Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Syrie (suite)

La révolution jeune-Turque de 1908, par son centralisme et sa « turquisation » du régime, n’améliore pas le sort des provinces arabes, et la militarisation de l’Empire accroît encore la fiscalité. Le résultat est un resserrement des liens arabes pardessus les confessions. Musulmans et chrétiens élaborent ensemble un « programme commun syrien » ; remis en 1913 au vali (gouverneur) de Beyrouth, ce programme propose la création d’un Conseil général mixte pour une administration autonome en langue arabe de la province (contrôle du vali, budget, cour d’assises, travaux publiques, enseignement, milice, etc.). La même année, le Congrès syrien de Paris réclame « l’exercice des droits politiques pour les Arabes ottomans ». Mais l’Empire, sclérosé et terrorisé par les plans de partage des puissances occidentales, n’accepte aucune autonomie, ferme le « Club des réformes » et en emprisonne les chefs. Les Syriens boycottent les élections législatives turques de 1914.

En 1914, l’Empire turc entre en guerre au côté des Empires centraux. En Syrie, Zaki pacha dirige la IVe armée turque, chargée de faire une percée sur le canal de Suez. Le 9 septembre, les Ottomans abolissent les Capitulations et dénoncent l’autonomie du Liban, qui est occupé militairement. Une terrible répression s’abat sur les nationalistes syriens soupçonnés d’intelligence avec les Britanniques et les Français ; Aḥmad Djamāl pacha (en turc Ahmed Cernai paça) [1872-1922] les fait emprisonner et exécuter à Damas et à Beyrouth.

Mais, dès 1915, la « révolte arabe » soulève les tribus du Hedjaz appuyées par la diplomatie britannique, qui promet au chérif de la Mecque, Ḥusayn ibn ‘Alī (1916-1924), un grand royaume arabe. Cependant, parallèlement, les projets de partages de l’Empire ottoman aboutissent en 1916 aux accords Sykes-Picot, qui délimitent les zones d’influence française et britannique au Moyen-Orient, ce qui est en contradiction avec les promesses faites au chérif Ḥusayn. Le fils de celui-ci, Fayṣal, assisté de T. E. Lawrence*, opère contre les Turcs en Palestine, où il rejoint l’armée britannique du général Allenby (1861-1936) et le corps expéditionnaire français, qui comprend 7 000 Arméniens et Syriens de la « Légion orientale ». Le 1er octobre 1918, Fayṣal fait son entrée à Damas, et, le 30, l’armistice est signé avec la Turquie, qui évacue toute la Syrie : les rivalités franco-britanniques vont se donner libre cours. Tandis que la France fait état de l’accord Sykes-Picot, lui conférant la Syrie et le Liban, la Grande-Bretagne soutient Fayṣal, élu roi de Syrie en 1920 par le Congrès général syrien sans l’accord des puissances occidentales. Mais, la conférence de San Remo (19-26 avr. 1920) confirmant les droits français, un ultimatum est envoyé à Fayṣal. Les troupes chérifiennes se portent au-devant des Français du général Gouraud*, qui les écrasent (nuit du 23 au 24 juillet). Le 10 août 1920, le traité de Sèvres confie à la France le mandat sur la Syrie et le Liban, détachés de la Turquie.


Le mandat français (1920-1945)

Jusqu’en 1925, la France fait administrer directement le mandat par un haut-commissaire (les généraux Gouraud [1920-1923], Weygand [1923-24], Sarrail [1924-25]). Le Grand Liban est reconstitué, et la Syrie divisée en trois États : Damas, Alep et le territoire des ‘Alawītes avec Lattaquié. Après la révolte du djebel Druze (1925-1927), qui s’étend bientôt à une grande partie du pays et qui est difficilement mais durement réprimée, les hauts-commissaires (Henry de Jouvenel [1925-26] et Henri Ponsot [1926-1933]) forment un gouvernement avec le Bloc national de Hāchim al-Atāsī. Mais la Constitution proposée est modifiée par la France, ce qui amène des troubles. Ponsot voudrait lier la Syrie à la France par un traité semblable au traité anglo-irakien : auto-administration, mais position privilégiée de la puissance mandataire pour l’économie et la défense. Paris s’y oppose, rappelle Ponsot et suspend la Chambre : de nouveaux troubles éclatent, réprimés par le haut-commissaire Damien de Martel (1933-1938). En 1936, Atāsī négocie à Paris avec le gouvernement de Front populaire un traité qui ne sera pas ratifié par la Chambre française. De 1936 à 1939, le Bloc national gouverne sous la tutelle du haut-commissaire (Atāsī est président de la République, Fāris al-Khūrī président de la Chambre et Djamīl Mardam Premier ministre). Les services spéciaux français attisent les haines et discréditent le Bloc national, qui démissionne en 1939. La France vient de céder à la Turquie, pour assurer sa neutralité en cas de conflit, le sandjak d’Alexandrette, ce qui mécontente la Syrie. Par ailleurs, la tension internationale est vive.

Le haut-commissaire Gabriel Puaux (1939-40) suspend la Constitution et reprend tous les pouvoirs. Une vague de répression s’abat sur le pays, occupé par les troupes du général Weygand, puis, à partir de décembre 1940, par celles du général Fernand Dentz. Mais, après la défaite française de juin 1940, la politique antibritannique du gouvernement de Vichy tente un rapprochement avec les Arabes. Khālid al-‘Aẓm est appelé pour former un gouvernement. En mai 1941, les troupes de Vichy laissent les avions allemands qui se portent au secours des insurgés irakiens contre les Britanniques se ravitailler en Syrie. Cet événement sert de prétexte à une intervention des troupes britanniques du général Wilson (1881-1964) et des Forces françaises libres du général Catroux, qui, le 8 juin, occupent la Syrie et le Liban : la sanglante « campagne du Levant » se termine le 14 juillet par l’armistice de Saint-Jean d’Acre. En 1943, la situation internationale est meilleure pour les Alliés ; des élections sont organisées en Syrie, qui portent au pouvoir le Bloc national, avec Chukrī al-Quwwatlī comme président de la République, Fāris al-Kūrī comme président de la Chambre et Sa‘d Allāh Djabrī comme Premier ministre ; l’autonomie est reconnue.

En mai 1945, malgré les pressions britanniques, l’indépendance n’est toujours pas accordée ; une note du haut-commissaire réaffirmant « la position privilégiée de la France en Syrie » provoque un soulèvement général du pays. Les troupes françaises bombardent Damas, ce qui entraîne un ultimatum britannique et la réunion du Conseil de sécurité de l’O. N. U. L’Assemblée des Nations unies impose à la France l’évacuation de la Syrie et du Liban, qui s’achève en 1946.