Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Syrie (suite)

Un Mésolithique original (XIIe-VIIIe millénaire)

Durant le Paléolithique supérieur (v. 35000-12000), le couloir syrien ne connaît aucune réalisation artistique comparable à celle des habitants de la prairie boréale de l’Ancien Monde, qui se sont spécialisés dans la grande chasse. À ce moment, la Syrie et surtout sa partie méridionale subissent un développement de l’aridité. Les habitants du couloir syrien en restent donc à l’association traditionnelle de la chasse, de la pêche et de la cueillette, qui ne donnent alors que des ressources limitées, mais, avant les hommes de l’Occident européen, ils inaugurent l’outillage microlithique (outils ne dépassant pas 2,5 cm de longueur), qui constitue l’ultime progrès pour la taille du silex.

Mais le Mésolithique (« âge moyen de la pierre », qui est en fait celui des expériences de tout ordre) n’acquiert ici toute son originalité qu’avec les gros habitats permanents (au moins 200 personnes) de la Palestine, dont les habitants pratiquent la cueillette des céréales sauvages, particulièrement abondantes en cette région. Cette pratique suscite l’apparition des silos, des faucilles, des meules et des vases de pierre. Les communautés mésolithiques, dont les plus importantes construisent de grandes maisons en pierre et en briques crues, ont d’étranges coutumes : la tête de certains morts, au moins, est détachée du cadavre et conservée en vue d’un culte funéraire.

Le site le plus étonnant est celui de Jéricho. Dès le début du Xe millénaire, une source y attire des chasseurs nomades, qui élèvent là un petit édifice religieux en pierre. Plus tard, la première communauté sédentaire (v. 9000-7500), qui s’étend sur 4 ha, construit des maisons rondes en briques crues, qu’elle protège par une muraille de pierre, dont on a retrouvé une portion haute de 6 m et une tour de 9 m, doublées d’un fossé creusé dans le roc, profond de 2,70 m et large de 8 m.


Domaine arrosé et domaine aride au Néolithique (VIIIe-IVe millénaire)

Les gros établissements sédentaires de Palestine découvrent peu à peu la culture et l’élevage à partir du VIIIe millénaire ; un véritable commerce amène ou fait circuler dans la région l’obsidienne pour l’outillage, la nacre et la malachite pour les parures. Pratiquant le culte des crânes, ces populations conservent les crânes maintenant avec le visage surmoulé en plâtre, qui leur donne une allure impressionnante. Mais cette civilisation avancée est ruinée par les progrès de la sécheresse ; la plupart des sites sont abandonnés vers 6500 pour près de deux millénaires.

La partie septentrionale du couloir syrien connaît des progrès plus tardifs ; l’agriculture n’y apparaît sans doute qu’au VIIe millénaire, mais, sous un climat plus humide, l’évolution y est continue. À partir du VIIe millénaire, les villages du Nord reçoivent ainsi la céramique et le cachet, probablement apportés d’Anatolie et qui restent inconnus des premiers habitants agricoles de la Palestine.

Vers le milieu du Ve millénaire, un climat moins sec permet le repeuplement du Sud par des groupes dont le bagage technique est plus réduit que celui des premiers agriculteurs palestiniens. Si ces groupes apportent la céramique, il faut près d’un millénaire pour que la métallurgie du cuivre et l’élevage des quatre grandes espèces domestiques (bovins, porcs, ovins, caprins), depuis longtemps connus dans le Nord, se répandent dans toute la Palestine. Au IVe millénaire, cette dernière n’en est pas moins la zone la plus originale du couloir syrien. Dans la Shefela (plaine littorale au sud-ouest d’Israël), des grottes naturelles ou artificielles sont remplies d’ossuaires de terre cuite, qui auraient été apportés là, pendant des siècles, par les éleveurs et les métallurgistes du Néguev. À l’est de l’embouchure du Jourdain dans la mer Morte, le site de Teleilat el-Ghassoul a déjà des allures de ville avec son plan régulier et ses grands bâtiments, dont certains sont ornés à fresque ; sa nécropole est faite de cistes recouvertes de tumulus (faut-il lui rattacher les tombes mégalithiques, les pierres levées et les « cercles », nombreux dans son voisinage et que l’on attribue, sans arguments solides, tantôt à la civilisation ghassoulienne, du milieu du IVe millénaire, tantôt à celle des villes du IIIe millénaire, tantôt à celle des pasteurs amorrites, au début du IIe millénaire ?).

Les ivoires de la région de Beer-Shev‘a (au nord du Néguev) semblent indiquer l’influence des Égyptiens, qui, avant l’unification de leur pays par Ménès-Narmer (v. 3200), venaient acheter du bois et de l’huile d’olive en Palestine, et peut-être aussi sur la côte de la Syrie centrale. Le Nord syrien subit plus nettement l’influence des civilisations de la Mésopotamie, qui, depuis le Ve millénaire, se manifeste dans les tyles de la céramique et des sceaux ainsi que dans la diffusion de la fusion du cuivre et de la roue du potier. Au IVe millénaire, le grand commerce traverse déjà l’ensemble du couloir syrien, et c’est ainsi que le lapis-lazuli, venu du Badakhchān (au nord-est de l’Afghānistān) par les cités de la Mésopotamie, atteint l’Égypte « prédynastique ».


Les villes du bronze ancien (v. 3300-2000 av. J.-C.)

Cette période (dont le nom conventionnel est bien inexact, puisque l’on n’y trouve guère que du cuivre) correspond en Syrie à une civilisation de longue durée et assez uniforme, sauf au voisinage de la Mésopotamie. Sous l’effet de l’accroissement de la population et de la production agricole, la zone passe, avant la fin du IVe millénaire, du stade des villages indépendants à celui des villes et sans doute des cités-États. Les sites du Nord, qui étaient les plus importants, ont été fréquemment détruits ou nivelés pour la reconstruction, et ils sont parfois recouverts par les villes actuelles. La mutation se constate donc mieux dans la Palestine, qui a été fouillée davantage et où les progrès de l’aridité ont aidé à la conservation de bien des cités. Au début de cette période, les agglomérations, plus nombreuses et plus petites que dans le Nord, se protègent par une muraille, qu’elles ne cessent d’améliorer au cours du bronze ancien en en accroissant les dimensions et en passant de la brique crue à la pierre. Des constructions publiques se distinguent de la masse des demeures par la taille, le plan et le fini de l’exécution. On y reconnaît des autels (hauts lieux à plate-forme sacrificielle, les bamot des Hébreux), des chapelles, des temples (à Byblos), mais aucun palais n’a été identifié de façon incontestable (sauf dans la région voisine de la Mésopotamie). Nous ne connaissons donc ni le régime politique de ces innombrables villes, dont la muraille indique qu’elles étaient indépendantes les unes des autres, ni l’origine de la population du fait de l’absence de l’écriture, retard culturel qui atteste la faiblesse des moyens des cités. Tout au plus, peut-on se demander si les rites pratiqués, analogues à ceux des Sémites occidentaux du IIIe au Ier millénaire av. J.-C., n’indiquent pas la présence de ce groupe humain dans le couloir syrien dès le bronze ancien.