Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

syndicat

Groupement de personnes exerçant une même profession ou une profession similaire pour la défense d’intérêts communs.



Origine

C’est la loi du 21 mars 1884 qui, en France, donne au syndicat sa réalité juridique. La loi du 14-17 juin 1791 (loi Le Chapelier) se trouve pratiquement abrogée par celle de 1884, et l’article 291 du Code pénal est désormais inapplicable aux syndicats professionnels : patrons et ouvriers peuvent désormais se grouper sans autorisation préalable, sauf à faire connaître les statuts et les noms des dirigeants du syndicat. Les syndicats (mais non leurs unions) ont dès 1884 la personnalité civile. L’adhésion au syndicat est libre et facultative : il s’agit encore, en 1884, d’une conception individualiste et libérale, celle de la liberté d’association*. Plusieurs conséquences en découlent : les actes des dirigeants du syndicat ne peuvent pas obliger les non-syndiqués, et il peut y avoir plusieurs syndicats dans la même profession.

La loi du 21 mars 1884 sera modifiée par la loi du 12 mars 1920, qui élargira la capacité civile des syndicats et reconnaîtra à leurs unions la personnalité morale. La loi du 25 février 1927 incorporera les dispositions relatives au syndicat dans le Code du travail. Enfin, la loi du 27 décembre 1968 introduira une modification fondamentale à la réglementation du syndicat de travailleurs en en renforçant considérablement l’implantation dans l’entreprise.

Sous l’Ancien Régime, les corps professionnels étaient essentiellement mixtes ; ils réunissaient les maîtres, les compagnons et les apprentis exerçant le même métier dans une même ville. Depuis la loi de 1884, la « mixité » du syndicat (patronat et travailleurs d’une même profession) demeure théoriquement possible : le syndicat mixte fut passionnément désiré par certaines fractions des employeurs catholiques à la fin du xixe s. En pratique, il s’est formé des syndicats séparés d’employeurs et de salariés, sauf dans le syndicalisme agricole, qui demeura longtemps mixte, mais dominé par les exploitants (pour les syndicats d’employeurs, V. patrons et patronat, professionnelles [organisations], et syndicalisme).


Constitution du syndicat

La constitution du syndicat est libre, il n’est pas nécessaire d’obtenir une autorisation administrative : le dépôt à la mairie des statuts et de la liste des administrateurs, ainsi que le renouvellement de cette formalité en cas de modification des statuts ou de changement d’administrateurs, sont les seules formalités exigées. Les formateurs du syndicat peuvent rédiger des statuts dont le contenu est pratiquement laissé à leur entière discrétion : il y a quelques prohibitions, mais il n’y a pas à proprement parler de statuts types édictés par l’Administration.

Le Code du travail reconnaît le droit d’adhérer, de ne pas adhérer (ou de donner sa démission) à un syndicat, et la Constitution du 27 octobre 1946 fait référence à ce principe dans son préambule, auquel la Constitution de 1958 se réfère à son tour.

Les étrangers peuvent faire partie d’un syndicat, comme les incapables (depuis la loi du 12 mars 1920) et la femme mariée ; les mineurs peuvent y adhérer à l’âge de seize ans (sauf opposition de leur père, mère ou tuteur).


La représentation d’intérêts professionnels

L’exercice d’une profession est une condition fondamentale. On parle communément de « syndicats » de propriétaires, de locataires, de pêcheurs à la ligne : il ne s’agit pas réellement de syndicats, mais, le plus souvent, d’« associations » de la loi de 1901. Il n’y a pas davantage de syndicalisme étudiant au sens strict, l’état d’étudiant n’étant pas une activité professionnelle, mais celui, pratiquement, d’usager d’un service* public. La loi de 1884 a prévu l’usage du syndicat pour le commerce, l’industrie et l’agriculture, mais la loi du 12 mars 1920 a étendu son emploi aux professions libérales, et les fonctionnaires ont acquis le droit syndical en 1946. Il s’agit donc d’activités professionnelles au sens le plus large du terme.

Un syndicat ne peut réunir que des personnes exerçant la même profession ou des professions similaires ou connexes : un syndicat interprofessionnel des commerçants d’une ville serait illégal (seule une « union » interprofessionnelle de syndicats [distincts par nature de commerce] serait légale).

Les syndicats ne doivent ni s’adonner à des activités politiques, ni participer à des campagnes électorales, ni soumettre à une condition d’affiliation à un parti politique l’admission au syndicat. Les responsables du syndicat ne peuvent cumuler un mandat syndical et un mandat politique. La sanction de l’inobservation de ces règles peut aller jusqu’à la dissolution du syndicat.

Le syndicat doit avoir une activité de défense des intérêts de la profession et ne pas exercer lui-même une activité professionnelle. Les actes de commerce lui sont interdits. Mais la loi française reconnaît que les syndicats jouissent de la « personnalité civile » ; ils estent en justice, acquièrent, sans autorisation, à titre gratuit ou onéreux, des biens meubles ou immeubles. Leur capacité juridique est sensiblement plus large que celle des associations régies par la loi de 1901.


Les organes du syndicat

Les administrateurs du syndicat doivent être membres du syndicat ; ils doivent être de nationalité* française (il y a des tolérances pour les habitants des anciens territoires d’outremer) ; ils doivent être capables d’exercer leurs droits et jouir de leurs droits civils et électoraux. Ils sont pénalement responsables du fonctionnement irrégulier ou de la constitution irrégulière de leur syndicat ; ils répondent évidemment des mises à l’index qu’ils auraient à tort prononcées. Mais seuls les membres du « bureau » du conseil d’administration du syndicat sont, en réalité, responsables des activités du syndicat.

Il faut que les organes du syndicat aient une autorité sur les « syndiqués » (il faut que l’ordre de grève donné par le syndicat ouvrier soit suivi ou que des consignes données par un syndicat patronal de commerçants soient mises en pratique). La loi étant restée muette sur ce plan, il a fallu que la doctrine et la jurisprudence pallient cette lacune : il est admis que le syndicat a le pouvoir de réglementer, pour ses membres, l’exercice de la profession. Lorsque les organes d’un syndicat de travailleurs concluent avec un syndicat patronal une convention collective, la convention fait la loi pour les syndiqués, et la loi du 11 février 1950 décide que les membres du syndicat sont de plein droit soumis à la convention.

Les syndicats « patronaux » (syndicats de commerçants, d’industriels, d’agriculteurs) peuvent imposer à leurs membres des règles concernant la production, la vente, les prix, mais, si deux syndicats d’employeurs concluent entre eux des accords réglant les rapports de leurs membres, les adhérents peuvent se soustraire à ces règles en démissionnant du syndicat.