Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Suisse (suite)

Les ducs de Bourgogne, qui, par la Franche-Comté, étaient les voisins des Suisses, fournissaient à Berne et à ses alliés les marchandises qui leur étaient indispensables. Ils étaient jusqu’alors en bons termes avec les Confédérés ; mais l’ambition territoriale de l’État bourguignon prit nettement forme avec le règne de Charles le Téméraire et commença à inquiéter les Bernois, en particulier à la suite de l’acquisition par le Téméraire de la Haute-Alsace. Louis XI, roi de France et adversaire de la Bourgogne, sut profiter de cette inquiétude des Bernois ; usant de sa diplomatie et de son or, il les persuada de signer la paix avec l’Autriche (1474) et d’attaquer, avec leurs alliés de Suisse occidentale, Charles le Téméraire. En 1474, la Haute-Alsace fut libérée et, en 1475, les Bernois envahirent le pays de Vaud savoyard. Charles le Téméraire fut vaincu à Grandson (2 mars 1476) et à Morat (22 juin 1476) par les Confédérés, venus secourir les Bernois. Après ces victoires décisives, Berne conservait — partiellement en commun avec Fribourg — une série de terres vaudoises, et les Valaisans gardèrent le bas Valais, jusque-là savoyard. Louis XI, craignant de voir la puissance des Suisses succéder à celle des Bourguignons sur ses frontières, obtint la restitution à la Savoie du pays de Vaud conquis.

Mais au lendemain de la guerre, le partage du butin provoqua de nombreuses difficultés ; la suprématie des Waldstätte au sein de la Confédération semblait mise en question par les grands cantons. En outre, Soleure et Fribourg, qui avaient fourni à Berne une aide importante contre les Bourguignons, demandaient en retour à être admises dans la Confédération. Les cantons paysans y étaient hostiles, car ils craignaient que les villes prennent une trop grande influence à leur détriment.

En 1481, la Diète de Stans chercha en vain à trouver un accord dans ce très grave différend ; l’arbitrage de l’ermite Nicolas de Flue permit d’éviter la rupture. Soleure et Fribourg entrèrent dans la Confédération (1481).


La Confédération devient majeure

La concorde rétablie, les Suisses, membres de l’Empire sous le nom de ligue de la haute Allemagne, s’opposèrent de nouveau à l’Autriche. L’empereur Maximilien Ier cherchait, avec l’aide des États du sud de l’Allemagne (ligue de Souabe), à réintégrer à son Empire tout ce qui s’en était détaché. Mais les cantons suisses, qui avaient acquis autonomie et puissance, ne voulaient plus se soumettre à l’autorité impériale, et un nouveau conflit éclata (guerre de Souabe, 1499). Plusieurs fois vaincu (Frastanz, Calven, Dornach), Maximilien dut signer la paix de Bâle, par laquelle était reconnue l’indépendance de fait de la Suisse. Bâle et Schaffhouse entrèrent dans la Confédération en 1501 et, en 1513, ce fut le tour du pays d’Appenzell, ancien sujet de l’abbé de Saint-Gall. La Confédération compta alors treize cantons.

Lors des guerres d’Italie*, de nombreux mercenaires suisses prirent part aux combats pour la conquête du Milanais. En 1503, Uri, Schwyz et Unterwald obtinrent de Louis XII, en récompense pour les services militaires rendus, Bellinzona, dont les soldats suisses s’étaient emparés peu auparavant. Mais, en 1510, sous l’influence du cardinal valaisan Mathieu Schiner, les treize cantons participèrent à la Sainte Ligue, formée par le pape Jules II contre la France. Les Suisses prirent le Milanais pour le compte du duc de Milan, et Mendrisio, Locarno et Lugano devinrent des bailliages communs (1512). En 1513, les Suisses battirent les Français à Novare, établirent à Milan Maximilien Sfórza en lui imposant leur protectorat, et assiégèrent Dijon. Mais, désunis (les cantons occidentaux avaient signé une paix séparée), ils furent vaincus par François Ier à Marignan les 13 et 14 septembre 1515. La Confédération signa avec la France, en 1516, une avantageuse « paix perpétuelle » : les cantons reçurent une importante indemnité de guerre et obtinrent de conserver le Tessin. Dès lors, les Suisses allaient renoncer à intervenir directement dans les affaires européennes et se contenter de fournir des mercenaires.


La Réforme en Suisse

La Réforme n’eut pas en Suisse les, origines politiques qu’elle connut en Allemagne : les abbayes et le clergé séculier étaient sous l’autorité des cantons et il n’y avait pas de principautés ecclésiastiques. La Réforme helvétique fut l’œuvre d’une élite intellectuelle d’humanistes qui se passionnèrent pour les controverses théologiques : les imprimeurs de Bâle et de Burgdorf diffusèrent les travaux des humanistes rhénans, dont Bâle était alors un des foyers les plus brillants. À partir de cette recherche philosophique et théologique, Ulrich Zwingli* prêcha à Zurich, dès 1519, une réforme beaucoup plus radicale que celle de Luther, avec qui il ne s’entendit guère. Le protestantisme se répandit à Berne (1528), à Bâle et à Schaffhouse (1529). Claris et Appenzell adoptèrent les deux confessions religieuses, mais les cantons anciens, avec Lucerne et Zoug, demeurèrent catholiques.

Cette situation provoqua bientôt des querelles confessionnelles qui aboutirent à une guerre civile entre cantons catholiques et cantons réformés. Après les deux batailles de Kappel, celle de 1529 et celle de 1531 (où Zwingli fut tué), la répartition des confessions en Suisse se précisa définitivement : il y eut sept cantons catholiques (Uri, Schwyz, Unterwald, Lucerne, Zoug, Soleure et Fribourg) et quatre cantons réformés (Zurich, Bâle, Berne et Schaffhouse) ; à Glaris et à Appenzell, les deux confessions coexistaient librement.

Dans le pays romand, les villes, désireuses de secouer la domination des princes français (les ducs d’Orléans à Neuchâtel, la maison de Savoie à Genève), adoptèrent la Réforme et conclurent des pactes de combourgeoisie avec les cantons protestants. À Neuchâtel et à Genève, ce furent des humanistes français (Guillaume Farel, Théodore de Bèze) ou vaudois (Pierre Viret) qui prêchèrent la Réforme : les deux villes lui firent un accueil favorable. Membre de la combourgeoisie Berne-Genève-Fribourg depuis 1526, Fribourg, restée catholique, rompit avec la ville de Genève, qui fut délivrée par les Bernois de la menace que faisait peser sur elle le duc de Savoie (1536). Les Bernois occupèrent le pays de Vaud, où le protestantisme s’installa et qui fut transformé en bailliage de Berne. Fribourgeois et Valaisans s’emparèrent des autres terres savoyardes, au nord et à l’est du Léman. À la suite de l’intervention bernoise, la Réforme l’emporta dans toute la Suisse romande. Lausanne et Genève, où Calvin* s’établit en 1536, devinrent les foyers de la diffusion du protestantisme : Genève devait mériter le titre de « Rome du protestantisme ».

La consolidation doctrinale des deux confessions, l’une sous l’influence calviniste, l’autre sous celle de la Contre-Réforme, rendit définitif le clivage de la Confédération.

En 1601, la France annexa le pays de Gex, et, en 1602, Genève résista à une dernière offensive des Savoyards (nuit de l’Escalade, 11-12 déc.).