Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tchécoslovaquie (suite)

À partir de 1945, le cinéma tchécoslovaque s’impose comme l’un des tout premiers du monde dans le domaine de l’animation*. Le marionnettiste Jiří Trnka* et Karel Zeman deviennent petit à petit les chefs de file de la « nouvelle animation », qui cherche à se démarquer du style Walt Disney. Trnka et Zeman forment et influencent de nombreux compatriotes. Autour d’eux, Zdeněk Miler, Brětislav Pojar, Hermína Týrlová, Jan Švankmajer, Jiří Brdečka, Eduard Hofman et Josef Kábrt deviennent les véritables porte-parole d’un style très original et très varié dans son inspiration, qui influencera la plupart des animateurs du monde entier.

Comme dans la plupart des pays de l’Europe centrale, le cinéma d’après la Seconde Guerre mondiale suit en Tchécoslovaquie le cours sinueux de l’idéologie officielle. Le manichéisme politique affadit parfois la générosité du propos et tempère l’éclat du style. Cependant, même parmi les œuvres de la « Première Période du cinéma socialiste » (de 1945 à 1956), les heureuses surprises sont nombreuses : František Cap tourne notamment Hommes sans ailes (Muži bez Křidel, 1946) et l’Obscurité blanche (Bílá tma, 1948), Karel Steklý Siréna (1947, grand prix à Venise) et Anna la prolétaire (Anna proletářka, 1952), Vladimír Borský Jan Roháč de Duba (Jan Roháč z Dubé, 1947, premier long métrage en couleurs), Otakar Vávra Krakatit (1948, d’après K. Čapek), la Barricade muette (Němá barikáda, 1949) et la trilogie sur Jan Hus (1955-1957), Jiří Weiss la Frontière volée (Ves v pohraníči, 1948), De nouveaux combattants se lèveront (Vstanou noví bojovníci, 1950) et l’Enjeu de la vie (Hra o život, 1956), Pal’o Bielik la Tanière des loups (Vlčie diery, 1948, premier long métrage autonome slovaque), Alfréd Radok Ghetto Terezin (Daleká cesta, 1949) et Grand-Mère automobile (Dědeček automobil, 1956), Jiří Krejčik la Conscience (Svědomí, 1949), Martin Frič le Boulanger de l’Empereur (Císařův pekař, 1951) et Têtes de chiens (Psohlavci, 1954), Václav Krška la Lune sur la rivière (Měsíc nad řekou, 1953) et la Brise argentée (Střibrný vítr, 1954).

À partir de 1956, une première libéralisation permet aux cinéastes de s’exprimer de manière plus personnelle et d’aborder des sujets où la psychologie prend le pas sur l’idéologie. Aux metteurs en scène en activité s’adjoignent des individualités comme Jan Kadár (né en 1918), qui travaille en association avec l’ex-scénariste Elmar Klos (né en 1910), Vojtěch Jasný (né en 1925), Ladislav Helge (né en 1927), Zbyněk Brynych (né en 1927), Karel Kachyňa (né en 1924), František Vláčil (né en 1924).

Les Nuits de septembre (Zářijové noci, 1957) et le Désir (Touha, 1958) de V. Jasný, les Enfants perdus (Ztracenci, 1957) de Miloš Makovec, Une légende d’amour (Legenda o lásce, 1957) de V. Krška, le Piège à loups (Vlčí jáma, 1957) et Roméo, Juliette et les ténèbres (Romeo, Julie a tma, 1960) de J. Weiss, la Morale de Mme Dulská [Morálka paní Dulské, 1958) et M. Principe supérieur (Vyšší princip, 1960) de J. Krejčik, la Colombe blanche (Holubice, 1960) de F. Vlácil, le Chant du pigeon gris (Pieseň o sivom holubovi, 1961) de Stanislav Barabáš et le Boxeur et la mort (Boxer a smrt, 1962) de Peter Solan annoncent déjà un profond changement dans l’orientation du cinéma tchécoslovaque.

Les jeunes cinéastes, dont certains ont à peine leur diplôme de fin d’études en poche, font une entrée fracassante dans la production en 1963. Les recherches esthétiques vont de paire chez eux avec une démarche résolument critique tout aussi bien sociale que politique. Jaromil Jireš (né en 1935) tourne en 1963 le Premier Cri (Křik), Věra Chytilová (née en 1929) Quelque chose d’autre (O něčem jiném), Miloš Forman (né en 1932) l’As de pique (Černý Petr). Ils sont bientôt épaulés par Evald Schorm (né en 1931), Štefan Uher (né en 1930), Jan Němec (né en 1936), Ivan Passer (né en 1933), Pavel Juráček (né en 1937), Jiří Menzel (né en 1938) et Juraj Jakubisko (né en 1938).

Le mouvement ne se limite pas à une prise du pouvoir par une jeune et bouillante génération de réalisateurs pressés de s’exprimer par l’image et de contester les erreurs idéologiques de la période stalinienne ; il entraîne dans son sillage d’autres réalisateurs plus âgés ou plus expérimentés et influence considérablement le « nouveau cinéma contemporain ».

Pendant six ans, de 1963 à 1969, la production tchécoslovaque est d’une très haute qualité. On retiendra parmi les meilleurs films de la « génération de 56 », Un jour un chat (Až přijde kocour, 1963) et Chronique morave (Všichni dobří rodáci, 1969) de Vojtěch Jasný, l’Accusé (Obžalovaný, 1964), la Boutique sur la Grand-Rue (ou le Miroir aux alouettes) [Obchod na korse, 1965] de J. Kadár et E. Klos, le 5e Cavalier, c’est la peur (A páty jezdec je strach, 1964) de Z. Brynych, l’Espoir (Nadĕja, 1963), le Grand Mur (Vysoká zed’, 1964), Vive la République (Ať žije Republika, 1965), Une voiture pour Vienne (Kočar do Vídně, 1966) et la Nuit de la nonne (Noc nevěsty, 1967) de Karel Kachyňa, Marketa Lazarová (1966) de F. Vláčil et parmi ceux de la « nouvelle génération » les Petites Marguerites (Sedmikrásky) de V. Chytilová, l’Orgue [Organ, 1964) et la Vierge miraculeuse (Panna zázračnica, 1966) de Štefan Uher, les Amours d’une blonde (Lásky jedné plavovlásky, 1965) et Au feu les pompiers (Hǒří, má panenko, 1967) de Miloš Forman, Fin Août à l’hôtel Ozon (Konec srpna v hotelu Ozón, 1967) de Jan Schmidt, Josef Kilian (Postava k podpírání, 1964) et Chaque jeune homme (Každý mladý muž, 1967) de P. Juráček, les Diamants de la nuit (Démanty noci, 1964), la Fête et les invités (O slavnosti a hostech, 1965), les Martyrs de l’amour (Mucědníci lásky, 1966) de J. Němec, Du courage pour chaque jour (Každý den odvahu, 1964), le Retour du fils prodigue (Návrat ztraceného syna, 1966) et la Fin du curé (ou le Bedeau) [Farářův konec, 1968] de E. Schorm, Éclairage intime (Intimní osvětlení, 1965) de I. Passer, Personne ne rira (Nikdo se nebude smát, 1965) de Hynek Bočan, Trains étroitement surveillés (Ostře sledované vlaky, 1966) et l’Été capricieux (Rozmarné léto, 1968) de J. Menzel, l’Incinérateur de cadavres (Spalovač mrtvol, 1968) de Juraj Herz, les Années du Christ (Kristove roky, 1967) de J. Jakubisko, la Plaisanterie (Žert, 1968) de J. Jireš.