Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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tapis (suite)

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L’art du tapis

Le nom même du tapis, emprunté au grec tapês, dénote l’origine orientale de cette catégorie de tissu. Sans doute l’Espagne mauresque, musulmane, en a-t-elle connu l’emploi, pour la prosternation rituelle. Il est probable que les croisades en ont fait connaître l’existence à l’Occident chrétien. Mais la première mention de « tappiz veluz » se trouve dans l’inventaire du mobilier de Charles V, en 1380. Les tapis sur lesquels s’installaient Louis IX et ses conseillers, au dire de Joinville, étaient certainement des tissus croisés de basses lisses. Tels étaient aussi les tapis exécutés en 1316 pour le sacre de Jeanne de Bourgogne, épouse de Philippe le Long. Pour la première fois en 1524, un texte, l’inventaire du mobilier de Marguerite d’Anjou, fait expressément le départ entre les tapisseries et les tapis velus, désormais d’importation courante, quelque élevé qu’en soit le coût.

Le tapis découvert à Pazyryk, dans l’Altaï (ve-ive s. av. J.-C.), confirme l’ancienneté de l’art de nouer et de tisser les tapis. Chronologiquement, l’on peut distinguer : une première période qui compte les rares tapis de l’Antiquité et du Moyen Âge jusqu’à la fin du xve s. ; le grand essor de l’époque classique (fin du xve - fin du xviie s.), où, en Iran notamment, sous le règne des Séfévides, chaque centre de fabrication s’affirme avec netteté ; une période tardive, enfin (première moitié du xviiie s.), qui, avec la disparition de la dynastie Séfévide, voit la ruine de la plupart des grandes manufactures. L’originalité des créations est cependant protégée durant le xixe s., malgré l’empreinte de plus en plus forte de l’influence occidentale. Les tapis d’Orient forment deux familles, caractérisées par la technique du nœud du fil de trame autour des fils de chaîne, décrivant une boucle qui sera tranchée. L’Anatolie, avec Smyrne et Ghiordès (Gördes), le Chirwān, le Kazakh et le Sumak dans le Caucase forment la boucle en entourant les fils pairs de la chaîne puis en ramenant en avant le fil de trame pour en entourer le fil impair. C’est le nœud « Ghiordès ». Par contre, l’Afghan, le Chinois, Samarkand, Tabriz, Kermān, Senneh (auj. Sanandadj) procèdent en entourant du fil de trame les deux fils pair et impair de la chaîne. L’effet produit est différent. Le nœud « Ghiordès » amène les chaînes sur un même plan ; l’autre, le nœud « Senneh », détermine un léger côtelage. Dans les deux systèmes, le fil de trame enveloppe, en même temps que les chaînes, une tige ronde terminée par une lame effilée. Le tisseur qui atteint la lisière d’un rang tire latéralement le couteau qui tranche les boucles et les transforme en houppes. L’ouvrage achevé, l’égalisation des mèches s’opère aux ciseaux. Certains ateliers accusent les figures de leur décor par de légers sillons qui les cernent : les tapis chinois appliquent cette méthode.

Les motifs décoratifs des tapis d’Orient anciens ne sont pas de fantaisie : ils sont emblématiques. Toutefois, la signification des figures et même des couleurs n’est pas la même en tout l’islām*. Dans les tapis persans, le bleu représente le ciel ; plus foncé, il évoque l’éternité ; pour les habitants de l’Inde, il est une invocation contre la malchance, et symbole de la puissance et de la force pour les Mongols, dont il est la couleur fétiche. Le vert, seul, possède une signification universelle, c’est la couleur du Prophète. Il ne s’emploie que pour les tapis de prière, sur lesquels on se prosterne, mais qu’on ne foule pas aux pieds. Les figures sont des idéogrammes : la croix indique souvent les points cardinaux, le carré ouvert sur un coté représente la porte. La svastika est universellement un signe de bon augure : pour les hindous, elle est un symbole solaire ; pour les Caucasiens, enfermée dans un carré elle est l’emblème de la fertilité. Malgré les apparences, les signes ne sont jamais d’une symétrie absolue, celle-ci est une sorte de perfection qu’il serait sacrilège de réaliser, en s’arrogeant un attribut d’Allāh.