Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Suisse (suite)

Le Jura apparaît comme un faisceau de plis, serrés et élevés au sud (la Dôle, 1 680 m ; le mont Tendre, 1 683 m ; le Chasseron, 1 611 m), de direction S. O. - N. E. Le faisceau s’élargit vers le centre ; les plis prennent plus d’ampleur aux environs de Bâle-Schaffhouse, donnant parfois un paysage tabulaire aux altitudes proches de 600 m. Ce n’est que dans le Jura souabe et franconien que les plis ont plus de vigueur. La direction d’ensemble s’explique par la présence de môles de résistance (Vosges, Forêt-Noire) lors de l’orogenèse tertiaire.

• Le Jura plissé. Les vallées longitudinales l’emportent. Presque toujours, elles correspondent à des synclinaux (vaux), encadrés par des anticlinaux (monts). Le relief inversé n’est pas absent. Les passages transversaux sont rares. Souvent les routes sont obligées de franchir les monts par des cols élevés (la Vue des Alpes, entre La Chaux-de-Fonds et Neuchâtel, 1 283 m).

• Le Jura tabulaire. Tectoniquement, il est tributaire du fossé rhénan. L’absence de môle de résistance a permis des plissements moins serrés, d’où un aspect tabulaire en relation avec des plis en coffre. Sur le plan hydrologique, dans la partie nord, les cours d’eau convergent vers le Rhin (Birse, Ergolz, Aar). De ce fait, les influences rhénanes gagnent le Mittelland.

Les lacs, surtout ceux de l’avant-pays (Joux, Neuchâtel, Bienne), épousent les directions tectoniques.

• Une montagne calcaire. Les roches jurassiques et crétacées qui composent le Jura sont à dominante calcaire. Cela explique les nombreuses formes karstiques et la faiblesse du réseau hydrographique subaérien. Bien des régions, surtout dans le sud du Jura plissé, sont confrontées au problème de l’eau, malgré des précipitations relativement élevées.

Les bons sols sont rares. L’importance du lessivage tend à la décalcification ; d’où, assez paradoxalement, un manque de chaux pour des sols installés sur les roches calcaires. Les meilleurs sols, riches en humus, se situent dans les dépressions ou sur les terrasses fluviales.

Sur le plan agricole, le bilan naturel n’est donc pas très favorable. La densité des populations n’en est que plus étonnante.


Un peuplement industriel

Les handicaps naturels n’ont pas empêché l’implantation d’une population laborieuse qui a su suppléer au manque de ressources agricoles.

• L’histoire du peuplement. Au nord, le peuplement est précoce, car la circulation est aisée : c’est une colonisation venue du nord, d’origine germanique. Au sud, l’occupation humaine est plus tardive (Moyen Âge et xvie s.), venue du sud et du Mittelland romand. Ce double peuplement se traduit par l’existence d’une frontière linguistique et aussi par l’existence de deux civilisations agraires. Au nord, les défrichements ayant été plus précoces, les labours sont importants, en particulier dans les bassins et vallées. Les plateaux médiocrement fertiles restent le domaine de la forêt.

Dans le Jura plissé, plus montagnard et moins ouvert, les cellules autarciques sont plus nombreuses, associant les ressources des versants (pâturages, forêts) et celles des vallées (prés, champs). Mais dans les deux cas le rôle de l’exposition est prépondérant. On pourrait associer à ces deux types de paysage celui de la bordure orientale, bien exposée sur un riche piémont de matériaux de décomposition calcaire, où la vigne trouve des conditions optimales. Toutefois, la seule économie agricole n’arrive pas à expliquer les densités actuelles, légèrement supérieures à la moyenne nationale (l’agriculture trouve de meilleures conditions dans le Mittelland). C’est l’industrie qui en fournit l’explication.

• Une montagne industrielle et urbaine. Les facteurs d’industrialisation ont été, avant tout, d’ordre humain : présence d’une main-d’œuvre artisanale traditionnelle et qualifiée, longtemps habituée aux travaux de précision (serruriers, armuriers, etc.) ; loisirs forcés d’hiver ; absence quasi générale de ressources locales, sauf le bois. Au nord, le Jura bénéficie de l’hydro-électricité (Rhin, Aar) et de la présence de Bâle.

L’horlogerie répond le mieux à ces conditions. Elle s’installe dans le Jura dès le xvie s., mais l’essor viendra au xviiie s. En 1705, Daniel Jeanrichard (1665-1741), de La Sagne, installe son atelier d’horlogerie au Locle ; peu à peu les ateliers se multiplient dans cette localité. Toutefois, pendant plus de deux siècles, l’horlogerie reste un travail à domicile, occupant des milliers de paysans-ouvriers. La machine à vapeur, l’électricité amèneront une certaine concentration. De 1850 à 1910, La Chaux-de-Fonds passe de 12 000 à 37 000 habitants ; Le Locle, pendant la même période, de 8 500 à 12 700. L’horlogerie a suscité d’autres activités : la mécanique de précision a suivi très rapidement.

L’orientation industrielle a entraîné un fort courant d’immigration dans le Jura, qui compte une cinquantaine de villes, selon la définition française (population supérieure à 2 000 hab.). Entre 1950 et 1960, l’augmentation du canton de Neuchâtel a été due pour 77 p. 100 à l’immigration. La baisse du taux de natalité, depuis, fait que l’apport des étrangers devient de plus en plus important.


Les aspects régionaux

• Le Jura plissé.

Les hautes vallées. Il s’agit des hautes vallées du pays de Vaud, de celles du canton de Neuchâtel, c’est-à-dire des vallées de Joux, de la Brévine, du Locle, de La Chaux-de-Fonds. L’altitude y dépasse presque toujours 1 000 m. Ces vallées correspondent presque toutes à des synclinaux ; les bassins y sont nombreux, ce qui en accentue le caractère autarcique. Le fond des vallées et des dépressions est recouvert de matériel tertiaire ou glaciaire. L’habitat est limité à la périphérie des vallées, et les villages-rues sont fréquents. L’agriculture obéit à une zonation géologique et climatique : les champs montent jusqu’à 1 200 m ; vers les sommets, prairies et forêts dominent. Les pâturages forestiers sont nombreux dans cette région où le défrichement a été tardif. La région du Locle a été défrichée au Moyen Âge, grâce à des lettres de franchise accordées par les seigneurs aux colons.