Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Théodose Ier le Grand (suite)

Le concile de Constantinople (381), qui comprit surtout des évêques orientaux, intronisa Grégoire de Nazianze en qualité d’évêque de Constantinople, et, malgré un certain désordre qui présidait à sa composition et à son organisation, prit des décisions en matière de foi et d’administration ecclésiastique. L’hérésie macédonienne fut condamnée. La hiérarchie des évêques et des territoires ecclésiastiques se précisa : l’évêque du chef-lieu du diocèse devait avoir la prééminence. Celui de Constantinople se plaçait immédiatement après celui de Rome. La conférence de 383 réunissant les chefs des diverses confessions se limita à une condamnation d’hérésies. Les dispositions civiles suivirent les vœux conciliaires : Théodose ordonna la confiscation des églises des hérétiques. Un édit donna la liste des évêques dont la foi faisait autorité (381). Certains hérétiques furent poursuivis avec plus d’énergie : les manichéens, groupe dans lequel figurent des catégories assez diverses, étaient passibles de peines sévères ; les encratites étaient passibles de mort. Aux apostats, il était interdit de tester et de recevoir un héritage.

La théologie était plus mêlée que jamais à la vie publique, par la volonté de l’empereur. Mais celui-ci devait se heurter à une autre volonté, celle de saint Ambroise*, évêque de Milan, qui savait manier la menace d’excommunication. À Thessalonique, une émeute s’était produite en 390 : Théodose ordonna de la réprimer. Le massacre inspira à Ambroise une lettre très ferme, demandant à l’empereur réparation et pénitence publique. Celui-ci s’inclina et fit pénitence à la fin de 391. L’évolution même de sa législation se trouva influencée par ces événements, car les mesures prises contre le paganisme s’aggravèrent en 391.

Eugène

En lat. Flavius Eugenius († Fluvius Frigidus [auj. Hubelj], vallée de la Vipava, Yougoslavie, 394), usurpateur romain de 392 à 394. Ancien professeur de rhétorique à Rome, devenu chef des bureaux de Valentinien II, il fut proclamé empereur à la mort de celui-ci, malgré la volonté ; de Théodose et sans vouloir rompre avec lui. Chrétien tiède, il chercha à se concilier les sénateurs païens de Rome en leur restituant les biens confisqués aux temples.


La politique païenne

La politique de l’empereur à l’égard des païens apparaît souvent timorée et indécise. Théodose a cherché certes à détruire le paganisme, mais, face à des institutions solidement établies, à des fêtes traditionnelles, à un culte impérial d’intérêt politique évident et au paganisme résolu, réactionnaire, de nombreux personnages de l’ordre sénatorial, il s’est avancé avec précaution. Il a été le premier empereur à ne pas prendre le titre de grand pontife. En 381 sont proscrits ceux qui font des sacrifices pour connaître l’avenir, en 385 les sanctions sont plus rigoureuses encore. À l’époque de son conflit avec saint Ambroise, Théodose semble marquer une pause : de 388 à 391, les païens respirent un peu. Pourtant, il est une chose qui se fait lentement, mais inexorablement : c’est la fermeture des temples païens. Elle semble décidée dès le début du règne. En 382, le sénat de Constantinople obtient qu’on laisse ouverts les temples qui servent de galeries d’art. En 391, c’est l’ensemble des pratiques cultuelles qui est visé : interdiction de faire des sacrifices sanglants, de visiter les temples, de vénérer les statues. L’application de ces lois se fait de façon irrégulière, selon les lieux et les circonstances. À Alexandrie, la fermeture du Serapeum est inaugurée par une émeute destructrice qui oppose les chrétiens aux païens assiégés dans l’édifice. En 392, les sacrifices domestiques, les fleurs devant les pénates familiaux, les bandelettes attachées à l’arbre sacré deviennent des pratiques interdites. On sait que tout cela se fera encore longtemps dans les campagnes.

Même si cette politique religieuse a été parfois hésitante, elle a été assez généralement dans le sens des intérêts de l’Église. C’est de ce point de vue qu’est mérité le titre de Grand décerné a posteriori par les chrétiens. En regard de cela, il a été tout le contraire d’un champion de la romanité face aux Barbares, et il a commis un certain nombre de négligences, étalé une certaine inertie face à la bureaucratie, à la corruption, au brigandage et aux autres causes de ruine de l’Empire.

R. H.

théologie catholique

« Discours sur Dieu », la théologie est née au sein des traditions philosophiques et scientifiques de l’Antiquité gréco-latine.



Généralités

Certains dieux chez Platon, ou l’Être suprême qui est la cause de l’univers selon Aristote, ou le sens ultime des institutions sacrées de la religion d’État chez des stoïciens plus tardifs constituaient l’objet courant de ce discours antique sur Dieu, transmis aux premiers penseurs chrétiens. Ceux-ci amalgamèrent cet héritage païen avec les intuitions des prophètes hébreux et l’enseignement de la Loi contenus dans la Bible. Ils avaient été précédés, à la croisée de ces plus hautes quêtes spirituelles d’où devait naître un jour l’Occident, par les générations de juifs hellénisés d’Alexandrie, auteurs d’une édition grecque des Écritures d’Israël, dite « des Septante ». Pour répondre aux exigences originales de la révélation sur Dieu qu’ils découvraient dans l’Ancien et le Nouveau Testament, les théologiens chrétiens des premiers siècles réservèrent l’usage du mot théologie (theologia en grec) de préférence à l’exposé sur le mystère de Dieu comme tel, en sa transcendance absolue sur toute créature, sa souveraine puissance créatrice et son unité radicale dans la distinction du Père, du Fils et de l’Esprit saint. Ils usaient du terme d’économie (oikonomia), lorsqu’ils décrivaient les rapports de Dieu et de l’humanité au long des siècles, cette « histoire du salut » culminant dans l’« incarnation » de Dieu en Jésus de Nazareth.

La théologie chrétienne a revendiqué très tôt le titre de catholique, au sens où son audience paraissait « universelle » du fait de l’expansion du christianisme dans toutes les parties de l’Empire romain, considéré comme le monde civilisé. Reçue par des peuples nombreux et variés, chargée d’un message sur Dieu qui ne tolérait aucune forme officielle de syncrétisme avec les religions accréditées dans le cadre politique de l’Empire, la foi chrétienne se déclarait surtout « catholique » face aux schismes particularistes et aux déviations locales, inévitables de tout temps au sein des communautés ecclésiales. Après Irénée* de Lyon (fin du iie s.), Tertullien* de Carthage (début du iiie s.) devait fixer le principe juridique de cette « catholicité » naissante : la vérité de la foi ne serait considérée comme « orthodoxe » qu’à la condition de reposer sur une certaine continuité des institutions et des enseignements regroupant les chrétiens dans des Églises définies. Ainsi, la théologie dite « catholique » supposa toujours des formes variées d’accord entre les principaux responsables hiérarchiques et doctrinaux de ces Églises, un accord où ceux-ci manifestaient une identique conscience d’être les légitimes héritiers spirituels des apôtres, garants selon eux de toutes les valeurs essentielles léguées par le Christ aux Églises.