Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Suisse (suite)

Pendant la crise mondiale (1921, 1930-1936), la Suisse subit une récession économique sensible : le franc suisse fut dévalué d’environ 30 p. 100, les exportations industrielles tombèrent de 2,1 milliards à 750 millions de francs, le chômage atteignit, en 1936, 124 000 personnes. L’industrie textile et l’hôtellerie furent particulièrement frappées par cette crise. En revanche, d’autres activités industrielles se développèrent : ainsi les entreprises hydro-électriques et les chemins de fer, qui furent électrifiés presque entièrement. Les autorités fédérales intervinrent par un soutien accordé à certaines banques en difficulté, par la création d’emplois et par la réglementation de plusieurs branches économiques. Ces mesures sociales et l’attitude modérée du parti socialiste contribuèrent à une atténuation de la lutte des classes, qui, en 1937, trouva son expression dans des conventions collectives, régulièrement renouvelées depuis, entre syndicats ouvriers et organisations patronales. Depuis lors, la Suisse a connu ce que l’on a appelé la « paix du travail » : les grèves sont rares, et les conflits sociaux se règlent par voie d’arbitrage et de conciliation. En même temps, les mentalités souvent très différentes des régions linguistiques se rapprochent de plus en plus, faisant preuve de tolérance : en 1938, le romanche (langue parlée dans les Grisons) a été élevé au rang de quatrième langue nationale.

Bien que des partisans de Hitler, groupés dans les « fronts » d’extrême droite, vers 1933-1935, eussent connu un certain succès de propagande, la conception politique des nazis allemands ne put jamais rencontrer une véritable audience en Suisse. Lorsque débuta la Seconde Guerre mondiale, l’unité du peuple se manifesta par la confiance dans son armée bien équipée et bien entraînée ainsi que dans son chef, le général Henri Guisan. Une économie de guerre habilement élaborée (plan Wahlen) et une diplomatie adroite, obligée à négocier en même temps avec le Reich et les pays alliés, assurèrent l’approvisionnement et les importations nécessaires pour le maintien de la production industrielle. Fidèle à sa tradition humanitaire, la Suisse hébergea des internés militaires et des réfugiés civils ; elle expédia aussi des dons et des colis dans de nombreuses régions dévastées par les conflits. Les problèmes d’accueil ou de refoulement des réfugiés politiques mirent souvent le gouvernement fédéral et les cantons devant des situations difficiles et maintes fois insolubles.

Le retour à une époque pacifique, en 1945, trouva une Suisse encore plus attachée à la politique traditionnelle du fédéralisme et de la neutralité, mais consciente aussi de ses obligations futures comme pays épargné par les désastres de la guerre au milieu d’une Europe en reconstruction.

Le principal problème à l’échelon fédéral, à partir de 1963, est celui du Jura bernois, qui réclame son autonomie. Après une dizaine d’années d’agitation, le Jura suisse francophone s’est prononcé par le référendum du 23 juin 1974 (36 802 voix pour, 34 057 contre) en faveur de la création d’un 23e canton de la Confédération. Cependant, en mars 1975, les trois districts francophones du Jura-sud (Moutier, Courtelary et La Neuveville) se sont déclarés pour leur maintien dans le canton de Berne.

D’autre part, en octobre 1974, un référendum a rejeté un projet qui aurait entraîné l’expulsion, en trois années, d’environ un demi-million d’étrangers.

H. O.

 J. Dierauer, Geschichte der schweizerischen Eidgenossenschaft (Gotha, 1882, 2 vol., nouv. éd., 1887-1919, 4 vol. ; trad. fr. Histoire de la Confédération suisse, Payot, Lausanne, 1910-1919, 6 vol.). / E. Gagliardi, Geschichte der Schweiz (Zurich, 1920, 2 vol., 4e éd., 1939, 3 vol. ; trad. fr. Histoire de la Suisse, Payot, Lausanne, 1925, 2 vol.). / A. Heusler, Schweizerische Verfassungsgeschichte (Bâle, 1920 ; nouv. éd., Aalen, 1968). / Dictionnaire historique et biographique de la Suisse (Neuchâtel, 1934 ; 8 vol.). / H. Ammann et K. Schib, Atlas historique de la Suisse (Sauerländer, Aarau, 1943 ; nouv. éd., 1958). / C. Gilliard, Histoire de la Suisse (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1944 ; 6e éd., 1974). / G. Guggenbühl, Geschichte der schweizerischen Eidgenossenschaft (Zurich, 1947-48 ; 2 vol.). / A. Siegfried, la Suisse, démocratie témoin (la Baconnière, Neuchâtel, 1949 ; nouv. éd., 1970). / P. Dürrenmatt, Schweizer Geschichte (Berne, 1957). / W. Drack, K. Schib, S. Widmer et E. Spiess, Illustrierte Geschichte der Schweiz (Einsiedeln, 1958-1961 ; 2e éd., Olten, 1971, 3 vol.). / W. Martin, Histoire de la Suisse (Payot, Lausanne, 1959). / H. Helbling, Schweizer Geschichte (Zurich, 1963 ; trad. fr. Histoire suisse, Droz, Genève, 1964). / D. de Rougemont, la Suisse ou l’Histoire d’un peuple heureux (Hachette, 1965). / J. Rohr, la Suisse contemporaine (A. Colin, 1972). / Histoire du mouvement ouvrier en Suisse (Droz, Genève, 1972). / Handbuch der Schweizer Geschichte (Zurich, 1972-73 ; 2 vol.). / A. Ruffer, la Suisse et la Révolution française (Clavreuil, 1974). / J. Ziegler, Une Suisse au-dessus de tout soupçon (Éd. du Seuil, 1976).


Les régions

La Suisse est composée de trois régions assez nettement délimitées : le Jura suisse à l’ouest, le Mittelland au centre, les régions alpines à l’est et au sud. Les éléments montagneux dominent à l’ouest et à l’est, faisant du Mittelland une grande voie de passage.


Le Jura* suisse

Face au Mittelland et aux régions alpines, le Jura suisse n’occupe qu’une place modeste : sa surface ne couvre que 10 p. 100 du territoire national, mais rassemble environ 14 p. 100 de la population totale.


Les facteurs géographiques

Le Jura suisse est une montagne périphérique, plissée et calcaire. Il comprend la partie orientale de la chaîne jurassienne, qui s’épanouit surtout en France. Vers l’ouest, la frontière est peu marquée. À l’est, la retombée sur le Mittelland se fait sous la forme d’une véritable muraille. La chaîne se continue, toutefois, vers le nord, à travers les cantons de Bâle et de Schaffhouse, pour reprendre vigueur à travers le Jura souabe et le Jura franconien. Le Jura est à l’écart des grands axes de circulation. Aucun fleuve important, à l’exception du Rhin, ne le draîne sur des étendues importantes.