Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

syphilis (suite)

L’examen clinique doit être suivi de la recherche du Tréponème à l’ultramicroscope, que le chancre soit typique ou non. Quand le prélèvement n’est pas impossible (cas de chancre sous-préputial avec phimosis inflammatoire), le Tréponème sera recherché dans le suc ganglionnaire par ponction de l’adénopathie syphiloïde satellite. En cas d’examen négatif sur une lésion fortement suspecte, il convient de répéter la recherche plusieurs fois dans la quinzaine suivante. Certains chancres, en particulier les chancres de grande taille, sont peu ou pas riches en Tréponèmes au début de leur évolution. Un examen faussement négatif est parfois dû à l’application locale, dans les jours précédents, de pommades diverses (calomel, antibiotiques).

Les réactions sérologiques (Bordet-Wassermann) sont positives entre le 10e et le 20e jour du chancre, mais l’immunofluorescence peut l’être dès le 7e jour. Cette épreuve est du plus haut intérêt à cette période.


Syphilis secondaire

Faisant suite à un accident primaire non traité, elle se manifeste par des symptômes cutanés, muqueux et généraux. La roséole, apparue 40 jours après le début du chancre, siège sur le tronc et la racine des membres. C’est une éruption maculeuse, dont les taches, plus ou moins grandes et nombreuses, sont de couleur rose pâle, mieux visibles à jour frisant ; ces taches sont mal limitées, lisses, non prurigineuses et jamais squameuses. Si le diagnostic est aisé avec les érythèmes infectieux et les dermatoses squameuses, il peut être plus délicat avec une éruption d’origine alimentaire ou médicamenteuse, nécessiter la recherche des autres symptômes de la lignée secondaire et la confirmation sérologique. À cette période, la sérologie classique est fortement positive, le taux de l’immunofluorescence est élevé et le test de Nelson peut être déjà positif.

Les plaques muqueuses s’observent sur la langue, le larynx, le palais, les gencives, les lèvres, la verge, la vulve et l’anus. Elles sont rouges ou grisâtres, érosives ou ulcéreuses, lenticulaires, souples, parfois saillantes en pastille. Sur la face dorsale de la langue, les plaques dites « fauchées », rouges lisses, dépapillées, sont loin d’être toujours syphilitiques. Elles imposent toutefois en cas de suspicion un examen à l’ultramicroscope. À la vulve des femmes peu soignées atteintes de leucorrhée, elles sont de grande dimension, papulo-hypertrophiques et débordent sur les plis péri-génitaux et le pourtour anal. Leur surface est rouge, abrasée lisse et sécrète une sérosité de mauvaise odeur. Parfois mal dénommées « condylomes plats », ces plaques ne doivent pas être confondues avec les végétations vénériennes. Les plaques muqueuses sont à différencier des aphtes*. Celles de petites tailles, souvent méconnues, sont un important facteur de dissémination de la syphilis, car, fourmillant de Tréponèmes, elles sont hautement contagieuses. L’explosion secondaire s’extériorise encore par l’alopécie* « en clairières », prédominant aux tempes, une micropolyadénopathie faite de ganglions petits et durs, dont les plus caractéristiques sont sus-épitrochléens (au coude) et sous-occipitaux, de la lassitude, de la fièvre légère et de la céphalée. Celle-ci, presque constante, est à prédominance occipitale. Survenant surtout le soir, elle est rebelle à la médication salicylée. Elle témoigne de l’envahissement des centres nerveux, comme la ponction lombaire en fait la preuve en révélant une réaction lymphocytaire, témoin d’une méningite fruste, moyenne ou grave.

Tous ces accidents s’effacent rapidement avec le traitement, et, à ce stade de syphilis secondaire précoce, celui-ci permet de rendre totalement négatifs la sérologie et, le plus souvent même, le test de Nelson quand il est déjà positif.

Faute de traitement, quelques semaines ou quelques mois plus tard apparaissent des lésions nouvelles, alors qu’effacée la roséole laisse parfois sur le cou une leucomélanodermie dénommée collier de Vénus consistant en la présence simultanée de taches pigmentaires claires et foncées. C’est la période des syphilides (manifestations cutanées de la syphilis) secondaires tardives et récidivantes, qui ont pour caractère commun et essentiel d’être infiltrées (dures). Très polymorphes, celles-ci prennent le masque de dermatoses variées : syphilides psoriasiformes, lichéniènes, acnéiformes, impétigineuses. Depuis quelque temps, les siphilides varicelliformes et varioliformes, très trompeuses, sont devenues plus fréquentes. Pouvant siéger n’importe où, les syphilides prédominent sur le visage, la face antérieure des avant-bras, les régions palmo-plantaires et le pourtour des organes génitaux. Leur persistance s’échelonne sur quelques mois ou quelques années, faisant transition entre les accidents secondaires et tertiaires. Leur polymorphisme est cause de fréquentes erreurs de diagnostic, et, là encore, la moindre suspicion impose des examens de laboratoire. À cette période, le traitement peut encore réduire rapidement les lésions cutanéo-muqueuses, mais il reste moins actif sur la sérologie. En général, la négativation totale ne peut être obtenue si le traitement est institué de 18 à 24 mois après le chancre.


Syphilis tertiaire

La délimitation entre les périodes secondaire et tertiaire est arbitraire. Il conviendrait mieux de parler d’accidents tertiaires. Leur apparition est variable : tantôt précoce, de 2 à 3 ans après le chancre ; tantôt tardive, de 10 à 20 ans après celui-ci. Leur survenue dépend avant tout de l’absence ou de l’insuffisance du traitement, mais également d’une déficience générale, de surmenage, d’infections surajoutées et d’alcoolisme. D’évolution irrégulière, après de longues périodes de latence, des retours offensifs sont possibles, échappant à toute prévision.

Les accidents cutanés et muqueux tertiaires sont les syphilides tertiaires, les gommes, la leucoplasie.

Les premières sont tantôt superficielles (érythème circiné tertiaire), tantôt dermiques nodulaires. Elles sont alors constituées de nodules rouge cuivré, soit épars, soit groupés en « coup de plomb », ou bien encore confluents en nappes.