Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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tauromachie (suite)

Quelques toreros célèbres

Les trois grandes figures du xviiie s. sont Joaquín Rodriguez Costillares (1729-1800), Pedro Romero (1754-1839) et José Delgado Guerra, dit Pepe-Hillo (1754-1801), tué par un taureau à Madrid. Le siècle suivant est dominé par les grands noms de Francisco Montes (1805-1851), surnommé le « Napoléon des toreros », qui donne une impulsion décisive au spectacle, et de Rafael Guerra Bejarano, dit Guerrita (1862-1941), qui, pendant onze ans, règne en maître incontesté jusqu’à sa retraite (1898). Entre ces deux virtuoses, il convient de citer Francisco Arjona Herrera, dit Cúchares (1818-1868), dont l’habileté est restée proverbiale, puis les célèbres rivaux Rafael Molina, dit Lagartijo (1841-1900), et Salvador Sánchez Pavedano, dit Frascuelo (1842-1898), dont l’époque (1867-1889) est considérée comme un âge d’or.

Avec José Gómez Ortega, dit Joselito (1895-1920), qui trouve la mort dans l’arène, et Juan Belmonte y García (1892-1962), qui ouvre à l’art des voies nouvelles, la tauromachie connaît pendant dix ans un éclat exceptionnel.

Dans la ligne classique de l’art, les plus grands matadors depuis 1930 ont été Domingo Ortega (né en 1906), qui se retire en 1954, Manuel Rodríguez Sánchez, dit Manolete (1917-1947), dont la mort tragique dans l’arène de Linares a eu une résonance mondiale, Luis Miguel Dominguín (né en 1926) et Antonio Ordóñez (né en 1932), le plus grand torero artiste contemporain. Par sa personnalité, son interprétation passionnée du « toreo », Manuel Benítez, dit El Cordobès (né en 1936), est depuis 1963 le torero le plus populaire.


La corrida

Le matin de la course, les taureaux sont divisés en lots égalisés d’après le poids et les cornes de chaque bête, tirés au sort entre les matadors, enfermés ensuite dans des boxes individuels (chiqueros) ouvrant sur un couloir qui débouche dans l’arène.

La course est dirigée par un président, dont les décisions, signalées au moyen d’un mouchoir, sont transmises par une sonnerie de trompettes. C’est à lui qu’il revient de régler la durée des différentes phases du combat et d’en contrôler le déroulement réglementaire. Le spectacle débute par la présentation de toute la troupe sous la forme d’une parade (paseo) qui s’effectue dans un ordre conventionnel. Le défilé achevé, l’arène se vide pour recevoir le premier taureau. Dès que celui-ci paraît, il est accueilli par les banderilleros, ou peones, qui le provoquent avec leur cape. Leur rôle est de fixer l’attention de la bête et de permettre au matador de juger son adversaire. Ce résultat obtenu, le matador peut intervenir, poursuivre son examen ou solliciter l’entrée en scène des picadors. Ceux-ci reçoivent l’assaut du taureau sur leur pique, longue lance de bois très dur, terminée par un fer aigu et triangulaire qui leur sert à mesurer la bravoure de l’animal, à réduire sa force première. Entre chaque pique, les matadors peuvent intercaler des passes de cape. Le nombre de piques est fonction de la force du taureau, laissé à l’estimation du président.

La deuxième phase est celle des banderilleros ; elle peut être assurée par le matador s’il possède un talent particulier pour cet exercice. Les banderilles, minces bâtons de 70 cm de long terminés par une pointe de fer en forme de harpon et ornés de papier de couleur, sont placées par paires sur le garrot du taureau. Elles ont pour objet de raviver l’ardeur de l’animal, sorti alourdi de la dure épreuve des piques.

Sur une dernière sonnerie de trompette, les banderilleros s’effacent pour laisser leur chef seul dans l’arène face au taureau. Le matador s’y présente armé de la muleta, pièce d’étoffe rouge disposée sur un bâton, et de l’épée, qui est une lame tranchante, d’acier forgé, longue d’environ 85 cm. On nomme faena l’ensemble des passes qu’il exécute. Dans cette troisième phase, la plus importante de la corrida, l’attention du public était autrefois centrée sur la mise à mort, à laquelle les passes de muleta servaient de préparation. Leur fonction consistait à fatiguer le taureau et à le dominer pour obtenir qu’il demeure immobile, tête baissée, prêt à recevoir l’estocade. Aujourd’hui, à la suite d’une évolution commencée il y a un demi-siècle et grâce à l’utilisation de taureaux que la sélection a rendus plus nobles, plus faciles à soumettre, l’intérêt principal s’est porté sur la faena de muleta, qui constitue le moment le plus attendu de la course, celui qui permet au matador de montrer, s’il en est pourvu, son sens artistique et son originalité. Le matador dispose pour cela d’un large éventail de passes, une trentaine, dont certaines répondent à la nécessité d’adapter son action à celle du taureau pour le dominer, tandis que d’autres sont inspirées par le souci de donner plus d’éclat à son travail.

Avec un taureau qui s’y prête, un bon torero poursuit un idéal de perfection, qu’il atteint s’il parvient à enchaîner ses passes harmonieusement, sans céder du terrain à la bête, à composer un ensemble rythmique dont les figures s’imposent au public par leur tension dramatique ou le séduisent par leur beauté plastique.

Quand le taureau montre de mauvaises dispositions, le matador se contente de le préparer à l’estocade. Il y a deux façons de l’exécuter : matar recibiendo, en attendant l’animal de pied ferme, et matar a volapié, en se lançant sur le taureau après l’avoir « cadré » ; la seconde façon est la plus usitée. Le descabello est un coup de grâce que le matador porte au taureau quand ce dernier tarde à s’écrouler sous l’effet de l’estocade.

Le matador dispose de dix minutes pour la mise à mort, faena de muleta comprise ; s’il excède ce temps, il est rappelé deux fois à l’ordre et, à la quinzième minute, il est tenu de se retirer. Dans ce cas, le taureau est ramené dans les coulisses (corrales) pour y être achevé.

P. T.

 A. Lafront, Encyclopédie de la corrida (Prisma, 1949). / E. Llovet, Tauromachie (Soc. fr. du livre, 1957). / J. Testas, la Tauromachie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1959 ; 4e éd., 1974). / J.-M. Magnan, le Temple tauromachique (Seghers, 1968). / Saint-Paulien, Histoire de la corrida (Fayard, 1968). / C. Popelin, la Tauromachie (Éd. du Seuil, 1970). / C. Mourthé et A. Belzunce, la Vie quotidienne du monde de la corrida (Hachette, 1972).