Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

tabac (suite)

Auparavant constitué de fonctionnaires et d’ouvriers d’État, le personnel du S. E. I. T. A. possède maintenant des statuts particuliers. À sa tête se trouve un directeur général, assisté des directeurs de ses divers départements, d’inspecteurs généraux et d’un secrétaire général. En dehors d’établissements spéciaux, tels que l’Institut d’études sur la culture à Bergerac, le Centre d’essais de machines et de procédés de fabrication aux Aubrais-Orléans, les Ateliers de construction de pièces mécaniques ou autres à Limoges, le S. E. I. T. A. possède en France des directions de cultures et magasins de fermentation des tabacs en feuilles, des magasins de transit recevant les feuilles étrangères, dix-neuf usines dénommées autrefois manufactures de tabacs, trois usines d’allumettes et onze directions commerciales fonctionnant à côté des usines, sauf à Paris, où est isolé le Magasin général, installé à la Plaine-Saint-Denis pour les produits fabriqués français destinés aux débitants de la région parisienne et pour la réception des produits fabriqués étrangers et leur répartition aux centres provinciaux de distribution. Le S. E. I. T. A. possède également sous diverses formes des intérêts dans les usines à l’étranger.

Sur le plan national, c’est une entreprise de très grande envergure, dont le bénéfice brut dépasse 6 milliards de francs, y compris ce qui est absorbé par le préciput et la taxe à la valeur ajoutée (T. V. A.), et qui emploie près de 11 000 personnes, dont plus de 3 000 cadres, agents de maîtrise et employés. Sur le plan mondial dans l’industrie des tabacs, il occupe une place importante, du fait que les cigarettes Gauloises, représentant son produit le plus vendu de beaucoup, sont dans les cinq ou six marques les plus fumées du monde entier.

Le S. E. I. T. A. est l’aboutissement des diverses mesures prises par les gouvernements successifs de la France pour faire profiter l’État de la consommation des tabacs et, plus accessoirement, des allumettes.

En 1629, Richelieu frappe les tabacs en feuilles d’une forte taxe à l’entrée avant que la culture se développe en France. En 1674, Colbert fait signer par Louis XIV la déclaration créant le privilège exclusif de la vente en gros et en détail des tabacs fabriqués. Cependant, à un monopole direct de la fabrication et de la vente, on préfère alors l’affermage. La culture peut être faite par des particuliers, mais l’achat en est réservé aux préposés de la Ferme royale, assumée par la Compagnie des Indes. Ce régime dure jusqu’à la Révolution, sauf une courte éclipse de 1719 à 1720, pendant laquelle, sur la proposition du financier Law*, la culture est interdite et les droits sont perçus à l’entrée des feuilles étrangères, comme en Angleterre. Après la chute de Law, on revient au régime antérieur, que la Convention abroge au nom de la liberté, la taxation de fabricants privés donnant des déboires. Napoléon Ier rétablit le monopole par décret organique du 29 décembre 1810, qui entre en vigueur en janvier 1811 : il s’agit alors d’une exploitation directe avec un personnel fonctionnaire, dépendant de la Régie fiscale des droits réunis. En 1831, le monopole a ses attributions scindées entre l’Administration des Contributions indirectes et celle du nouvel organisme qui est alors créé, la Régie française des tabacs.

Le monopole avait été établi à titre temporaire, sa reconduction périodique étant précédée d’une enquête parlementaire sur ses résultats. La prorogation fut toujours décidée par les Commissions d’enquête, jusqu’au jour où l’une d’elles conclut en 1875 à sa permanence. C’est aussi à cette époque que la fabrication et la vente des allumettes, jusqu’alors du domaine privé, sont adjointes aux monopoles d’État et dévolues à la Régie française ; il ne s’agit cependant que de la vente en gros des allumettes, la vente au détail restant libre, ce qu’elle est encore aujourd’hui, toutefois avec obligation aux débitants de tabacs d’y participer.

En 1923, le ministre des Finances crée une commission mixte de parlementaires, d’experts financiers et d’industriels pour étudier les réformes pouvant rendre le monopole plus apte à l’industrialisation et à la commercialisation. Présidée par le banquier Charles Sergent, cette commission a pour rapporteur l’industriel André Citroën. Celui-ci, dans son rapport, appuyé sur de nombreuses enquêtes, fait ressortir les maux dont souffre le monopole et leurs remèdes. Mais, lorsqu’il le dépose en 1925, la conjoncture politique n’est pas favorable, et il n’y a pas de suite immédiate. Lorsqu’en 1926 la monnaie française et l’économie nationale sont au bord du gouffre, le président Raymond Poincaré, appelé à redresser la situation, utilise alors le rapport Citroën pour jeter les bases de la réforme nécessaire. L’ampleur de la dette à court terme étant alors le principal souci du ministère des Finances, les deux questions reçoivent une solution commune, la création de la Caisse autonome d’amortissement de la dette publique, dont l’une des principales ressources sera le produit du monopole des tabacs. Les allumettes ne changeant pas encore de régime, bien que conservant une direction générale et un personnel communs avec les tabacs, la Régie française des tabacs devient le Service d’exploitation industrielle des tabacs (S. E. I. T.), intégré dans la Caisse autonome, qui a un budget propre, distinct du budget général de l’État. En 1926, ces dispositions font l’objet d’une loi constitutionnelle votée à Versailles par l’Assemblée nationale, réunissant le Sénat et la Chambre des députés, de façon à les mettre à l’abri d’un revirement de cette dernière, qui pouvait changer de majorité tous les quatre ans. Les résultats sont d’emblée très favorables, notamment grâce à la création d’un service des ventes à vocation vraiment commerciale, avec les moyens de publicité et de relations publiques jusqu’alors refusés au monopole. En 1935, les allumettes reçoivent le même régime, et le S. E. I. T. devient le S. E. I. T. A.