’origine végétale, animale ou synthétique et de substances complexes telles que les sérums, les enzymes, les anticorps humains, etc. La maladie peut aujourd’hui être traitée jusque dans ses formes les plus complexes, que celles-ci tiennent à l’agent morbide ou au malade lui-même, et souvent guérie. Nous verrons plus loin les revers de cette profusion de moyens que sont les coûts des traitements et la toxicité immédiate ou à long terme des médicaments.


La chimiothérapie*

Cette méthode n’a plus le sens limité que lui donna son fondateur, l’Allemand Paul Ehrlich (1854-1915) : « Traitement des maladies infectieuses par des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle. » Par chimiothérapie, on entend actuellement toute la thérapeutique par substances chimiques. Nous en donnerons deux exemples : les chimiothérapies anti-infectieuse et anticancéreuse, sans oublier que l’administration d’un simple comprimé d’aspirine pour un mal de tête entre dans le cadre de la chimiothérapie.

Les relations entre la structure des molécules médicamenteuses et leur activité au niveau des différents récepteurs cellulaires ainsi qu’une connaissance approfondie du métabolisme cellulaire sont à l’origine de la connaissance de leur mode d’action sur l’organisme. (V. médicament et pharmacie.)

• Chimiothérapie anti-infectieuse : les antibiotiques*. Pasteur avait déjà observé en 1877 que la bactérie charbonneuse ne se développait pas en présence de Bacillus subtilis. Il en conclut que « chez les êtres inférieurs, la vie empêche la vie », phénomène auquel P. J. Vuillemin donna en 1889 le nom d’antibiose. En 1928, le médecin anglais Alexander Fleming découvrit l’action de la pénicilline* sur le staphylocoque, découverte qui resta cependant longtemps inexploitée. En 1935, le médecin allemand Gerhard Domagk guérit une souris d’une infection streptococcique à l’aide de colorants azoïques porteurs d’une fonction sulfonamide : les sulfamides* étaient nés. Depuis, le nombre des antibiotiques naturels, semi-synthétiques ou entièrement synthétiques n’a cessé d’augmenter.

Le but de la thérapeutique anti-infectieuse est de trouver des substances chimiques les plus toxiques possibles pour les différents microorganismes infectant l’homme, et parallèlement les moins nocives possibles pour l’organisme humain lui-même. Ce but idéal n’est pas encore atteint, et nombre d’antibiotiques, s’ils sont efficaces du point de vue anti-infectieux, comportent une certaine toxicité pour l’homme, variable avec le produit considéré.

L’introduction des antibiotiques en thérapeutique peut être considérée comme un des plus grands progrès de la médecine depuis le début de son histoire, tant avait été grande jusqu’alors la mortalité par infection. La régression de la mortalité infantile et l’allongement de l’espérance de vie sont en grande partie dus au fait que, désormais, les maladies infectieuses bactériennes, notamment la tuberculose et les septicémies, ne sont plus des maladies mortelles.

• La chimiothérapie anticancéreuse. En dehors du traitement des leucémies, où elle s’avère d’une grande efficacité, la chimiothérapie anticancéreuse est une thérapeutique d’association avec la chirurgie et la radiothérapie ; elle reste la seule médication possible des cancers généralisés.

Les substances anticancéreuses sont dites « cytotoxiques », c’est-à-dire toxiques pour la cellule : elles visent en effet à empêcher la division, donc la prolifération cellulaire. On utilise actuellement cinq sortes de drogues anticancéreuses qui agissent chacune à différents niveaux de la reproduction cellulaire (v. cellule, nucléiques [acides], mitose). Les antimétabolites empêchent la synthèse des matériaux de base des acides nucléiques. Les agents alcoylants détériorent le modèle d’ADN (acide désoxyribonucléique) et en empêchent la replication en créant des ponts entre les deux chaînes de la double hélice. Des antibiotiques spécifiques se fixent de façon élective à l’ADN, formant ainsi des complexes qui rendent impossible toute synthèse protéique, donc toute information génétique par la cellule. Une enzyme*, la L-asparaginase, détruit un acide aminé nécessaire à certaines cellules cancéreuses pour synthétiser leurs protéines : l’asparagine. Certains alcaloïdes* végétaux bloquent la division cellulaire dans une de ses premières phases.

Tous ces produits ne sont actifs que sur les cellules en état de prolifération. Ils restent par contre sans effet sur les tumeurs qui ont atteint un rythme de croissance en plateau. C’est ce qui les rend beaucoup plus efficaces dans les leucémies, où les cellules sont en renouvellement constant et accéléré, que dans les tumeurs solides.

On a également mis à profit le fait que les drogues anticancéreuses n’agissent pas toutes sur la même étape de la division cellulaire, pour faire des associations de drogues agissant chacune à une phase différente de la division cellulaire, de façon complémentaire.

Quoi qu’il en soit, la chimiothérapie anticancéreuse, si l’indication en est portée, doit commencer tôt, suivre un rythme approprié — ce qui est important quant aux effets secondaires du traitement — et durer longtemps, de manière à diminuer autant que possible le nombre de cellules malignes produites dans l’organisme.

Elle doit être administrée de façon intermittente, car ces drogues ne sont pas seulement toxiques pour les cellules malignes, mais également pour les cellules saines et notamment celles du sang. Le traitement est donc mené jusqu’à la limite de la toxicité supportable, puis arrêté, permettant une période de régénération sanguine.

Également toxique pour les cellules vectrices de l’immunité (lymphocytes), la chimiothérapie anticancéreuse induit des états de dépression immunitaire qui rendent le malade plus vulnérable non seulement aux infections, mais aussi, dans certains cas, à la croissance et à la dissémination de sa propre tumeur.

Toutes ces raisons font que la thérapeutique anticancéreuse chimique, souvent lourde à supporter pour le malade, ne doit être prescrite qu’à bon escient et étroitement surveillée pendant la durée de son application.