Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

syndicalisme (suite)

Le pluralisme syndical en France

Dans le vocabulaire ouvrier, le pluralisme, c’est la coexistence de syndicats rivaux, entre lesquels le « syndicable » virtuel peut choisir.

De 1921 à 1936, il a existé en France trois confédérations rivales :
— la C. G. T. réformiste de Léon Jouhaux, Georges Dumoulin (1877-1962) et René Belin ;
— la C. F. T. C. de Jules Zirnheld (1876-1940) et Gaston Tessier ;
— la C. G. T. U. (Confédération générale du travail unitaire), où les communistes l’ont emporté sur les anarchistes, avec G. Monmousseau, Julien Racamond et Benoît Frachon.

En 1934-1936, la C. G. T. U. et la C. G. T. fusionnent, les réformistes conservant d’abord la majorité.

Le Parti social français du colonel François de La Rocque (1886-1946) aide à se constituer des syndicats professionnels français (S. P. F.).

Le gouvernement de Vichy dissout toutes les confédérations et les syndicats de fonctionnaires. Mais il tolère l’activité des syndicats, des fédérations et même des unions, et, par la charte du travail d’octobre 1941, il essaie de créer un syndicalisme nouveau, unique, obligatoire et coiffé de comités sociaux.

De cette construction, la Libération ne laisse rien subsister. En juillet 1944, sortant de la clandestinité, où elles s’étaient reconstituées, la C. G. T. et la C. F. T. C. reparaissent au grand jour. Mais ce bimonopole va être de courte durée.

Successivement on voit se créer :
— en 1944, la Confédération générale des cadres, qui ne veut grouper, au contraire des confédérations ouvrières, ouvertes à tous les salariés, que du personnel d’encadrement ;
— en 1948, la Confédération générale du travail-Force ouvrière (C. G. T-F. O.), née d’une scission de la C. G. T., à laquelle Jouhaux et ses amis reprochent d’être sous contrôle communiste (la même année, la Fédération de l’Éducation nationale [F. E. N.] quitte la C. G. T. et s’installe dans l’autonomie) ;
— à partir de 1948, diverses confédérations de syndicats indépendants, d’où se détache en 1959 une Confédération française du travail (C. F. T.), accusée par ses rivales d’être dans certaines entreprises l’instrument des directions.

En 1964, la C. F. T. C, à la majorité, décide de changer son titre, qui devient Confédération française démocratique du travail (C. F. D. T.). Mais une partie des minoritaires refuse et continue la « C. F. T. C. maintenue ».

Enfin, en 1969, la C. G. C. voit également se détacher d’elle une partie de ses adhérents, qui crée l’Union des cadres et techniciens (U. C. T.).

Au lendemain de la Libération, les pouvoirs publics, renouant avec une tradition qui avait été ouverte par l’Organisation internationale du travail, ont décidé de distinguer entre les organisations syndicales celles qui seraient dotées de la représentativité nationale et les autres. Les premières ont divers avantages — notamment celui de pouvoir présenter partout des candidats aux élections professionnelles, de pouvoir être représentées au Conseil économique et de prétendre aux subventions accordées par l’État aux organisations syndicales pour la formation de leurs militants. Pour accéder à la représentativité nationale, il faut répondre à divers critères concernant le nombre des adhérents, l’importance et la régularité des cotisations versées, l’ancienneté de l’organisation (ou, à défaut, les titres syndicaux des dirigeants), l’indépendance (surtout vis-à-vis du patronat) et — en 1946 — la participation à la résistance. Sont actuellement admises à la représentativité nationale la C. G. T., la C. F. D. T., la C. F. T. C., la C. G. T.-F. O., la C. G. C., la F. E. N. (en ce qui la concerne) ; sont au contraire exclues, pour des raisons différentes, la C. F. T. et l’U. C. T.

À diverses reprises, il a été question de renoncer à ces critères et à ces distinctions. Mais les organisations qui bénéficient de ce statut souhaitent en conserver les avantages. La C. G. T. demande même que le statut soit réservé dans chaque secteur aux organisations faisant la preuve qu’elles bénéficient de 10 p. 100 des voix exprimées aux consultations professionnelles, ce qui jouerait contre plusieurs de ses rivales.

Parmi les originalités du syndicalisme français des salariés, il faut signaler l’importance du syndicalisme chez les fonctionnaires (depuis l’entre-deux-guerres) et chez les cadres (depuis 1944).


Unité et pluralisme syndical à l’étranger

En Italie comme en France, mais à un moindre degré, le pluralisme syndical est la règle, avec quatre confédérations rivales :
— la Confederazione generale italiana del lavoro (CGIL), à dominante communiste ;
— la Confederazione italiana sindacati lavorati (CISL), à dominante chrétienne ;
— l’Unione italiana del lavoro (UIL), à dominante socialiste ;
— la Confederazione italiana sindacati nazionali lavorati (CISNAL), que ses adversaires assurent de nostalgie fasciste.

À partir de 1969, un mouvement unitaire a paru remettre en cause le pluralisme. Il a abouti à la constitution d’une Fédération unique de la métallurgie. Mais, sur le plan confédéral, le processus paraît bloqué par les réticences de l’UIL et d’une partie de la CISL.

Dans des pays comme la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique, le pluralisme existe aussi, mais moins accentué. En Allemagne, malgré l’existence d’un syndicalisme libéral et d’un syndicalisme catholique, le Deutscher Gewerkschaftsbund (DGB) exerce un monopole de fait. Il en est de même en Grande-Bretagne, où le Trades Union Congress (TUC) rassemble l’immense majorité des syndiqués.

La situation est plus complexe aux États-Unis. De 1935 à 1955, deux organisations se sont opposées : l’American Federation of Labor (AFL), qui groupait surtout des syndicats de métier, et le Congress of Industrial Organizations (CIO), qui groupait surtout des syndicats d’industries. Elles sont aujourd’hui rassemblées dans une seule organisation, l’AFLCIO. Mais en dehors d’elle subsistent des organisations qui sont restées autonomes ou qui le sont devenues : syndicats des cheminots, des mineurs, des routiers (exclus de l’AFLCIO), de l’automobile.