Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

teinture et apprêts (suite)

Matières colorantes

Jusqu’à la seconde moitié du xixe s., on a utilisé comme colorants des produits provenant du règne végétal (indigo, garance, etc.), du règne animal (cochenille, pourpre antique, etc.) et du règne minéral (pigments divers, ocres, etc.). La teinture, au moyen de ces produits, se faisait par des méthodes empiriques, en général très compliquées. À partir de 1856, avec l’invention de la mauvéine par le chimiste anglais sir William Henry Perkin (1838-1907), les colorants naturels ont progressivement été remplacés par des colorants de synthèse (plusieurs milliers). Ce grand nombre de colorants s’explique par la nécessité de chercher des produits qui conviennent aux différentes fibres, notamment aux fibres synthétiques. De plus, la création de séries de colorants nouveaux tient compte de différentes considérations : facilité d’emploi avec les procédés modernes de teinture, demandes de la clientèle concernant la variété des nuances et la solidité des teintures, point de vue économique et prix.

Les colorants peuvent se ranger d’après leurs caractéristiques d’emploi et leur mode d’application en deux grandes catégories : les colorants solubles et les colorants insolubles dans l’eau.

• Les colorants solubles dans l’eau sont de trois sortes.
— Les colorants anioniques sont des sulfonates ou des carboxylates alcalins. On appelle colorants acides ceux qui teignent les fibres protéiniques (laine, soie, etc.) en bain acide. D’autres, dénommés colorants directs ou substantifs, teignent les fibres cellulosiques (coton, viscose, etc.) en bain neutre en présence d’électrolytes. Pour les colorants à mordants (ou métallisables), il faut précipiter, sur les fibres textiles, des oxydes de certains métaux avec lesquels les colorants forment des complexes solidement fixés au textile ; le métal le plus utilisé est le chrome dans le procédé dit « par chromatage ultérieur ». Dans les colorants métallifères, le métal est incorporé au colorant lui-même en formant un complexe métallifère, qui teint en nuances très solides certains textiles (laine, soie, polyamides).
— Les colorants canoniques, ou basiques, sont des sels de bases organiques (amines). Leur nom vient de la partie cationique de la molécule colorante qui est responsable de ses propriétés coloristiques. Ils teignent la laine et la soie en bain neutre ou d’acidité organique ainsi que le coton préalablement traité au tanin. Ils présentent un nouvel intérêt par leur application à la teinture des fibres dérivées du polyacrylonitrile.
— Les colorants réactifs forment de véritables combinaisons chimiques avec les fibres (réaction de covalence).

• Les colorants insolubles sont également de plusieurs sortes.
— Les colorants de cuve sont solubilisés par réduction en milieu alcalin et peuvent ainsi se fixer sur les fibres. Ils sont ensuite régénérés par une oxydation qui ramène le colorant à sa forme insoluble initiale ; celui-ci est alors solidement fixé sur la fibre. L’expression « colorant de cuve » rappelle l’ancienne industrie de la teinture à l’indigo, qui se distinguait par ce mode d’application connu depuis la plus haute antiquité.
— Les colorants sulfurés (ou au soufre) résultent de l’action du soufre ou de polysulfures alcalins sur des molécules organiques. Ils sont solubilisés dans le bain de traitement par des produits réducteurs alcalins (sulfure de sodium).
— Les colorants formés sur la fibre comprennent les « colorants azoïques insolubles » (ou colorants naphtols) et les « colorants d’oxydation », obtenus en traitant la fibre par certains composés qui, soumis à une oxydation appropriée, se transforment en produits colorés.
— Les colorants dispersés (ou plastosolubles) ont été étudiés spécialement pour la teinture de l’acétate de cellulose et ensuite pour celle des fibres synthétiques. On les utilise en les mettant en suspension dans l’eau sous forme d’une « dispersion » extrêmement fine.
— Les pigments peuvent être utilisés soit pour la « coloration dans la masse » des fibres artificielles ou synthétiques, soit en les incorporant à des préparations comportant des éléments fixateurs (résines synthétiques par exemple) dont la polymérisation ou la polycondensation assure la formation de liaisons réticulées entre pigment et fibre. Par ce procédé, ils sont notamment utilisés en impression.


Teinture des différentes fibres suivant les colorants utilisables

La classe de colorants à utiliser doit être choisie en fonction de la fibre textile à teindre ; il faut distinguer deux grandes catégories : les fibres hydrophiles et les fibres hydrophobes.

• Fibres hydrophiles. Cette première catégorie groupe les fibres naturelles et les fibres de cellulose régénérée.
— Les fibres cellulosiques (coton, lin, viscose, etc.) se teignent en colorants directs en milieu neutre à une température voisine de 100 °C, qui favorise l’absorption et la diffusion du colorant dans la fibre en un temps assez long pour réaliser l’équilibre entre la concentration du colorant dans la fibre et dans la solution. Pour faciliter l’« épuisement » du colorant dans le bain, on laisse redescendre la température et on ajoute des électrolytes (sel marin ou sulfate de sodium). De la même façon, mais en milieu alcalin, les fibres cellulosiques se teignent en colorants de cuve, en colorants au soufre et en colorants naphtols : comme ces colorants reviennent à l’état insoluble en fin de traitement, la teinture est plus résistante aux traitements humides, qui dégradent les teintures en colorants directs. Les colorants réactifs se fixent sur les fibres cellulosiques en milieu alcalin par une réaction de covalence. L’application par « foulardage », suivie d’une fixation par vaporisage ou thermofixage, permet de les traiter à la continue. La vivacité des couleurs et les bonnes solidités en général les font apprécier.
— La laine est teinte en milieu généralement acide avec les colorants anioniques : colorants acides, colorants à mordants, colorants métallifères. Les colorants cationiques sont rarement utilisés. Certains colorants de cuve peuvent être appliqués. L’emploi des colorants réactifs avec la laine a causé des difficultés qui cependant commencent à être surmontées.
— La soie, fibre « protéinique » comme la laine, se teint en principe avec les mêmes colorants. La teinture doit être conduite de façon à ménager la fibre et à préserver autant que possible son brillant.

• Fibres hydrophobes. Dans cette deuxième catégorie se trouvent l’acétate et le triacétate (fibres dérivées de la cellulose) ainsi que les textiles synthétiques (polyamide, polyester, acrylique, chlorofibre, polyéthylène, polypropylène, etc.).

Elles peuvent être colorées dans la masse en ajoutant avant filage soit des pigments insolubles dispersés, soit des colorants solubles dans les solvants utilisés pour le filage de la fibre, comme certains complexes métallifères.

C’est pour la teinture de telles fibres que l’on a étudié les colorants dispersés, ou plastosolubles. Les molécules du colorant, présent sous forme dispersée dans l’eau, sont non pas absorbées, mais dissoutes dans la fibre hydrophobe : la teinture est considérée comme un phénomène de « dissolution solide », d’où le terme de plastosoluble appliqué à ces colorants.