Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

T’ang (époque) (suite)

Cette action commence à porter ses fruits sous l’empereur Taizong (T’ai-tsong, 627-649), qui rétablit le protectorat chinois dans toute la région du Tarim (Asie centrale). Il lie la maison impériale du Tibet à la Chine par un mariage, entreprend la conquête de la Corée et noue des relations avec le Japon et les royaumes du Fou-nan et du Champa. Sous l’empereur Xuanzong (Hiuan-tsong, 713-756), la Chine connaît une période de grande sécurité qui favorise les réalisations artistiques.

L’art, sous les Tang, est empreint d’une dignité, d’un réalisme et d’une vigueur incomparables. À Chang’an (Tch’an-ngan), capitale cosmopolite et puissante, règne une grande tolérance religieuse. Le bouddhisme, en expansion, est à la source de nombreuses fondations religieuses et d’un art très varié en sculpture et en peinture. Mais les persécutions religieuses de 845, s’ajoutant aux guerres et aux révoltes, ont entraîné la destruction de la plupart des œuvres. Seul subsiste l’ensemble lointain des grottes de Dunhuang (Touen-houang*), où fresques et bannières sur soie et chanvre attestent les progrès de la peinture bouddhique provinciale. Des fouilles récentes dans la région de Chang’an — auj. Xi’an (Si-ngan), au Shănxi (Chen-si) — ont révélé plusieurs sépultures impériales décorées de peintures, dont les fresques du tombeau de la princesse Yongtai (Yongt’ai), morte en 701, constituent le plus bel exemple. En traits légers de ton brun, rehaussés de couleurs variées, elles illustrent la rencontre de dames de la cour entourées de servantes, de danseuses et de musiciennes.

La cour somptueuse des Tang attire les peintres les plus célèbres. Des documents littéraires nous donnent leurs noms et même la liste de leurs œuvres, dont bien peu nous sont parvenues. L’une d’elles, le rouleau des Treize Empereurs, conservé au musée des Beaux-Arts de Boston, est due au peintre Yan Liben (Yen Li-pen, † 673) ; c’est un document fort précieux pour l’art du portrait chinois. En Chine, le thème des chevaux a toujours inspiré les artistes. À Han Gan (Han Kan, seconde moitié du viiie s.), un des grands peintres de ce genre, on attribue Brillante Lumière de la nuit, rouleau de la collection Percival David (Londres) qui représente l’un des coursiers favoris de l’empereur Xuanzong, et le Vacher, conservé à Taiwan.

Une des réussites de la peinture Tang est le développement du paysage, qui trouvera son épanouissement sous les Song*. Wang Wei (v. 700 - v. 760) est considéré comme le créateur du paysage monochrome. Influencé par la doctrine bouddhique chan (tch’an*), son style vigoureux s’oppose à celui, plus minutieux, de son aîné Li Zhaodao (Li Tchaotao, premier tiers du viiie s.), dont les touches légères aux vives couleurs révèlent une tendance plus réaliste. Le grand classique de la peinture chinoise est Wu Daozi (Wou Tao-tseu, première moitié du viiie s.), qui sut exprimer l’esprit du sujet par un trait vigoureux et par des encrages puissants. De son œuvre, il ne reste que quelques estampages tardifs.

La sculpture témoigne aussi d’une maîtrise et d’une vigueur extraordinaires, comme le révèlent les six chevaux en bas relief décorant la tombe de l’empereur Taizong. La statuaire bouddhique conserve son haut niveau artistique. Le Bouddha colossal des grottes de Longmen, au Henan (Ho-nan), en est une preuve magistrale. Sa puissance se retrouve dans les dvārapāla, gardiens des sanctuaires, dont les attitudes agitées et la musculature fortement marquée sont très représentatives du réalisme propre à l’époque Tang.

Des objets récemment mis à jour (miroirs en métal, vaisselle en vermeil, épingles à cheveux en filigrane d’or) permettent de se faire une idée du luxe de la cour. De même, les figurines en terre cuite, les mingqi (ming-k’i), donnent une image vivante des mœurs sous les Tang. De dimensions variables, ce sont souvent des animaux familiers, des chevaux, des serviteurs. Les représentations féminines y sont nombreuses : dames de la cour, danseuses ou musiciennes, très appréciées pour leur variété et l’élégance de leurs attitudes. Ces statuettes sont peintes avec des pigments minéraux sur un engobe blanc, ou revêtues de glaçures polychromes.

La céramique apparaît d’une grande diversité et d’une extrême vitalité de création. Elle est marquée profondément par des influences étrangères. Les formes sont robustes et fonctionnelles ; l’utilisation de glaçures colorées très éclatantes se généralise et donne les terres cuites dites « trois couleurs » (san cai [san ts’ai]). La technique de la porcelaine se perfectionne : vases globuleux et bols aux bords retournés et lobés en constituent les formes dominantes. Les céladons de Yue (Zhejiang [Tchö-kiang]) atteignent un haut degré de perfection et font l’objet de nombreuses exportations.

C. V.

➙ Chine.

 O. Siren, Histoire de la sculpture chinoise du ve au xive siècle (G. Van Oest, 1925-26 ; 4 vol.). / B. Gray, Early Chinese Pottery and Porcelain (Londres, 1953). / J. Cahill, la Peinture chinoise (Skira, Genève, 1960).
CATALOGUE D’EXPOSITION. Trésors d’art chinois, Petit Palais, Paris (Éd. des Musées nationaux, 1973).

Tange Kenzō

Architecte japonais (Imabari, île de Shikoku, 1913).


Tange est non seulement le plus représentatif des architectes japonais contemporains, mais aussi (avec le Danois Jørn Utzon) l’une des personnalités les plus dynamiques de cette « troisième génération » de l’architecture moderne distinguée par Sigfried Giedion : parvenu à l’épanouissement de sa maturité, il a donné en moins de dix ans toute une série d’œuvres ou de projets dont les directions renouvellent spectaculairement le cadre du langage architectural contemporain — d’une façon moins désabusée, peut-être, ou moins « culturaliste » qu’un Robert Venturi et un Louis Kahn* aux États-Unis.

Il fait ses études à Hiroshima, puis à l’université de Tōkyō (1935-1938) ; il entre ensuite dans l’atelier de Maekawa Kunio (né en 1905), membre influent du Kōsaku bunka remmei (le Werkbund japonais) et largement ouvert aux idées européennes pour avoir été le collaborateur de Le Corbusier* à Paris. À partir de 1941, Tange retourne à l’université de Tōkyō pour y suivre un cycle de perfectionnement et commence à y enseigner lui-même. Durant cette période, il est lauréat de plusieurs concours nationaux — mémorial japonais d’Extrême-Orient (1942), Centre culturel nippo-thaïlandais de Bangkok (1943) —, mais aucun de ces projets ne sera réalisé.