Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Tanis (suite)

On a trouvé à Tanis de nombreux blocs de l’Ancien Empire (IVe-VIe dynastie), des statues royales des XIIe et XIIIe dynasties, dont certaines surchargées à l’époque hyksos, et surtout beaucoup de pièces au nom de Ramsès II* : colosses, obélisques, colonnes, éléments architecturaux divers. Cependant, aucun de ces documents n’était en place ; les plus anciens vestiges in situ sont des bases au nom de Siamon (XXIe dynastie). On doit donc raisonnablement penser que les blocs antérieurs sont des blocs de remploi, provenant soit de Memphis* ou de Héliopolis, soit de la résidence ramesside du Delta, Pi-Ramses (« la maison de Ramsès grand de victoires »), que l’on localise près de Qantir.

Les traces des constructions des rois de la XXIe dynastie sont nombreuses ; leur culte s’adresse à la triade amonienne : Amon maître du grand temple, Mout (dont le temple a été désigné comme « temple d’Anta » d’après une statue de Ramsès II retrouvée là) et Khonsou (dont on a recueilli une très belle statue en babouin). Psousennès (v. 1050 - v. 1010 av. J.-C.), le beau-père de Salomon, élève de larges remparts de briques crues, marquées de son cartouche. Sous les rois libyens, Chéchanq Ier (ou Sheshanq, 950-929), conquérant de Jérusalem, et Osorkon II (870-847), les fondations religieuses sont prospères. Après peut-être une période de déclin due à la montée de Saïs, Tanis connaît encore des consécrations à l’époque lagide ; elle demeure alors le chef-lieu du XIVe nome de Basse-Égypte.

Si Tanis pose encore aux archéologues nombre d’énigmes, les fouilles énergiques de P. Montet ont amené la découverte sensationnelle d’une nécropole royale, installée dans l’angle nord-est de l’enceinte du temple. Les principaux caveaux sont ceux de Psousennès, Osorkon II, Chéchanq III. Ces pharaons ont été retrouvés dans leurs sarcophages de métaux précieux, aux masques finement ouvragés ; un riche matériel funéraire a été recueilli : statuettes, vases et bijoux (colliers, bracelets, pectoraux) [musée du Caire]. Dans la tombe de Psousennès, on a découvert aussi le cercueil d’argent du roi Hekakheperrê-Chéchanq ; dans une chambre maçonnée se trouvait la sépulture intacte du général Oundebaouended.

La mission P. Montet a également mis au jour plusieurs autres temples et les reste du lac Sacré, dont les parois étaient construites de blocs de remploi. Dans la plaine mélancolique souvent battue de grands vents (c’est la région de Seth, le dieu des déchaînements), le vaste tell abandonné de Tanis évoque la gloire d’une cité royale contre laquelle ont retenti à maintes reprises les imprécations de la Bible ; de beaux vestiges de statuaire et de relief ramessides y attendent encore le visiteur.

J. L.

 P. Montet, G. Goyon et A. Lezine, la Nécropole royale de Tanis (l’auteur, Paris, 1947-1960 ; 3 vol.) ; les Énigmes de Tanis (Payot, 1952).

Tanizaki Junichirō

Écrivain japonais (Tōkyō 1886 -Yugawara, préfect. de Kanagawa, 1965).


Issu d’une famille bourgeoise de Tōkyō, Tanizaki fait de brillantes études de littérature classique chinoise et japonaise, mais, son père s’étant ruiné, il doit quitter l’université en 1910. Dès lors, il se consacre aux lettres. Il participe, avec un groupe de condisciples, à la relance de la revue Shinshichō (Nouveau Courant de pensée), sous la direction d’Osanai Kaoru (fondateur du « Théâtre libre ») et le patronage de Shimazaki Tōson. C’est là qu’il publie ses premières œuvres, une pièce historique, Tanjō (Naissance), et une nouvelle, Shisei (le Tatouage), récit fantastique « antinaturaliste ». D’autres nouvelles suivent, en 1911, dans la revue Subaru, qui, sous la houlette de Mori Ōgai, cultive l’esthétisme littéraire ; une critique élogieuse de Nagai Kafū lui apporte la consécration.

Pendant les dix années qui suivent, il publiera surtout des nouvelles et des pièces de théâtre, quelques traductions aussi (l’Éventail de lady Windermere, d’Oscar Wilde). Quelques titres sont à retenir de cette période : Itansha no kanashimi (Tristesse de l’hérétique, 1917), Chiisana ōkoku (le Petit Royaume, 1918), incursion dans le monde fermé et trouble de l’enfance. Il se lie d’amitié avec Satō Haruo, poète « baudelairien » auteur de poèmes en prose (Denen no yūutsu [le Spleen des champs], 1919), fait un voyage en Chine (1918), s’intéresse au cinéma.

Le tremblement de terre de 1923 marque un tournant décisif dans sa carrière : il va s’établir dans le Kansai (région de Kyōto-Ōsaka), qu’il ne quittera qu’en 1954. Jusque-là, il cultivait une sorte de dilettantisme dans la manière du xixe s. d’Edo, à propos duquel la critique parle de « diabolisme », étiquette qu’il se garde de récuser. Chijin no ai (l’Amour d’un idiot, 1924), son premier long roman, sur un thème voisin de celui de la Femme et le pantin de P. Louÿs, marque la fin de cette manière. À Kyōto, en effet, il découvre et goûte les arts classiques et l’esthétique japonaise. Le maniérisme du langage du Kansai, et singulièrement celui des femmes d’Ōsaka, le séduit. Manji (1928), confession d’une femme, sera le premier d’un style subjectif, archaïsant et dialectal, qu’il manie avec une rare virtuosité et qui fera de lui un des maîtres de la langue littéraire contemporaine, dont il révèle des possibilités insoupçonnées.

Tade kuu mushi (le Goût des orties, 1929 ; le titre de la traduction française trahit le sens de cette expression proverbiale, à peu près : « Tous les goûts sont dans la nature », au point de dénaturer la signification de l’œuvre), roman « scandaleux » qui annonce le scandale de son divorce et du remariage de sa femme avec Satō Haruo, annoncés par un même faire-part. Il est difficile de discerner ce qui est provocation délibérée dans ce geste qui faussera dans la suite le jugement d’une importante fraction de la critique sur l’homme et sur l’œuvre.

En 1933 paraît Inei raisan (l’Éloge de l’ombre), suite de réflexions personnelles sur l’esthétique japonaise, esthétique de l’art, mais aussi de la femme, l’un des meilleurs ouvrages jamais écrits sur ce thème, et qui jette en même temps une lumière singulière sur l’ensemble de l’œuvre de Tanizaki, dont il constitue une véritable clé.