Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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taxinomie (suite)

Les synthèses taxinomiques

Les recherches de zoologie et de botanique descriptives se sont traduites par une énorme accumulation d’observations et d’informations analytiques très importantes, puisque sur elles reposent tous les inventaires scientifiques des richesses naturelles renouvelables ou non.


Flores et monographies

Les inventaires sont, depuis longtemps, méthodiquement transcrits dans des ouvrages spécialisés que l’on nomme les flores et les faunes, et qui donnent une énumération synthétique, classée et équilibrée, des espèces existant sur l’étendue d’un territoire délimité ; par exemple, pour la France, la Flore d’Hippolyte Coste (1901-1906) et la Faune de Remy Perrier (1922-1936) permettent l’identification, la détermination des plantes et des animaux du pays. Flores et faunes, réalisées dans de nombreuses contrées du monde (mais pas encore partout), nécessitent des mises à jour permanentes, tenant compte des apports actualisés des recherches comparatives fondamentales. En taxinomie, ces dernières recherches se traduisent par la mise au point de « monographies », c’est-à-dire d’études couvrant l’ensemble d’un groupe systématique, indépendamment, dans une certaine mesure, des notions territoriales. Ces monographies, qui furent à l’honneur au xixe s. et au début du xxe s., sont à la base des grandes classifications reposant sur l’évaluation hiérarchisée des caractères des unités biologiques. Les grands voyages d’exploration scientifique menés à travers le monde permirent et parfois permettent encore de parfaire de manière très appréciable la compréhension systématique et phylogénétique des groupes d’êtres vivants : il suffit d’évoquer les découvertes peu anciennes du Cœlacanthe vivant ou de Primates fossiles évolués (Vertébrés), ou du Stylites (Ptéridophytes).

De grands instituts (Muséum national d’histoire naturelle à Paris, British Museum et Kew Gardens à Londres, Smithsonian Institution et Chicago Natural History Museum aux États-Unis, etc.) conservent les collections botaniques (herbiers) et zoologiques qui constituent les instruments scientifiques fondamentaux des recherches de taxinomie générale ou comparée.


Critères et méthodologie

Le développement des possibilités techniques d’investigation augmente le nombre des critères utilisables pour définir espèces et autres unités systématiques.

La morphologie descriptive (étude des caractères externes) fut presque la seule base de classification jusqu’au xviiie s. et permit la définition de la plupart des groupes. Les critères anatomiques, puis histologiques complétèrent ces données.

La cytotaxinomie utilise la comparaison des numérations chromosomiques ; les chiffres variant faiblement, des groupes très différents possèdent le même nombre de chromosomes, mais des unités très proches peuvent présenter des cytotypes variés ; c’est le cas de polyploïdes*, dont l’étude a souvent aidé à comprendre la diversification au niveau des unités systématiques inférieures, en particulier en liaison avec la chorologie et l’écologie.

La chimiotaxinomie comparative conduit, elle aussi, à proposer des classifications axées sur les affinités chimiques entre les êtres ; lorsqu’elle peut faire appel à l’analyse d’un assez grand nombre de corps, ses arguments sont très précieux ; par contre, l’existence d’un corps particulier à quelques taxons n’est pas obligatoirement un argument convaincant de la proximité systématique ou même phylogénique de ces taxons : ainsi, on a repéré des composés très spéciaux dont les structures seraient proches chez des Renonculacées (Phanérogames) et chez certains Batraciens ; à l’inverse, une différence chimique paraissant importante, mais portant sur un seul produit, n’est pas toujours une raison justifiant une coupure taxinomique majeure (cas du Poirier et du Pommier). On a aussi utilisé les réactions sérologiques réciproques.

La sporo-palynologie, qui exploite les structures fines des pollens et des spores, actuels ou fossiles, a fourni en botanique des indications intéressantes sur l’évolution de plusieurs groupes et sur leur classification.

La biométrie, appliquée à l’étude des populations tant actuelles que fossiles, permet de mieux circonscrire les taxons et de saisir leurs variations. On notera, toutefois, que, si les populations actuelles sont à peu près contemporaines, la localisation chronologique des séries fossiles est plus délicate.

L’embryogénie, l’ontogénie et la biologie font appel aux études sur le vivant dans la plupart des cas. La connaissance des premiers stades de développement (embryogénie) apporte des arguments fondamentaux, tant en zoologie qu’en botanique, spécialement pour les unités taxinomiques supérieures. De même, pour certains groupes de végétaux, l’analyse de l’alternance des générations s’est avérée essentielle. Grâce aux recherches sur les cycles de développement, on a pu aussi rapprocher des structures très éloignées morphologiquement, autrefois décrites tout à fait indépendamment, et représentant des stades successifs de la même espèce (cas de nombreux Crustacés) ou encore des phénomènes de dimorphisme sexuel.

La biotaxinomie et la taxinomie expérimentale font appel aux procédés de la génétique (analyse des populations), à l’écologie, à l’écophysiologie, à l’éthologie et aux résultats de la cytotaxinomie. Elles s’appliquent surtout aux unités inférieures.

Cette multiplicité des critères entraîne une grande complexité ; aussi tente-t-on fréquemment aujourd’hui d’utiliser des techniques d’analyse informatique : c’est le propre de la taxinomie numérique, qui, par le biais de diagrammes de dispersion de caractères, permet d’évaluer des « distances » entre lots d’individus ou d’espèces. Le traitement informatique a cependant le désavantage de considérer tous les caractères comme de valeur (de « poids ») égale ; mais introduire une pondération de critères n’est pas moins arbitraire, parce que subjectif.