Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

témoignage (suite)

Les parties indiquent les noms, prénoms et demeures de leurs témoins et, en cas d’impossibilité, peuvent être autorisées à se présenter avec eux lors de l’enquête ou à faire connaître leurs noms, prénoms et demeures dans un certain délai ; de plus, le juge peut, d’office ou à la demande des parties, convoquer ou entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile à la manifestation de la vérité. Quiconque en est légalement requis est tenu de déposer ; toutefois, peuvent être dispensées de déposer les personnes qui justifient d’un motif légitime. Les personnes qui sont entendues en qualité de témoins prêtent serment de dire la vérité, et celles qui sont entendues sans prestation de serment sont informées de leur obligation de dire la vérité. Les unes et les autres ne peuvent lire aucun texte ; elles peuvent être entendues ou interrogées par le juge sur tous les faits dont la preuve est admise par la loi, alors même que ces faits ne seraient pas indiqués dans la décision prescrivant l’enquête ; le juge peut entendre de nouveau les témoins, les confronter entre eux ou avec les parties et même, le cas échéant, procéder aux auditions avec l’assistance d’un technicien. Les auteurs de faux témoignages encourent des peines d’amende et d’emprisonnement.

J. B.

➙ Preuve / Procédure / Serment.

tempérament

Manière de répartir les intervalles dans l’accord des instruments à sons fixes.


Dans la musique occidentale, le tempérament est passé successivement par trois phases principales, en corrélation avec l’histoire des systèmes acoustiques qui ont commandé l’évolution du langage.


Le tempérament par quintes

Il a duré jusqu’à la fin du xve s., en corrélation avec le système dit « pythagoricien ». Ce système ne connaissant, outre l’octave, qu’une unité élémentaire de mesure — la quinte physiquement juste (rapport 2/3) — et l’emploi encore réduit du chromatisme ne donnant qu’exceptionnellement lieu à des problèmes d’enharmonie, rien ne s’opposait à l’identité absolue entre le tempérament et lui. Il correspond historiquement à la phase d’assimilation des seuls quatre premiers harmoniques dans la « tranche de résonance ».


Le tempérament par quintes et tierces, dit « tempérament inégal »

Entré dans l’usage au xvie s., il dura jusqu’à la fin du xviiie. Il correspond historiquement à la phase d’assimilation de l’harmonique 5 dans la « tranche de consonance », menant à la « consonance parfaite » de l’accord naturel avec tierce, dit parfois « système zarlinien ». Ce système — comportant, outre l’octave, deux unités de mesure élémentaires différentes, la quinte 2/3 et la tierce majeure 4/5 — entraînait pour les mêmes notes des différences de hauteur selon que, en raison de leur fonction, elles étaient, à partir du même point de référence, calculées au moyen des quintes ou au moyen des tierces, ou encore par un mélange des deux en proportions variables. Par exemple, à partir du do, la quinte de se calculait do-sol-ré-la, soit trois quintes, tandis qu’un la, tierce de fa, se calculait do-fa (quarte), fa-la (tierce), ce qui le plaçait sensiblement plus bas que le précédent. En outre, la multiplication des altérations avait pour conséquence la rencontre en un même point du clavier de deux notes altérées de hauteur différente, par exemple un sol dièse et un la bémol. À moins de multiplier à l’excès le nombre des touches ou de leur équivalent (ce qui se pratiqua quelque temps à titre expérimental, mais qui ne devait pas se maintenir ensuite dans l’usage), il devenait impossible de faire coïncider exactement un clavier où chaque note devait avoir une hauteur fixe avec un système où cette même note pouvait changer de hauteur selon sa fonction.

Le tempérament inégal est un compromis destiné à accorder le clavier une fois pour toutes en sacrifiant les combinaisons les moins usuelles pour assurer aux combinaisons plus employées la meilleure justesse possible telle que la définit le système en vigueur.

Il n’y a pas en réalité un tempérament inégal, mais plusieurs, correspondant aux divers procédés de « partition » pratiqués par les différents accordeurs. Ils ont en commun le souci d’assurer la plus grande justesse possible des quintes et des tierces sur les accords parfaits, majeurs et mineurs, construits à partir des touches blanches, en sacrifiant plus ou moins les autres. Les touches noires sont considérées comme trois dièses (fa, do, sol) et deux bémols (si, mi) ; toute rencontre dans un même accord d’un dièse et d’un bémol aboutit donc à une dissonance, tantôt utilisée pour créer une atmosphère particulière (François Couperin le Grand, dans la Lugubre), tantôt jugée inacceptable et déclarée proscrite (quinte dite « du loup » : sol dièse - mi bémol).

Les tempéraments inégaux les plus connus sont celui qui a été décrit par dom François de Bedos de Celles (1709-1779) dans son Art du facteur d’orgues (1766-1778) et celui qui a été préconisé par Jean-Jacques Rousseau à l’article Tempérament de son Dictionnaire de musique (1767) ; il existe aussi un tempérament par petites quintes (accord par quintes avec raccourcissement en plusieurs endroits) qui constitue un compromis avec le tempérament précédent.


Le tempérament égal

Pratiqué empiriquement dès le xviie s. et peut-être avant (il est attesté par Mersenne), tout au moins sur les instruments à frettes, il fut calculé scientifiquement par Andreas Werckmeister en 1691, se répandit peu à peu au cours du xviiie s., où il concurrença le tempérament inégal (Das wohltemperierte Klavier de J.-S. Bach, 1722, est probablement une démonstration en sa faveur), et se vit adopté définitivement au début du xixe s. Sa victoire semble liée d’une part à l’abandon du clavecin, traditionnellement attaché au tempérament inégal, en faveur du pianoforte, plus ouvert au nouveau mode d’accord ; d’autre part à l’insuffisance de l’ancien tempérament devant les développements de l’harmonie, qui ne pouvait plus se satisfaire des seuls accords sélectionnés comme justes sur le clavier inégal. On ne pouvait pas davantage revenir à la prolifération des touches, déjà abandonnée au xvie s. devant une situation bien moins compliquée qu’elle ne l’eût été alors ; en effet, il n’y avait à ce moment, outre l’octave, que deux intervalles de mesure, la quinte et la tierce, tandis que, dès la fin du xviie s., l’extension de la consonance en eût exigé au moins un troisième, la 7e naturelle, qu’au surplus la théorie ne reconnaissait pas encore comme consonance. On choisit donc la solution empirique la plus commode, celle de diviser l’octave en douze intervalles égaux, ce qui rendait infimes les divergences de hauteur et permettait toutes les enharmonies et toutes les transpositions. En revanche, on supprimait le coloris particulier que certains accords prenaient par rapport à d’autres, on transformait le problème traditionnel de l’« éthos des tonalités » en une routine verbale dénuée de signification, et on portait un coup assez rude aux exigences de la finesse d’oreille, désormais dotée d’un gabarit approximatif par rapport au donné physique, ainsi qu’au rationalisme des mathématiciens de la musique, pour qui l’intervalle de base, devenu le demi-ton, fut désormais un nombre irrationnel : soit 1,059 463 094..., excluant toute précision de calcul dans le système décimal. Par contre, l’adoption du tempérament égal a favorisé l’extension de la palette harmonique depuis le xixe s., et la plupart des innovations romantiques en ce domaine — notamment le chromatisme wagnérien — eussent été irréalisables sans lui.

J. C.

➙ Intervalle.