Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

tabac (suite)

Poudre à priser

Celle-ci est fabriquée avec des tabacs corsés, riches en nicotine, qui, d’ailleurs, s’élimine au cours du traitement, ne laissant dans le produit fini que les acides qui lui étaient associés dans les feuilles, les plus complexes tendant à se simplifier pour donner uniformément de l’acide acétique. Celui-ci donne au produit fini son piquant, couramment appelé son « montant », recherché des priseurs français. Les feuilles mouillées à l’eau salée sont hachées. Elles subissent alors en masse de plusieurs mètres cubes une fermentation très poussée qui dure quatre mois. La température s’élève considérablement au centre de la masse, où se forment des conglomérats ayant subi un début de carbonisation, qui les noircit, et appelés, de ce fait, le roti, sec et friable. Les micro-organismes ayant déterminé cette transformation sont, bien entendu, détruits par la chaleur élevée et c’est un processus chimique qui poursuit cette transformation. Autour de ce noyau, une certaine épaisseur s’assombrit moins, reste encore un peu humide et se charge d’huile essentielle aromatique : cette masse spongieuse brun foncé se dénomme le bouilli. Enfin, une couche extérieure, refroidie par l’air ambiant, est peu fermentée et moins colorée. Elle sera mélangée à des masses ultérieures. L’ensemble du rôti et du bouilli est réduit en poudre par des moulins mécaniques à noix verticales munies de lames, recevant un mouvement de rotation alternatif. Après passage dans les « moulins de gros », où les lames sont moins serrées contre la coquille enveloppant la noix, la poudre, à grains encore irréguliers et grossiers, traverse un « moulin de fin » unique, où elle acquiert la granulométrie désirée. On la mouille de nouveau pour l’amener au taux uniforme désiré et on l’amoncelle dans des grandes cases en bois. Amorcée par l’addition d’un peu de poudre finie qui contient les microorganismes voulus, une seconde fermentation lente et élevant peu la température se développe alors et dure onze mois pour aboutir au râpé parfait. Ce nom rappelle qu’autrefois les moulins à noix avaient été précédés dans cette fabrication par des râpes reproduisant à grande échelle celles avec lesquelles les priseurs obtenaient personnellement leur poudre en y frottant des tabacs alors présentés par la Ferme royale, comme le sont encore les tabacs à mâcher. La poudre devant être consommée avec un taux d’humidité assez élevé, on le lui conserve en doublant d’une feuille d’étain le papier dont est formé son paquetage cubique, réalisé mécaniquement : l’aluminium ne peut convenir, car il est attaqué par la poudre. La fabrication demande fort peu de main-d’œuvre, mais de très vastes locaux, puisqu’il s’écoule près de dix-huit mois entre la mise en œuvre des matières premières et la sortie de l’usine des produits finis. On a tenté de réduire cette durée considérable en remplaçant le double travail microbien par des actions purement chimiques très rapides, mais des essais entrepris vers 1925 ont dû être abandonnés, faute de résultats suffisamment satisfaisants.


Tabac à mâcher

Les tabacs à mâcher ne sont plus présentés en France que sous deux formes, les rôles (cordes en pelotes) et les carottes (cylindres formés de bâtons de tabacs pressés et agglomérés entre eux), après la suppression des rôles menu-filés (ficelles de faible diamètre en petites pelotes). Après mouillade de feuilles de tabacs corsés à l’eau salée, on enlève la côte médiane : c’est l’écôtage. Puis on file sur des rouets mécaniques donnant automatiquement une vitesse linéaire constante d’enroulement sur un axe d’une corde de 18 mm de diamètre. Pour le rôle, on constitue des bobines de poids constant après qu’une presse hydraulique en a exprimé l’excès de jus de tabac. Pour la carotte, on coupe des brins de ce filé de longueur constante, on les rend rectilignes, on les trempe dans du jus de tabac et l’on en juxtapose huit, qu’on enserre avec des lisières de forte toile. Dans des moules, on presse fortement ces brins, ce qui les colle les uns aux autres en un cylindre et fait sortir l’excès de jus. On remplace les lisières par des ficelles nouées, ce qui consolide le bâton prêt pour la mise en vente. Rôles et carottes sont vendus au poids par les débitants, qui les détaillent en les coupant.


Autres utilisations

L’industrie du tabac a trouvé d’autres débouchés, notamment l’extraction de la nicotine — dont les sels (sulfates ou formiates) sont des insecticides puissants et des destructeurs de parasites externes des animaux (gale par exemple), et dont l’imide est la vitamine PP (antipellagre) —, la préparation du parfum dit « Cuir de Russie », à base d’huile essentielle du tabac, enfin l’emploi des débris de fabrication pour confection, sur machines à faire du papier, des bobines de « tabac reconstitué ». Ce sous-produit, né récemment, mais dont le marché s’accroît vite, est utilisable comme les feuilles de tabac.

M. L.

S. E. I. T. A. (Service d’exploitation industrielle des tabacs et des allumettes)

Établissement public de l’État à caractère industriel et commercial, constituant la Régie nationale française chargée des opérations concernant tabacs et allumettes et devenu en 1976 le « 7 A ».

Le Service d’exploitation industrielle des tabacs et des allumettes détient les attributions de l’ancien monopole de l’État pour ces deux produits dans la mesure où elles lui sont conservées après les décisions prises en application du traité de Rome sur le Marché commun par les Autorités internationales siégeant à Bruxelles. En 1970, le monopole de l’achat de la culture du tabac en France par le S. E. I. T. A. a été abrogé. Toutefois, ce dernier conserve un service pour ses relations, restées prépondérantes avec les planteurs, devenus libres de choisir leurs acheteurs. En 1976 doit cesser le monopole du S. E. I. T. A. de servir d’intermédiaire entre les fabricants des autres pays du Marché commun et les débitants de tabacs, qui doivent conserver au contraire leur exclusivité d’ayants droit à la vente au détail. Le monopole de fabrication par le S. E. I. T. A. sur le territoire français continental demeure inchangé. Ce service jouit d’une autonomie financière sous la tutelle du ministère des Finances, qui nomme les membres de son conseil d’administration ainsi que son directeur général et qui détache également un contrôleur d’État. Les bénéfices de l’exploitation demeurent à la disposition du S. E. I. T. A. pour son autofinancement, après versement au Trésor public d’une part préciputaire prépondérante affectée au Budget général et dont le taux est fixé de façon variable par le ministre des Finances.