Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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textiles (industries) (suite)

Le vrai problème de l’économie et de la géographie des textiles n’est, cependant, pas celui de la concurrence des pays nantis et de ceux qui ne le sont pas : il réside dans la menace qui pèse à terme sur les approvisionnements en matières premières. Au cours des vingt dernières années, une bonne part de l’expansion de la demande a pu être satisfaite grâce aux produits synthétiques, qui revenaient à bas prix. La hausse du pétrole remet en cause l’expansion de ce secteur. Les superficies consacrées à l’élevage du mouton ou à la production de fibres ne sont guère extensibles ; les augmentation prévisibles de rendement sur les zones déjà en valeur sont limitées. On sent se terminer la période de l’abondance des textiles. Peut-être faudra-t-il revoir certaines habitudes qui étaient en train de s’installer, l’usage abondant des tissus dans l’ameublement par exemple.

L’histoire industrielle des textiles est, avec celle de la métallurgie, la plus longue que nous puissions retracer : les fluctuations perpétuelles dans son équilibre spatial traduisent le jeu de substitution entre fibres concurrentes, les déplacements de la demande et l’influence des niveaux techniques et de salaires. Il n’est, sans doute, pas de domaine où l’on prenne davantage conscience de la fragilité de la fortune industrielle : tout est ici mouvement, recherche d’équilibres nouveaux, mais qui se troublent dès que trouvés.

Les plantes textiles

Au niveau mondial, elles jouent un rôle peu important actuellement ; cependant, elles peuvent avoir localement un rôle notable. Les deux plus connues en Europe occidentale sont le lin (Linum usitatissimum) et le chanvre (Cannabis sativa). Cependant, on peut également noter :

• le crin végétal, produit à partir d’un palmier nain (Chamærops humilis) en Europe méditerranéenne ;

• l’alfa, plante herbacée (Stipa tenacissima) importante en Espagne avant la Seconde Guerre mondiale ;

• le lin de Nouvelle-Zélande (Phormium tenax), cultivé dans les régions tempérées de l’hémisphère Sud (Argentine, Chili, Nouvelle-Zélande) [des essais ont été tentés en Écosse] ;

• le jute de Chine (Abutilon Avicennæ), cultivé en Chine, en U. R. S. S. et en Bulgarie.

D’autres espèces sont utilisées ça et là pour des usages locaux. Le plus grand nombre se trouvent dans les zones méridionales de l’Union soviétique.

Le chanvre

D’une manière générale, la production de chanvre a connu une baisse considérable. La surface cultivée en France représente de 1 à 2 p. 100 de ce qu’elle était il y a plus d’un siècle. Sans être aussi marqué, ce phénomène se retrouve chez tous les producteurs, sauf en Inde. Cela est dû à la disparition d’utilisations traditionnelles (navigation à voile) et à la concurrence d’autres fibres (pour la corderie et la sacherie). La diversification des utilisations a, cependant, permis une reprise (production d’huile, fabrication de panneaux agglomérés, pâte à papier).

Par ailleurs, les variétés traditionnelles sont dioïques : il y a des pieds mâles et femelles, différant par la taille et la précocité. Les travaux de Neuer, entrepris en 1934, ont permis d’aboutir à la création de variétés monoïques, où les fleurs mâles et femelles sont sur la même plante. Le gain est sensible sur l’homogénéité et la productivité en graine. Les fibres ont alors tendance à devenir un sous-produit de la production d’huile.

L’espèce Cannabis sativa, seule du genre, appartient à la famille des Moracées. Originaire de l’Asie centrale, sa culture s’est étendue très tôt dans toute la zone tempérée. Les variétés à fibres sont plus hautes et peu ramifiées ; les variétés à huile sont plus petites et très ramifiées ; enfin, on cultive en Inde une variété spéciale, pour la production de hachisch (chanvre indien).

L’aire de culture est très vaste ; la condition la plus marquante est liée au développement : le chanvre est une plante de jour court. Aussi son cycle est-il plus long en régions tropicales. Il existe de nombreuses variétés, et les techniques culturales diffèrent selon l’objectif. Pour la production de fibres, la densité doit être élevée (de 120 à 150 plantes au mètre carré) afin d’obtenir des tiges fines. Les besoins en eau sont alors élevés, la sécheresse diminuant la qualité des fibres. Pour la production de graines, les peuplements sont nettement plus faibles (de l’ordre de 10 pieds au mètre carré). La fertilisation azotée doit être faible pour la production de fibres, d’autant plus que la forte densité induit des risques de verse plus grands ; elle est sensiblement plus élevée pour la production de graines. Par ailleurs, le chanvre peut être parasité par l’orobanche, ce qui conduit, dans ce cas, à un allongement de l’intervalle entre deux cultures de chanvre sur une parcelle.

La période de végétation est assez courte (mai-sept.) en zone tempérée, plus longue aux latitudes plus basses.

Pour le coton, le jute et le lin, v. les articles.

A. F.

P. C.


Les textiles chimiques

Suivant en cela l’industrie du caoutchouc, où la production du caoutchouc synthétique a dépassé depuis longtemps celle de la gomme naturelle (5,65 Mt de caoutchoucs synthétiques contre 3 Mt de caoutchouc naturel en 1970), la production des textiles chimiques est en voie de dépasser celle des textiles naturels. Ce résultat est déjà atteint en France, où, en 1971, sur une consommation totale de fibres textiles de 681 300 t, celle des textiles chimiques a atteint 374 200 t, contre 77 100 t pour la laine et 230 000 t pour le coton, alors que, pour l’ensemble du monde, on notait en 1972 une production de textiles chimiques de 10 070 600 t, contre 12 500 000 t pour le coton et 1 400 000 t pour la laine.


Textiles artificiels et textiles synthétiques

Chimiquement parlant, les textiles sont constitués de hauts polymères formés par l’association en chaîne d’un grand nombre de molécules unitaires, ou maillons. Lorsqu’on envisage la préparation de textiles chimiques, on peut soit partir de matières premières qui sont déjà elles-mêmes des macromolécules, comme la cellulose ou les protéines, et modifier leur structure physique ou leur composition chimique pour obtenir des textiles artificiels, soit produire par synthèse les macromolécules nécessaires à partir d’éléments simples tels qu’atomes de carbone, d’oxygène, d’hydrogène, d’azote, etc., et obtenir ce qu’on appelle des textiles synthétiques. Dans ce dernier cas, la fabrication est plus compliquée, mais elle offre un plus large choix au producteur dans la constitution de la molécule et la possibilité d’obtenir des produits aux qualités entièrement nouvelles.