Théodose Ier le Grand (suite)
Le concile de Constantinople (381), qui comprit surtout des évêques orientaux, intronisa Grégoire de Nazianze en qualité d’évêque de Constantinople, et, malgré un certain désordre qui présidait à sa composition et à son organisation, prit des décisions en matière de foi et d’administration ecclésiastique. L’hérésie macédonienne fut condamnée. La hiérarchie des évêques et des territoires ecclésiastiques se précisa : l’évêque du chef-lieu du diocèse devait avoir la prééminence. Celui de Constantinople se plaçait immédiatement après celui de Rome. La conférence de 383 réunissant les chefs des diverses confessions se limita à une condamnation d’hérésies. Les dispositions civiles suivirent les vœux conciliaires : Théodose ordonna la confiscation des églises des hérétiques. Un édit donna la liste des évêques dont la foi faisait autorité (381). Certains hérétiques furent poursuivis avec plus d’énergie : les manichéens, groupe dans lequel figurent des catégories assez diverses, étaient passibles de peines sévères ; les encratites étaient passibles de mort. Aux apostats, il était interdit de tester et de recevoir un héritage.
La théologie était plus mêlée que jamais à la vie publique, par la volonté de l’empereur. Mais celui-ci devait se heurter à une autre volonté, celle de saint Ambroise*, évêque de Milan, qui savait manier la menace d’excommunication. À Thessalonique, une émeute s’était produite en 390 : Théodose ordonna de la réprimer. Le massacre inspira à Ambroise une lettre très ferme, demandant à l’empereur réparation et pénitence publique. Celui-ci s’inclina et fit pénitence à la fin de 391. L’évolution même de sa législation se trouva influencée par ces événements, car les mesures prises contre le paganisme s’aggravèrent en 391.
Eugène
En lat. Flavius Eugenius († Fluvius Frigidus [auj. Hubelj], vallée de la Vipava, Yougoslavie, 394), usurpateur romain de 392 à 394. Ancien professeur de rhétorique à Rome, devenu chef des bureaux de Valentinien II, il fut proclamé empereur à la mort de celui-ci, malgré la volonté ; de Théodose et sans vouloir rompre avec lui. Chrétien tiède, il chercha à se concilier les sénateurs païens de Rome en leur restituant les biens confisqués aux temples.
La politique païenne
La politique de l’empereur à l’égard des païens apparaît souvent timorée et indécise. Théodose a cherché certes à détruire le paganisme, mais, face à des institutions solidement établies, à des fêtes traditionnelles, à un culte impérial d’intérêt politique évident et au paganisme résolu, réactionnaire, de nombreux personnages de l’ordre sénatorial, il s’est avancé avec précaution. Il a été le premier empereur à ne pas prendre le titre de grand pontife. En 381 sont proscrits ceux qui font des sacrifices pour connaître l’avenir, en 385 les sanctions sont plus rigoureuses encore. À l’époque de son conflit avec saint Ambroise, Théodose semble marquer une pause : de 388 à 391, les païens respirent un peu. Pourtant, il est une chose qui se fait lentement, mais inexorablement : c’est la fermeture des temples païens. Elle semble décidée dès le début du règne. En 382, le sénat de Constantinople obtient qu’on laisse ouverts les temples qui servent de galeries d’art. En 391, c’est l’ensemble des pratiques cultuelles qui est visé : interdiction de faire des sacrifices sanglants, de visiter les temples, de vénérer les statues. L’application de ces lois se fait de façon irrégulière, selon les lieux et les circonstances. À Alexandrie, la fermeture du Serapeum est inaugurée par une émeute destructrice qui oppose les chrétiens aux païens assiégés dans l’édifice. En 392, les sacrifices domestiques, les fleurs devant les pénates familiaux, les bandelettes attachées à l’arbre sacré deviennent des pratiques interdites. On sait que tout cela se fera encore longtemps dans les campagnes.
Même si cette politique religieuse a été parfois hésitante, elle a été assez généralement dans le sens des intérêts de l’Église. C’est de ce point de vue qu’est mérité le titre de Grand décerné a posteriori par les chrétiens. En regard de cela, il a été tout le contraire d’un champion de la romanité face aux Barbares, et il a commis un certain nombre de négligences, étalé une certaine inertie face à la bureaucratie, à la corruption, au brigandage et aux autres causes de ruine de l’Empire.
R. H.