Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tchécoslovaquie (suite)

Le tableau florissant de la vie musicale tchèque, avec ses quatorze orchestres symphoniques, ses scènes lyriques de premier ordre, ses interprètes et musicologues de renommée mondiale, a été terriblement obscurci à la suite de l’intervention soviétique de 1968. Des maîtres reconnus comme M. Kabeláč, K. Slavický ou J. Kapr sont mis à l’index ; les compositeurs (D. Vačkář, J. Novák, M. Kopelent, P. Kotík et les Slovaques L. Kupkovič et P. Šimai) et les interprètes ayant choisi l’exil ne se comptent plus, et, pour les créateurs restés au pays, le manque de contacts avec l’avant-garde occidentale recommence à se faire sentir comme durant les années noires du stalinisme. Mais le peuple tchèque a traversé durant les siècles de son histoire tourmentée les pires épreuves en gardant intacte sa puissance créatrice musicale, et il n’y a nul doute qu’il en sera encore ainsi dans l’avenir.


La musique slovaque

Isolée dans ses montagnes, la Slovaquie a, de plus, subi trop d’oppressions étrangères au cours de son histoire pour avoir pu développer une musique savante autonome. Bratislava (Presbourg), sa vieille capitale, n’est pourtant qu’à 60 km de Vienne, mais il est d’autres barrières que géographiques. Il existe certes des textes depuis le Moyen Âge, mais ils sont rares et de valeur secondaire. La réforme hussite ne toucha que marginalement le pays slovaque, qui subit tardivement l’influence de la polyphonie franco-flamande. Durant les xviie et xviiie s., les genres semi-populaires, comme ceux de la pastorale de Noël, suscitèrent les œuvres les plus intéressantes. Le premier compositeur slovaque digne de ce nom fut Ján Levoslav Bella (1843-1936), surtout influencé par le romantisme germanique et qui vécut longtemps en Transylvanie. Des folkloristes comme Viliam Figuš-Bystrý (1875-1937) ou Mikuláš Schneider-Trnavský (1881-1958) frayèrent la voie aux véritables fondateurs de l’école nationale, au nombre de quatre : Alexander Moyzes (né en 1906), symphoniste fécond, voire prolixe et brillant orchestrateur ; Eugen Suchoň (né en 1908), dont les opéras Krútňava et Svätopluk ainsi que les pages orchestrales créèrent une sensation ; Ján Cikker (né en 1911), sans doute le plus connu, lui aussi, grâce à ses ouvrages lyriques (Juro Jánošík, Beg Bajazid, Mr. Scrooge, Résurrection) ; et Dezider Kardoš (né en 1914), surtout symphoniste. À côté d’eux, on citera au moins les noms de Šimon Jurovský (né en 1912), d’Andrej Očenáš (né en 1911), d’Oto Ferenczy (né en 1921) et de Ján Zimmer (né en 1926). Plus proche de Vienne que de Prague, plus éloignée du pouvoir central, plus ouverte aux influences de l’Occident, Bratislava s’émancipa quelques années avant Prague du carcan du réalisme socialiste et produisit quelques remarquables musiciens d’avant-garde, tels Ilja Zeljenka (né en 1932), Pavol Šimai (né en 1930), Miroslav Bazlík (né en 1931), Jozef Malovec (né en 1933), Ivan Parík (né en 1936), Ladislav Kupkovič (né en 1936) et Petr Kolman (né en 1937).

H. H.

 L. Šíp, Petite Histoire de la musique slovaque (Orbis, Prague, 1960). / V. Štěpánek et B. Karásek, Petite Histoire de la musique tchèque (Orbis, Prague, 1964). / Dictionnaire des compositeurs tchèques et slovaques (Prague, 1968).


Le cinéma tchécoslovaque

La Tchécoslovaquie tient une place importante dans la préhistoire du cinéma grâce aux travaux de Jan Evangelist Purkyně (ou Purkinje, 1787-1869). Ce dernier, après avoir écrit en 1818 un opuscule relatif à la persistance rétinienne de la vision, invente vers 1840 le Phorolyty, qui est en quelque sorte un stroboscope perfectionné. En 1850, il crée avec l’opticien pragois Durst le Kinesiscope et tente, dès 1861, d’expliquer à l’aide d’images animées le mécanisme du cœur humain.

Si la première démonstration du cinématographe est effectuée en 1896 par un représentant des frères Lumière, c’est en 1898 qu’aura lieu la première représentation publique (à Prague). L’organisateur de cette manifestation, Jan Kříženecký (1868-1921), sera aussi le véritable pionnier du cinéma tchécoslovaque. Cet architecte pragois, photographe amateur à ses heures, se prend de passion pour la nouvelle invention et n’a de cesse, après avoir acquis un appareil Lumière, de tourner des petites bandes d’actualités, scènes de rues, documentaires, voire pochades comiques (avec le concours du chansonnier humoriste Josef Šváb-Malostranský [1860-1932], qui fut ainsi la première grande vedette de l’écran).

La première salle de cinéma s’ouvre à Prague en 1907 : elle est dirigée par l’illusionniste Viktor Ponrepo (alias Dismas Šlambor [1858-1926]).

L’organisation de la production tchécoslovaque ne commence qu’en 1908 avec la fondation de la société Kinofa — à la tête de laquelle se trouve Antonín Pech —, qui se spécialise dans les documentaires et les films de vulgarisation scientifique. Dans le sillage de la Kinofa, d’autres compagnies se lancent à la conquête du public : en 1910 l’Illusion Film (de A. Jalovec et F. Tichý), en 1912 l’Asum (où officient l’architecte Max Urban et sa femme la grande actrice de théâtre Anna Sedláčková). La Fiancée vendue (1912), d’après Smetana, sera pour le couple un premier succès de prestige, Urban s’improvisant metteur en scène et la Sedláčková passant avec aisance des premiers rôles sur les planches aux premiers rôles à l’écran.

Malgré les difficultés du temps de guerre et de l’après-guerre, malgré les bouleversements apportés par l’effondrement de l’Empire austro-hongrois, de nombreuses compagnies de production voient le jour, notamment la Lucernafilm (d’Antonín Fencl), la Wetebfilm (de Václav Binovec), la Pragafilm, l’Excelsiorfilm, la Pojafilm, la Favoritfilm. En 1921, on commence à construire à Prague-Vinohrády les premiers studios de cinéma.

De cette période de production, il faut retenir quelques films, comme le Cauchemar (ou Terreur nocturne [Noční děs, 1914]) de Jan A. Palouš, Ahasver (1915) de Jaroslav Kvapil, Un cœur d’or (Zlaté srdéčko, 1916), les Adamites de Prague (Pražstí Adamité, 1917) et le Sorcier (Čarodĕj, 1918) d’Antonín Fencl, Une nuit à Karlštejn (Noc na Karlštejně, 1919) d’Olaf Larus-Racek, le Bâtisseur de cathédrale (Stavitel chramu, 1919) de Karel Dégl et d’Antonín Novotný.