Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Sumériens (suite)

Ce n’est pas la promotion de la culture sémitique qui provoque les révoltes générales au début et à la fin de chaque règne de la dynastie d’Akkad, mais l’antagonisme entre la vieille aristocratie urbaine, laissée à la tête des cités de Sumer, et les Akkadiens, qui contrôlent les vicaires sur place et qui sont considérés, de façon assez injuste, comme des Barbares plus encore que des étrangers.

Mais, lorsque la domination impériale d’Akkad s’effondre (v. 2200), les villes et leurs vicaires retrouvent leur indépendance. Au pays de Sumer, le sumérien reprend son rang de langue officielle, et, dans les cités les plus importantes, comme Lagash au temps de Goudéa (probablement dans la première moitié du xxiie s.), l’art traditionnel connaît une nouvelle activité, mais avec la marque très nette de l’influence de l’art de la cour d’Akkad, qui lui est nettement supérieur. On a pris l’habitude de qualifier de néo-sumérienne la civilisation de l’époque de Goudéa et surtout de l’empire dirigé par la IIIe dynastie d’Our (2133-2025). En fait, le sumérien, qui est redevenu langue officielle, qui est employé dans tous les rites et qui reste la langue de culture pour l’aristocratie urbaine d’un pays de Sumer réduit au sud de la basse Mésopotamie, n’a pu reconquérir ses anciennes positions dans le Nord, et, dans l’ensemble du Bas Pays, il est supplanté par l’akkadien, seul parlé dans la vie, privée et dans les autres domaines. Les cultures akkadienne et sumérienne sont en train de fusionner.


L’héritage de Sumer

Le sumérien perd définitivement sa place de langue officielle lors de la chute de la IIIe dynastie d’Our (2025). Mais, dans la Mésopotamie morcelée en de petits royaumes gouvernés par des Barbares venus de l’ouest, la communauté des savants se préoccupe de sauver la littérature et la « science » de Sumer, des collections de recettes de magie, de récits mythiques, d’hymnes et de rites, probablement aussi de présages et, plus scientifiques à notre point de vue, de recettes de mathématiques, de médecine et de pharmacopée. Tout cela s’est transmis et amplifié au cours des siècles presque uniquement par la voie orale. Mais, comme le sumérien n’est plus parlé, les scribes entreprennent de mettre par écrit tout ce fonds de la culture en Sumer, qu’ils n’hésitent pas, par la suite, à compléter en sumérien.

Ainsi, malgré sa difficulté, la langue sumérienne, exprimant la culture ancienne de la basse Mésopotamie, continue à être employée sous forme de prières composées sur le modèle traditionnel, de textes littéraires ou scientifiques sans cesse recopiés, ou d’idéogrammes incorporés dans le système cunéiforme, non seulement au pays des Deux-Fleuves, mais aussi chez les Hittites et les Cananéens au IIe millénaire, et, dans son pays d’origine, elle est écrite ou récitée devant les dieux jusqu’à l’extinction de la religion et de la culture mésopotamiennes (ier s. apr. J.-C.). Mais déjà les Grecs avaient tiré de l’héritage de Sumer, passé aux Akkadiens et aux Chaldéens, des éléments pour leurs constructions mythiques et leurs cosmogonies. Quant aux conventions artistiques d’origine religieuse qui appartiennent à ce même fonds de culture sumérienne, enrichies par l’apport des Akkadiens, elles ne sont jamais totalement abandonnées : adoptées successivement par tous les peuples de l’Asie occidentale, elles vont, par l’intermédiaire de la Perse sassanide, contribuer à l’iconographie de l’art roman et de l’héraldique européenne.

Effectivement, bien des choses avaient commence en Sumer, où les peuples qui venaient s’y mêler allaient perpétuer pendant des millénaires les qualités traditionnelles de ténacité et de sens pratique qui avaient permis d’élever vers le ciel les temples d’Ourouk et les ziggourat de la IIIe dynastie d’Our.

Quelques textes

Du roi Mésilim (xxviie ou xxvie s.)

« Mésilim, roi de Kish, constructeur de la Maison de Ningirsou, a placé (cette masse d’armes votive) pour Ningirsou, Lougalshagengour (étant) ENSI de Lagash » (Ningirsou est le dieu de Lagash).

Du roi Lougal-zaggesi (xxive s.)

« Quand Enlil, roi des pays, à Lougal-zaggesi, roi d’Ourouk, roi du Pays, prêtre d’An, prophète de Nisaba (déesse de l’Écriture, protectrice d’Oumma), fils de Boubou, ENSI d’Oumma et prophète de Nisaba, regardé avec faveur par An, roi des pays, grand ENSI d’Enlil, doué d’intelligence par En-ki, dont le nom a été prononcé par Outou (dieu Soleil), grand ministre de Sin, lieutenant d’Outou, qui donne à Inanna ce dont elle a besoin, enfant de Nisaba, nourri de lait sacré par Ninhoursag (la Dame de la Montagne, épouse d’Enlil), premier nourrisson de Ninabouhadou, la maîtresse d’Ourouk, inspiré par les dieux, quand, à ce Lougal-zaggesi, Enlil, roi des pays, eut donné la royauté sur le Pays, quand, devant le Pays, il l’eut conduit, eut jeté les pays sous ses pieds et les lui eut soumis du levant au couchant, il aplanit pour lui les chemins de la Mer d’en bas à la Mer d’en haut, en passant par le Tigre et l’Euphrate. »

De l’ENSI Goudéa (xxiie s.)

« Pour la deuxième fois, (Ningirsou), au dormeur, au chevet du dormeur se présente ; il le touche de l’éclair. À toi, qui me construiras, à toi qui me construiras, à toi, ENSI, qui me construiras mon temple, à toi, Goudéa, puisque tu me construiras mon temple, le signe, je veux te donner, mon ordonnance, par ce phénomène pur du ciel, je veux te la proclamer. Mon temple, la Maison de Cinquante, réplique du ciel, ses puissances divines sont considérables, surpassant toute autre puissance divine, temple, dont le roi porte au loin son regard, à la voix duquel, comme à celle de l’oiseau divin Imdougoud, le ciel résonne. Sa splendeur redoutable atteint le ciel, l’éclat de mon temple frappe les montagnes, à son nom, depuis les limites du ciel, les montagnes se rallient. »

G. L.


L’archéologie et l’art sumériens


Caractères et problèmes

Le pays de Sumer s’étend sur les vallées inférieures du Tigre et de l’Euphrate, sans limite très précise au nord : le passage vers la Babylonie se fait insensiblement à la latitude de Nippour. Les constituants essentiels de ce pays, l’eau et l’argile, ont fait, en dépit d’une pauvreté apparente, sa véritable richesse lorsque les hommes ont été capables, dans le courant du Néolithique, de discipliner l’eau et de pratiquer la culture des céréales. La présence de grands espaces, l’existence d’un limon fertile et de cette eau si importante ont permis l’essor d’une agriculture dont la production dépassait les besoins des communautés qui s’y adonnaient ; ces surplus ont donné la possibilité de compenser par un système d’échanges très tôt développé l’absence totale dans le pays de toute autre matière première, alors même que la suprématie, en ce temps où le bronze jouait un rôle de plus en plus important dans la vie quotidienne, appartenait de toute évidence au possesseur du métal.