Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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théâtre (suite)

• Troisième observation. L’emploi de l’éclairage étant rendu de plus en plus maniable, puissant et varié, notamment avec la lumière-décor ou avec le dérivé de la lumière que constituent les projections, des espaces nouveaux peuvent être utilisés sans être construits au moyen des agencements techniques du théâtre à l’italienne. On peut faire la même observation à propos des sons, plus particulièrement des techniques de prise de son, qui permettent d’opérer des corrections acoustiques dans les lieux les plus variés.


Mise en scène et espace

• Première observation. Une mise en scène qui se veut fidèle à l’œuvre se doit, si l’œuvre est ancienne, de respecter les conditions spatiales originelles de la représentation, et les exigences spécifiques de sa traduction spatiale si l’œuvre est moderne.

Or, les premières, celles du théâtre grec, du théâtre du Moyen Âge, du théâtre élisabéthain, nous l’avons vu, sont toujours en contradiction, et les secondes, fréquemment, peuvent être en contradiction avec les conditions offertes par le théâtre à l’italienne. Au surplus, dans tous les cas, la conception de l’espace réservé au public — sauf désir de reconstitution archéologique — est en contradiction avec les modes de perception propres au public contemporain.

• Deuxième observation. À plus forte raison, une mise en scène qui se prétend créatrice et libre exclura l’emploi de structures fixes telles que celles du théâtre à l’italienne.


Public et espace

• Première observation. Qu’elle se réfère à l’un ou l’autre type de rapports acteurs-spectateurs — identification ou distanciation —, la communication instaurée entre acteurs et spectateurs doit être perçue par l’ensemble du public dans des conditions techniques satisfaisantes : or, ces conditions ne sont plus remplies par les salles à l’italienne.

• Deuxième observation. Cette même conclusion peut être tirée de l’évolution, chez le public, des conditions de perception et des modifications du goût qui en résultent.

Parmi les facteurs récents de cette évolution, notons, par exemple, que la peinture, avec le cubisme*, accoutumera le public à une dissociation des plans et à la présentation, sur une même toile, des différentes faces d’un même sujet. Le cinéma, la radio et la télévision ont introduit une accélération, une variété et une simultanéité accrues des messages émis.

• Troisième observation. Fonder les rapports acteurs-spectateurs sur des sentiments d’identification, de participation, d’échanges ou de jugements critiques implique, de la part du public, un apport positif, incompatible, semble-t-il, avec l’attitude passive qui lui est imposée par la configuration des espaces salle-scène propre au théâtre à l’italienne.

Nombre des observations qui précèdent ne sont pas seulement le résultat d’une approche historique ou théorique : elles procèdent fréquemment d’une expérience vécue en dehors des salles traditionnelles à la fois par des chercheurs et par certains des plus grands praticiens du théâtre moderne : au cours de la seconde moitié du xixe s., des spectacles de plus en plus nombreux sont donnés dans les anciens théâtres grecs et romains, par exemple.

Dès la fin du xixe s., E. W. Godwin en Angleterre (1886), Lugné-Poe en France (1898), Max Reinhardt (1873-1943) en Allemagne (1910), Gémier en France (1919) montent différents grands spectacles dans des cirques. On assiste également à l’utilisation de plus en plus fréquente d’espaces de plein air : stades, places, lieux historiques (de la place Rouge à Moscou à la place de la Seigneurie à Florence, au palais des Papes à Avignon) ou, simplement, lieux présentant, à un titre quelconque, un intérêt scénographique.

Ce tableau impressionnant de griefs — dressé en les empruntant aux réformateurs du théâtre moderne, metteurs en scène, architectes, scénographes, théoriciens —, assortis de propositions, suivis de projets et de réalisations, débouche, d’une part, sur des modifications apportées aux théâtres à l’italienne existants et, d’autre part, sur de nouvelles conceptions architecturales de l’espace théâtral.

L’exposé des exemples marquants qui illustrent ces deux catégories de travaux doit néanmoins être précédé de quelques considérations qu’impose la survie — voire le développement — de l’architecture à l’italienne constatée, elle aussi, un peu partout dans le monde.

En face des attaques qui viennent d’être résumées, l’architecture à l’italienne a trouvé d’illustres utilisateurs et défenseurs. Parmi ses plus brillants partisans, Louis Jouvet a soutenu qu’au théâtre à l’italienne restait attaché le rare privilège d’avoir satisfait pendant près de trois siècles aux répertoires les plus variés et aux publics les plus différents, ses défauts mêmes pouvant être considérés comme féconds, si l’on en juge par les trésors d’intelligence et d’astuce qu’il a suscités.

Parmi les utilisateurs, citons Bertolt Brecht*, qui n’a pas craint d’installer le Berliner Ensemble à Berlin-Est dans un théâtre à l’italienne des plus conventionnels — apparemment satisfait du rapport salle-scène de ce type de théâtre, en accord avec sa théorie fameuse de la distanciation.

De même, des constructions relativement récentes — le théâtre de Nowa Huta édifié après la Seconde Guerre mondiale au cœur de cette ville nouvelle construite à proximité de Cracovie ou l’Opéra de Berlin-Est, reconstruit en 1955 — relèvent des principes de l’architecture à l’italienne.

À ces différentes remarques peuvent s’ajouter : le souci sentimental de reconstituer fidèlement nombre de théâtres détruits au cours de la dernière guerre (tel sera le cas de l’Opéra reconstruit à Munich) ; l’obligation de conserver certains édifices classés (l’enveloppe du théâtre de la Ville à Paris) ; la nécessité de respecter les règles de sécurité imposées par certains pays (l’architecture à l’italienne, par le cadre de scène et le rideau de fer, permet d’isoler de la salle la scène, autour de laquelle se trouvent concentrés la plupart des équipements techniques).