Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sylviculture (suite)

• Avec l’histoire et la géographie. En un point donné de l’espace et à une époque donnée, une forêt est l’aboutissement (provisoire) d’une longue série d’actions, les unes naturelles (changement climatique, glaciations...), les autres artificielles, humaines (incendies, exploitations et surexploitations, pâturages...) : on ne comprend rien à l’état d’un peuplement et à sa dynamique si l’on néglige cette histoire.


Variantes de la sylviculture

Il y a eu une sylviculture de la forêt pâturée : jusqu’aux xviie et xviiie s., la ressource principale n’était pas le bois, mais l’herbe, le gland, la faîne ; on recherchait souvent une futaie clairiérée ; les gravures du xviiie s. en donnent de nombreuses images.

Il y a encore en pays chauds une sylviculture d’arbres fourragers : Arganier (au Maroc), Caroubier, Prosopis, Acacia, Gleditschia. Il y a une sylviculture mixte, qui unit la production de bois à la culture agricole sur brûlis. On a pratiqué jusqu’au xixe s. une sylviculture de bois de marine ; le but principal ou unique était de faire produire à la forêt des Chênes à bois dur ; ces bois devaient être courbes (avec des courbures variées) ; il fallait aussi des planchers et des mâts très longs. Il y a eu aussi une sylviculture des taillis à écorce : le décollement des écorces, lorsqu’il fut pratiqué sur pied, fut même très nuisible à l’évolution des peuplements, et l’état actuel de ceux-ci s’en ressent. On pratique une sylviculture des reboisements par enrichissement, substitution, reboisement de terrains nus, ou landes. La ligniculture est une sylviculture intense (culture du sol, irrigation, engrais, sélection sévère, élagages). Elle peut porter sur des Peupliers, mais aussi sur des Saules et des Platanes (États-Unis). La sylviculture d’incendie cherche à éviter la nouvelle propagation d’incendies par l’extraction de résineux sur des bandes marginales, par la création de cordons peu combustibles, par les nettoyages périodiques des broussailles, du sous-bois, etc. La sylviculture de gemmage est pratiquée sur le Pin maritime des Landes de Gascogne (gemmage à vie et gemmage à mort). Dans la sylviculture du Chêne-Liège, les levées de liège sont faites suivant un certain rythme, coordonnées avec les coupes. En montagne, on pratique une sylviculture des prés-bois. Il y a une sylviculture des « réserves naturelles dirigées », très simple (avec exploitabilité physique). La sylviculture spéciale de restauration des peuplements dégradés consiste souvent d’abord à augmenter le couvert. Il existe aussi une sylviculture protectrice des terrains sujets à érosion ou dominant des sources ; elle aussi doit être très précautionneuse et conservatrice. La sylviculture ornementale (peuplements pas trop serrés et de composition très variée) prévoit des clairières et installe des arbres ornementaux. La sylviculture des forêts urbanisées s’apparente à celle des parcs boisés : elle vise à créer le meilleur environnement et à assurer une perpétuation — au besoin par voie artificielle — des différentes espèces d’arbres qui existaient initialement.


Sylvicultures étrangères

La sylviculture équatoriale (A. Aubreville) constate la présence disséminée d’essences de haute valeur dans une masse d’essences sans intérêt économique : elle doit donc faire un « écrémage » rationnel qui ménage l’avenir. On replante souvent ces essences précieuses par layons. La sylviculture nord-américaine a longtemps été extractive ; bien des abus ont été commis, mais un appareil scientifique très important a été mis en place (J. W. Toumey). La sylviculture de l’U. R. S. S. (G. F. Morossov) concerne, dit-on, 750 millions d’hectares. D’énormes surfaces dans le Nord ne sont pas encore mises en valeur. Sur de grandes étendues, il y a d’ailleurs un matériel mûr et excédentaire, justifiant de fortes exploitations. La faiblesse du relief et l’étatisation ont permis la création de combinats groupant exploitation et utilisation. La sylviculture nordique, agissant sur des peuplements qui semblent uniformes au profane, opère des distinctions en fonction des plantes indicatrices (A. K. Cajander, H. Hesselman) ; la production y est faible (de 1,5 à 2,5 m3/ha par an), mais les surfaces boisées sont très étendues. La sylviculture des deux Allemagnes (J. Gayer, A. Dengler, J. Oelkers, J. N. Kostler, E. Assmann, G. Mitscherlich, M. Prodan, Krahl-Urban, K. Rubner) est très méthodique ; son application est facilitée par la mentalité de la population favorable à la forêt. Jadis systématique et orientée vers la production résineuse, elle a maintenant davantage le souci écologique. La sylviculture belge se rapproche de la sylviculture française (G. Delevoy, N. P. Crahay, F. Goblet d’Alviella, A. Poskin, C. J. Quairière, A. Galoux). La sylviculture danoise est extrêmement précise ; sa production unitaire est en tête des productions européennes (6,6 m3/ha par an). La sylviculture suisse s’efforce de suivre de près les évolutions naturelles (A. Engler, H. Burger, H. E. Biolley, W. Schaedlin, H. Leibundgut, H. et E. Badoux, H. Etter...) ; elle est, elle aussi, une sylviculture intensive, qui a le souci de faire jouer pleinement leur rôle aux « forêts de protection » (qui sont d’ailleurs aux trois quarts des forêts publiques). Il en est de même de la sylviculture autrichienne (A. Cieslar). Quant à la sylviculture italienne enfin (A. Pavari, A. De Philippis), elle s’intéresse beaucoup à l’introduction d’exotiques ; Piccarolo a donné un essor remarquable à la populiculture de l’Italie et de toute l’Europe.


Tendances en sylviculture

Elles sont fonction de l’état des peuplements, du but recherché et du tempérament du sylviculteur. La sylviculture réaliste tend à tirer le meilleur parti des conditions actuelles du peuplement et recherche seulement à supputer ses virtualités immédiates ; la sylviculture idéaliste se fixe impérativement un but lointain (justifié par les besoins futurs) et force par tous les moyens le peuplement actuel à réaliser ce but, en lui substituant même un autre s’il apparaît incapable de le réaliser. Il y a une sylviculture prudente, qui craint les calamités naturelles, procède par petits paliers, se montre patiente, précautionneuse, préventive, et une sylviculture brutale, qui « prend des risques », qui considère que certains bouleversements de situation sont aussi naturels, salutaires et efficaces. Il y a une sylviculture extensive, qui considère que la forêt doit gratuitement fournir ses produits, et une sylviculture intensive, qui estime que de forts investissements (main-d’œuvre, produits...) sont rentables.