Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sumériens (suite)

Toutes ces innovations sont de peu précédées par celle du sceau-cylindre (niveau V), dont l’usage de plus en plus fréquent a permis le développement d’une iconographie aussi diversifiée par ses thèmes que riche dans ses qualités artistiques et qui donne souvent la mesure de la technique et du goût des lapicides et des utilisateurs sumériens eux-mêmes. C’est bien souvent aussi grâce à cette iconographie qu’il nous est possible de pénétrer dans l’univers de ces sociétés archaïques. L’art du lapicide s’accompagne de l’apparition d’un art de la statuaire dont la première manifestation connue, la Dame de Warka (tête conservée au musée de Bagdad), est aussi exceptionnelle qu’attachante.

À l’époque sumérienne classique, ou époque des premières dynasties, les tendances sensibles à l’époque archaïque, une certaine spontanéité, un goût de la vie et un sens du mouvement, trouvent encore leur expression dans certaines manifestations des activités artistiques ; celles-ci sont très diversifiées, mais la qualité en est souvent moins recherchée. La glyptique, riche encore dans certaines écoles (Fara par exemple), connaît un certain relâchement dans une production peut-être plus courante, tandis que la statuaire se diversifie selon les centres producteurs en se faisant plus enjouée et parfois d’une rare qualité à Mari, plus rigide mais non moins expressive à tell Asmar, souvent plus lourde et moins dynamique dans le Sud. De nouvelles formes font leur apparition, en particulier dans l’art du métal, dont le Cimetière royal d’Our a été prodigue, ou dans ces compositions de mosaïques fréquentes, à en croire les vestiges archéologiques, mais trop rarement parvenues intactes jusqu’à nous (comme cet exceptionnel « Étendard d’Our » du British Museum). Cet essor notable de l’époque classique est peut-être à mettre au compte de la nouvelle forme politique qui se développe — la monarchie — et qui, en même temps qu’une architecture palatiale de grande envergure (Kish, Éridou, Mari), donne naissance à un art aulique de qualité, réservé à une élite.

De profondes transformations marquent l’art à l’époque akkadienne — cet entracte dans l’histoire sumérienne qui se présente à maints égards comme une rupture avec le passé (v. Akkad). La Renaissance sumérienne, qui suit de peu la fin de l’Empire akkadien, est certes marquée d’une volonté de retour à ce qui avait fait l’originalité de Sumer ; pourtant, dans le domaine artistique comme ailleurs, les modifications provoquées par l’empire de Sargon ont trop marqué la Mésopotamie pour qu’un tel retour en arrière soit réellement possible : aussi bien dans le bas-relief (par exemple stèle d’Our-Nammou, musée de Philadelphie) que dans la statuaire (toute la série des Goudéa de Tello), un certain hiératisme et une grande rigidité apparaissent, plus conformes aux canons du IIe ou du Ier millénaire, qu’ils annoncent, qu’au charme ou à une certaine fantaisie de leurs antécédents purement sumériens, qu’ils cherchent à perpétuer.

J. C. M.

➙ Akkad / Élam / Mari / Mésopotamie / Our / Ourouk.

 F. Thureau-Dangin, Inscriptions de Sumer et d’Akkad (Leroux, 1905). / C. Jean, la Religion sumérienne (Geuthner, 1931). / S. N. Kramer, Sumerian Mythology (Philadelphie, 1944) ; From the Tablets of Sumer (Indian Hills, Co., 1956 ; trad. fr. L’Histoire commence à Sumer, Arthaud, 1957, nouv. éd., 1975) ; The Sumerians. Their History, Culture and Character (Chicago, 1963). / A. Parrot, Archéologie mésopotamienne, t. I (A. Michel, 1946) ; Sumer (Gallimard, 1960) ; l’Art de Sumer (A. Michel, 1970). / J. Pirenne, la Civilisation sumérienne (Mermod, Lausanne, 1952). / H. Schmökel, Das land Sumer (Stuttgart, 1955 ; trad. fr. Sumer et la civilisation sumérienne, Payot, 1964). / J. Deshayes, les Civilisations de l’Orient ancien (Arthaud, 1969). / Y. Rosengarten, Trois Aspects de la pensée religieuse sumérienne (De Boccard, 1972).

sunnites

Musulmans qui suivent la sunna et qui constituent la tendance majoritaire dite « orthodoxe » de l’islām.


Historiquement, l’islām sunnite se caractérise par la reconnaissance des quatre premiers califes (les « califes orthodoxes »), donc par l’approbation du califat électif ; pour les chī‘ites (de chī‘a : « parti », parti de la famille du Prophète), au contraire, le pouvoir califal appartient aux membres de la famille du Prophète exclusivement. Ces quatre premiers califes sont : Abū Bakr (632-634), vieux compagnon du Prophète, qui lui succéda à la tête de la communauté musulmane ; ‘Umar (634-644), également compagnon du Prophète ; ‘Uthmān (644-656), gendre du Prophète, de qui descend la branche des Omeyyades* ; enfin ‘Alī, autre gendre du Prophète, mari de sa fille Fāṭima, qui fut calife de 656 à 659, date à laquelle il fut déposé par Mu‘āwiyya, puis finalement assassiné en 661. Avec Mu‘āwiyya commence la dynastie des califes omeyyades, reconnue par les sunnites, mais contestée par les Chī‘ites.


La sunna

Les sunnites, ce sont les « gens de la sunna et de la communauté ». La sunna est, après le Coran*, la seconde source de la Loi. Au sens propre, le mot sunna (plur. sunan) signifie « conduite, manière d’agir », d’où « coutume » ; en islām, il s’applique à la coutume du Prophète et de ses compagnons (sunnat al-nabī wa al-tābī‘ūn). Le musulman sunnite est donc celui qui suit, outre le Coran, considéré comme la Parole révélée de Dieu, la tradition, sunna, établie par le Prophète et ses compagnons (aṣḥāb). En ce sens, sunna s’oppose à bid‘a, qui signifie « innovation » et donc « trahison de la tradition », et qui finira par prendre le sens d’« hérésie ». Selon Henri Massé, la sunna est « la pratique et la théorie de l’orthodoxie musulmane ». Elle est principalement fondée sur le ḥadīth, ou « dire », qui remonte au Prophète lui-même ou à ses compagnons selon une chaîne de garants successifs. Le ḥadīth retrace les faits et gestes du Prophète, ses paroles, son approbation muette. Il a été classé au ixe s. et consigné en six ouvrages acceptés après une critique comparative visant à l’expurger au maximum des ḥadīth apocryphes. On distingue cependant entre ḥadīth ṣaḥīḥ, authentique, regroupé en deux ouvrages, celui d’Abū ‘Abd Allāh Muḥammad al-Bukhārī (810-870) et celui de Muslim (Abū al-Ḥusayn al-Kuchayrī al-Nīchābūrī, †875), et ḥadīth ḥasan, regroupé en quatre volumes, celui d’Abū Dāwūd († 888), celui d’al-Nasā’ī († 915), celui d’al-Tirmidhī († 892) et celui d’ibn Mādja († 886). Cela constitue donc la tradition du Prophète, à laquelle s’ajoute celle des deux premières générations qui l’ont suivi.

À partir de ces deux sources de la Loi, Coran et sunna, la communauté musulmane sunnite a élaboré une loi canonique, la charī‘a, et une théologie, le kalām.