Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tchécoslovaquie (suite)

La Moravie* constitue entre ces hauteurs et les premiers arcs carpatiques un long et large sillon, comblé de dépôts néogènes, parcouru par un réseau hydrographique dense et bien alimenté, celui de la Morava. La région fait transition entre l’Ouest et l’Est, mais surtout entre le Nord et le Midi : dans le Sud, le climat devient très chaud durant les étés et les automnes — le maïs, les arbres fruitiers et la vigne en bénéficient ; dans le Nord, le système de culture, seigle et pomme de terre, rappelle celui des mauvaises terres de la Bohême. La qualité des sols est une des plus élevées de la Tchécoslovaquie, ce qui explique les strates d’anciennes cultures qui se superposent sur certains sites. C’est là que les exploitations d’État ou collectives paraissent les mieux gérées. Les villes comme Olomouc, Přerov, Znojmo jouent le rôle de gros marchés de contact. La présence d’une grande Foire internationale à Brno* atteste de l’ampleur des échanges entre Nord et Midi, montagnes et plaines, Ouest et Est. Ce bassin morave devrait être parcouru dans les années 80 par un canal de liaison entre le Danube au sud et l’Odra et la Labe au nord. Enfin, la partie septentrionale de la Moravie historique, appelée la Silésie tchèque, est le premier bassin industriel du pays.

La Slovaquie* est la seconde république fédérée. Beaucoup d’éléments « humains » (langue, histoire, religion), mais aussi les facteurs naturels, l’opposent au pays des Tchèques et des Moraves. C’est le pays des Carpates*, dont le premier arc, les Petites Carpates, naît à Bratislava* pour tourner sa convexité vers le nord et forme dans ses points culminants la frontière polono-tchécoslovaque.

Au sud, les Basses Tatras (ou Tatry) ne dépassent guère 2 000 m. Elles offrent de beaux exemples de relief jurassien, plissé et tabulaire, taraudé de grottes qui attirent de nombreux touristes, comme celle de Dobšiná. Ces pays du calcaire sont précédés, avant la plaine pannonienne, des monts Métallifères slovaques, qui forment avec les hauteurs du nord de la Hongrie, dont ils se rapprochent, la partie interne de l’arc carpatique. Entre les Basses et les Hautes Tatras (Tatry), le puissant sillon du Váh, formé de bassins et de défilés, se dirige dans sa partie aval vers la subsidence pannonienne. Les plaines slovaques, peuplées d’ailleurs de Magyars, représentent des golfes de la mer pannonienne, et l’on y trouve tous les éléments de la bordure de la vaste plaine intracarpatique : cônes de déjections et vallées à terrasses, collines néogènes supportant des vignobles et des vergers, placages de lœss... C’est la partie de la Slovaquie qui se peuple, tandis que le pays des montagnes, en partie déserté, reste le domaine des bûcherons, des éleveurs et des skieurs.

A. B.


L’histoire

L’État tchécoslovaque naît en 1918, de la fusion en une république indépendante des pays historiques du royaume de Bohême (Bohême*, Moravie*, Silésie* tchèque) et de la Slovaquie*. Malgré l’étroite parenté de langue entre Tchèques et Slovaques, les deux peuples étaient historiquement séparés depuis le xe s. Les Tchèques avaient suivi depuis le xvie s. le destin de l’Autriche, tandis que la Slovaquie se trouvait intégrée à la Hongrie. Nul pays ne peut exister sans une idéologie nationale commune. Le « tchécoslovaquisme » de l’entre-deux-guerres essaie d’imposer, malgré les différences de nationalités, un modèle centralisé. En dépit des accusations des États révisionnistes, qui dénoncent en la Tchécoslovaquie un État artificiel, l’État tchécoslovaque affirme sa solidité. Mais, en 1938, il ne peut résister aux forces internes de désorganisation, soutenues par la pression extérieure de l’Allemagne nazie. Démembré par la guerre, il essaie de se reconstituer en 1945 sur des bases nouvelles, en mettant à profit le renouveau national de la résistance. Après 1948, le parti communiste tchécoslovaque, qui s’est emparé du pouvoir, impose un modèle centralisé qui entraîne l’hostilité des Slovaques. En 1968, la Tchécoslovaquie devient un État fédéral, associant à égalité les pays tchèques et la Slovaquie.


La naissance de l’État tchécoslovaque

L’État tchécoslovaque naît d’une révolution démocratique et pacifique, grâce à la décomposition interne de l’Autriche-Hongrie, provoquée par la Première Guerre mondiale. L’indépendance est préparée par le Conseil national tchécoslovaque, installé à Paris par Tomáš Garrigue Masaryk* et Edvard Beneš*. 90 000 légionnaires combattent aux côtés des Alliés en Russie, en France et en Italie. Mais c’est seulement à l’été de 1918 que les Alliés se résignent à envisager le démembrement de l’Autriche-Hongrie. De juin à septembre, France, Grande-Bretagne et États-Unis reconnaissent le Conseil national tchécoslovaque.

À l’intérieur même du pays, l’organisation de résistance, la « maffia » (mafie), qui est en liaison avec Masaryk, réussit à entraîner les représentants des partis tchèques, jusque-là réticents. Le 13 juillet, les députés tchèques au Parlement de Vienne forment à Prague un Comité national présidé par Karel Kramář (1860-1937). En Slovaquie, dès le mois de mai, les chefs du parti national se sont réunis secrètement. La tentative de l’empereur Charles Ier de sauver son empire par la fédéralisation (manifeste du 16 octobre) précipite les événements. Dès le 18 octobre, Masaryk proclame de Washington l’indépendance tchécoslovaque. Le 28 octobre, une révolution pacifique éclate à Prague, où le Comité national annonce, au milieu de l’enthousiasme populaire, la naissance d’un État tchécoslovaque indépendant. Le 30 octobre, le Conseil national slovaque, réuni à Turčiansky Svätý Martin, déclare que « la nation slovaque est une partie de l’État tchécoslovaque ». Le 14 novembre, une Assemblée nationale provisoire élit Masaryk président de la République et forme le premier cabinet, que dirige Kramář.

La première tâche des nouvelles autorités est de définir, en accord avec les Alliés, les frontières de l’État. La délégation tchécoslovaque à la Conférence de la paix, que domine de sa personnalité le ministre des Affaires étrangères Beneš, sait habilement utiliser les sympathies des Alliés, surtout de la France. La Commission des affaires tchécoslovaques, présidée par Jules Cambon, donne presque sur tous les points son accord aux demandes de Beneš. Au nom du droit historique, elle s’en tient aux frontières de 1914 sans prévoir de plébiscite pour l’importante minorité allemande des Sudètes. La détermination de la frontière slovaque est plus complexe : le premier tracé de la frontière suit à peu près la limite entre les groupes ethniques, mais, en avril, la frontière est déplacée vers le sud pour laisser aux Tchécoslovaques le contrôle des voies ferrées. En mai 1919, la Ruthénie subcarpatique se prononce pour son rattachement au nouvel État. Il reste à régler le sort de la riche région industrielle de Těšin (Teschen), que revendique la Pologne. Le 27 juillet 1920, la Conférence des ambassadeurs impose une frontière favorable à Prague, ce qui entraîne en Pologne une durable rancune.

Mais cette victoire diplomatique fait de la Tchécoslovaquie un État multinational. En dépit de l’engagement du nouvel État d’appliquer avec générosité le respect des droits des minorités, il y a là une menace potentielle pour la cohésion intérieure du pays.