Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

automate (suite)

Le xviiie siècle anatomiste

Héritier de cette philosophie qui établit une échelle unique dans la vie où l’homme et l’animal sont seulement des chaînons différents, le xviiie siècle construit des automates de démonstration, véritables êtres artificiels ayant l’apparence de l’être vivant jusque dans ses fonctions physiques ou physiologiques. Si le xviiie siècle a rêvé, avec Julien Offroy de La Mettrie (1709-1751), de « l’homme-machine », il est surtout l’époque de quatre inventions mécaniques capitales pour l’automatisme : le carton perforé imaginé en 1728 par Falcon, le régulateur centrifuge à boules de James Watt (1736-1819), repris des mécaniciens médiévaux constructeurs de moulins, mais perfectionné et appliqué à la machine à vapeur (1767), la masse oscillante pour le remontage de la montre à secousses (1770) d’Abram Louis Perrelet (1729-1826) et de la « perpétuelle » (1780) d’Abraham Louis Breguet (1747-1823). et enfin l’art de noter les cylindres des boîtes à musique, selon la « tonotechnie » (1775) du P. Joseph Engramelle (1727-apr. 1783). Le caoutchouc, nouvellement importé d’Amérique, permet à Jacques de Vaucanson (1709-1782), véritable chercheur scientifique, de mouler des automates à corps souple, parcouru de tuyaux élastiques et flexibles reproduisant le fonctionnement du système circulatoire. Louis XVI, son ministre Henri Léonard Bertin (1720-1792) et le chimiste Pierre Joseph Macquer (1718-1784) s’intéressent à ce projet d’avant-garde. De bons résultats furent obtenus en 1763. Ces automates scientifiques, appelés androïdes, laissent loin derrière eux les mannequins des jaquemarts et les poupées de cire. Certains d’entre eux, notamment ceux de Vaucanson, tels que le Joueur de flûte traversière (1737), le Joueur de tambourin (1738) et le fameux Canard (1738), ainsi que ceux de ses successeurs Friedrich von Knauss (1724-1789), les Jaquet-Droz (Pierre Jacques [1721-1790] et son fils Henri Louis [1752-1791]), Jean Frédéric Leschot (1746-1824), Henri Maillardet (1745-1815), ouvrent de magnifiques perspectives, dont les actuelles prothèses plastiques stimulées électriquement sont l’aboutissement.

Quant à la lignée des automates traditionnels, elle est représentée par les automates des horlogers suisses Pierre Jaquet-Droz et son fils Henri Louis, ainsi que son élève Leschot : l’Écrivain, le Dessinateur et la Musicienne, qui, de ses doigts articulés, frappe véritablement les touches d’un orgue à clavier (musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel, 1773), les Têtes parlantes (1783) de l’abbé Mical (v. 1730-1789) et la jolie Joueuse de tympanon (1785) de Pierre Kintzing (1746-1816) de Neuwied. Celle-ci, une fois déshabillée de sa robe à panier, révèle une anatomie parfaite (celle de Marie-Antoinette, aux dires de son médecin, le docteur Joseph Marie de Lassone) et un mécanisme programmé.

Devant de telles réalisations, on comprend l’amour qu’éprouve Pygmalion pour la statue animée de Galatée, qui est son œuvre. Le professeur John Cohen (né en 1911), de l’université de Manchester, traitant des androïdes du xviiie s., peut parler de pygmalionisme pour désigner cette déviation affective des hommes pour l’automate (Human Robots in Myth and Science, 1966).


Permanence et mutations de l’automate classique


Le xixe siècle industriel

Les grands automatistes du xixe s. sont des ingénieurs constructeurs, hommes de pratique, rompus au travail du métal, qui veulent créer des machines vraiment rentables. Le 15 février 1796, le Genevois Antoine Favre (1734-1820) présente à la Société des arts une boîte de fer-blanc qui contient un carillon sans timbres ni marteaux : c’est la boîte à musique à peigne, à lames d’acier mises en vibration par un cylindre à picots. Dès 1802, la fabrication de ces boîtes occupe un cinquième des horlogers du Jura vaudois et, vers 1830, la demande est si importante que les ouvriers sont obligés de diviser le travail. Dans le canton de Vaud, Sainte-Croix demeure la capitale mondiale de la musique mécanique. La boîte à musique du xixe s., avec ses six ou huit cylindres de rechange, au programme musical multiple, préfigure les machines « informées » modernes. Cependant, on doit mettre à part un créateur original, Thierry Nicolas Winkel (1780-1826) d’Amsterdam, qui construit en 1821 un orgue mécanique prodigieux : le Componium. Cet instrument automatique produit, par le jeu de ses cylindres pointés, un nombre infini de variations sur un thème donné. Le choix et la marche des cylindres se font de manière imprévisible. En quelque sorte, le Componium était capable de composer ! Pendant ce temps, la branche traditionnelle de l’automatisme s’enrichit des automates de l’illusion de Jean Eugène Robert-Houdin (1805-1871), des tableaux mécaniques et des oiseaux chanteurs (1855) de Blaise Bontems (1812-1868). Vers 1875, Carl Fabergé (1846-1920) ménage pour le tsar des « surprises mécaniques » dans des œufs de Pâques orfévrés.


Le xxe siècle électrique et électronique

Les automates modernes ne sont plus mécaniques, mais électroniques, c’est-à-dire que des impulsions électriques de l’ordre du milliardième de seconde remplacent les roues trop lentes à se mouvoir, même dans les engrenages en Nylon les plus parfaits. Le terme d’automate est remplacé par celui de robot depuis que l’écrivain tchèque Karel Čapek (1890-1938) a fait en 1920 la fortune du mot robotník (travailleur ou esclave) dans son drame R. U. R. ou les Robots universels de Rossum. La littérature scientifique anglo-saxonne n’emploie jamais les mots automaton ou automata, mais le terme robot. Alors que la tradition des automates de vitrine se perpétue chez les artisans fabricants (Jean Roullet [† 1907], son gendre Ernest Decamps [1847-1909] et son petit-fils Gaston Decamps [né en 1882], Jean et Annette Farkas), les robots modernes apportent des solutions neuves aux problèmes déjà posés et en partie résolus des calculatrices à fiches perforées, des véhicules endomécaniques et du pilotage automatique, des machines à « mémoire » traduisant, imaginant, composant, inventant ; et enfin au problème éternel de la construction d’un homme artificiel.