Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tcheou et Royaumes combattants (suite)

À partir du viiie s., les Zhou perdent peu à peu toute autorité politique. L’art subit des changements plus profonds : le décor s’aplatit, les motifs en relief des bronzes sont moins aigus et, se détachant sur un fond nu, se réduisent parfois à des bandes ceinturant le col et la base des vases. Le masque de taotie (t’ao-t’ie), élément essentiel de la grammaire décorative Shang, est relégué sur les anses. Les inscriptions des vases rituels s’allongent : plus explicites, elles donnent des renseignements qui permettent de les dater (circonstances de la fonte, nom du destinataire). La céramique blanche, faite au tour, disparaît complètement, cependant que des vases en céramique revêtus de couverte indiquent des recherches techniques de plus en plus poussées. Les sculptures zoomorphes en ronde bosse des Shang n’ont pas d’équivalent dans l’art des Zhou. Dans le travail du jade, on voit apparaître des copies de l’outillage néolithique (houes, haches). L’art du laque* se développe de plus en plus.

À l’époque des Royaumes combattants (453-221 av. J.-C.), de grandes principautés groupées autour du royaume Zhou, comme celle de Qin (Ts’in) à l’ouest, de Chu (Tch’ou), de Wu (Wou) et de Yue au sud, s’organisent et se disputent âprement le pouvoir. Ces luttes se termineront par le triomphe du prince de Qin.

L’économie et l’ancienne civilisation chinoises subissent de profondes transformations, dues en partie à l’emploi de la fonte de fer dans l’outillage agricole et à l’extension de l’irrigation. Les différentes cours princières rivalisent de luxe. L’art devient plus profane, plus individuel, il dénote un goût plus marqué pour l’ornementation et un progrès du sens de l’observation. Dans le cadre d’un style commun, des variantes régionales se dégagent. On remet en honneur certaines formes et motifs Shang : le vase tripode, le masque de taotie, les incrustations de turquoise et de malachite. À celles-ci s’ajoutent celles de cuivre, d’argent et d’or. En bandes plates et souples, elles animent la surface des vases, des armes et d’ornements divers. Par ailleurs, un élément nouveau, le « crochet en forme de virgule », souvent disposé en tous sens, crée dans le décor une impression de vie intense. Les agrafes et les miroirs en bronze, originaires d’Asie occidentale, présentent un répertoire très varié qui permet de suivre l’évolution des techniques et du goût de cette période.

La pression des peuples nomades septentrionaux s’accentue à tel point que, pour lutter contre eux, les Chinois sont conduits à adopter leur cavalerie, leurs armements et leurs harnachements. On voit alors se développer dans le décor de nouveaux motifs, animaux à la tête retournée, cordelettes tordues ou tressées. Les couvercles réversibles des vases sont surmontés d’animaux, d’oiseaux traités dans un style naturaliste. Cet intérêt pour la représentation humaine et animale se retrouve sur des vases dits « de chasse », dont la décoration en registres représente le plus souvent des scènes de tir à l’arc, de chasse et de cueillette des feuilles de mûrier.

Dans le royaume de Chu (Chine centrale), à Changsha (Tch’ang-cha), les fouilles archéologiques ont livré un matériel fort intéressant : objets en bronze, figurines en bois, céramiques, etc. Des boîtes, des coupes, des cercueils, des ornements divers en bois revêtus de laque polychrome sont parmi les pièces les plus belles. En effet, l’art du laque a connu dans cette région un raffinement très particulier. Il influence les motifs décoratifs appliqués sur les bronzes. En 1949, dans une tombe de Changsha, on a découvert la plus ancienne peinture chinoise sur soie, représentant une femme en prière. Et une autre sépulture, fouillée en 1954, a révélé le premier pinceau connu, encore conservé dans son étui de bambou laqué.

C. V.

➙ Chine.

 W. Watson, China before the Han Dynasty (Londres, 1961). / Cheng Te-k’un, Archeology in China, tome III : Chou China (Buffalo, N. Y., 1963).

Tcheou Ngen-lai

En pinyin Zhou Enlai ou, usuellement, Chou En-Lai, homme politique chinois (prov. de Zhejiang [Tchö-Kiang] 1898 - Pékin 1976).


Né dans une famille de lettrés — son grand-père était un haut fonctionnaire de l’Empire mandchou, son père un professeur et sa mère passionnée de littérature moderne —, Zhou Enlai est très tôt influencé par les idées révolutionnaires qui secouent la Chine dès 1915. Après des études secondaires et universitaires à Tianjin (T’ien-tsin), où il aurait été emprisonné un temps pour avoir dirigé sur place le « Mouvement du 4 mai 1919 », il fait la connaissance de Deng Yingchao (Teng Ying-tch’ao), qu’il épousera en 1925. Il se rend ensuite au Japon, puis en France, où il fonde avec plusieurs de ses camarades — en particulier Li Lisan, Chen Yi (Tch’en Yi), Li Fuchun (Li Fou-tch’ouen), Deng Xiao-ping (Teng Siao-p’ing) — la section française du parti communiste chinois en 1920-21. Il étudie deux ans à Paris, visite l’Angleterre et séjourne une année en Allemagne, où il rencontre Zhu De (Tchou Tö*).

De retour en Chine (1924), il devient, à vingt-six ans, le commissaire politique de l’académie militaire de Whampoa (en chin. Huangpu [Houang-p’ou]), que dirige le général Jiang Jieshi (Tchang* Kaï-chek). En 1926-27, il prépare sur le terrain la venue de l’« expédition vers le nord » de l’« armée révolutionnaire » qui part à l’assaut de la Chine des seigneurs de guerre depuis Canton. En mars 1927, Zhou Enlai organise, avec les militants syndicaux et politiques de Shanghai (Chang-hai), une grève insurrectionnelle pour permettre aux troupes de Jiang Jieshi de s’emparer de la ville. Mais celui-ci se retourne contre ses anciens alliés, et Zhou échappe de peu à la répression. Il est l’un des dirigeants du soulèvement de Nanchang (Nan-tch’ang) le 1er août 1927 et participe à la « Commune de Canton » (11-13 déc. 1927), qui marque la fin tragique de la première grande révolution. Il passe alors dans la clandestinité, se réfugie un moment à Hongkong avant de suivre à Moscou les cours de l’université Sun Yat-sen sur le marxisme-léninisme et la stratégie révolutionnaire.

Les différentes lignes proposées par les dirigeants du parti communiste chinois de 1927 à 1931 avaient toutes comme objet le soulèvement insurrectionnel des villes du centre et du sud de la Chine pour renverser la contre-révolution.

De retour en Chine, Zhou Enlai participe à la mise en place de la nouvelle ligne politique proposée par Li Lisan. Après l’échec de celle-ci, et bien qu’il l’ait condamnée sur le tard, Zhou se voit très violemment critiqué. Il garde cependant ses fonctions au Comité central du parti communiste après avoir fait son autocritique.