Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sucre (suite)

Longtemps, la sucrerie a produit uniquement du sucre cristallisé blanc, directement commercialisable, ou, surtout pour la canne, brut, c’est-à-dire non claircé. Ce sucre brut est jaunâtre (betterave) ou gris verdâtre (canne) et il est traité en raffinerie, ainsi que certains roux. Avec les procédés de cristallisation que nous avons décrits, les roux sont refondus et ne sortent pas de l’usine ; la production métropolitaine en blanc étant devenue très largement supérieure à la production d’outre-mer en brut, la raffinerie a perdu peu à peu de son importance. Ce travail de la raffinerie peut se résumer ainsi : le sucre brut est refondu en sirop, après affinage s’il s’agit d’un roux. Le sirop est filtré, décoloré grâce au noir animal ou aux charbons actifs végétaux, puis recristallisé. L’atelier de cristallisation est analogue à celui d’une sucrerie, en plus complexe : il peut comporter de six à huit jets. Le sucre cristallisé, très beau pour les premiers jets, est mis sous les différentes formes que l’on rencontre dans le commerce. Ces formes sont :
a) les sucres agglomérés, obtenus par compression dans un moule d’un cristallisé légèrement humide, puis par séchage à l’étuve après démoulage (morceaux de différents calibres, mis ensuite en boîtes de 1 kg ou enveloppés par 2 ou 3 morceaux, et pains de 2 kg le plus souvent, cette forme ancienne étant encore fabriquée pour l’exportation vers l’Afrique du Nord) ;
b) les sucres broyés et tamisés (les parties les plus grosses donnent le sucre semoule, alors que les fines, après nouveau broyage, constituent le sucre glace utilisé par les pâtissiers) ;
c) de nombreux produits spéciaux : le sucre liquide, sirop à 66-68 p. 100 de saccharose, utilisé dans certaines industries (boissons gazeuses, biscuiterie et pâtisserie industrielle) ; le candi, encore fabriqué dans le nord de la France (sucre en cristaux géants de 1 à 2 cm produits par une cristallisation très lente sur des fils tendus qui leur servent de support) ; les vergeoises (région du Nord), autrefois sucres roux de raffinerie, actuellement fabriquées en mélangeant un sucre blanc avec un sirop coloré ; le « sucre instantané », peu connu en France, à dissolution très rapide, qui résulte du séchage rapide d’un sirop très pur.

Tous ces produits étaient autrefois fabriqués exclusivement par la raffinerie, mais, actuellement, certaines sucreries produisent les morceaux agglomérés et les formes semoule et glace.


Les sous-produits

• Les pulpes de betteraves sont séchées et agglomérées. Malgré le coût élevé du séchage, dû à leur teneur importante en humidité, elles constituent un aliment du bétail intéressant, surtout pour les bovidés, capables d’assimiler au moins partiellement la cellulose (v. alimentation rationnelle du bétail).

• La bagasse des sucreries de cannes, constituée de fibres dures, siliceuses, impropres à l’alimentation des animaux, est employée comme combustible dans les générateurs de vapeur de l’usine. L’excédent est parfois utilisé pour fabriquer des panneaux agglomérés pour la construction, éventuellement comme matière première pour la papeterie.

• Les tourteaux de filtres, ou écumes, sont les résidus de l’épuration : ceux de betteraves, contenant plus de 90 p. 100 de carbonate de chaux précipité, peuvent servir d’amendement calcaire pour les terres à tendance acide. Leur faible teneur en azote organique leur ajoute un léger pouvoir fertilisant.

• La mélasse est le sous-produit le plus important. Elle est normalement produite à raison de 4 kg environ pour 100 kg de betteraves traitées, alors que la production de sucre est de 13 à 15 kg. Elle contient à peu près 50 p. 100 de sucre (saccharose) et 33 p. 100 d’impuretés (sels minéraux de la betterave, matières azotées, produits de dégradation du sucre). Sa composition est très complexe. La mélasse de cannes a une composition assez différente : elle contient moins de saccharose (35 p. 100), mais possède une forte teneur (20 p. 100) en hexoses (glucose et fructose). C’est dans les deux cas un liquide brun-noir extrêmement visqueux, d’odeur agréable pour les mélasses de cannes, plutôt désagréable pour celles de betteraves.

Les emplois de la mélasse sont divers.
aRécupération du saccharose pour la sucrerie. On peut y parvenir soit par l’utilisation d’échangeurs d’ions, soit par traitement à la chaux séparant un complexe chaux-saccharose insoluble (sucraterie). Ces procédés se heurtent au problème des eaux résiduaires.
bUtilisation par une industrie de fermentation. La distillerie produit des rhums à partir des mélasses de cannes, de l’alcool industriel avec celles de betteraves ; la levurerie fournit les levures de panification employées en boulangerie. Mais on peut produire aussi l’acide citrique, le glycérol, le butanol, l’acétone, etc. La mélasse a l’avantage de contenir de fortes quantités de sucres, aliments des microorganismes, à un prix nettement inférieur à celui du sucre pur.
cAlimentation du bétail. Le pouvoir nutritif de la mélasse est élevé grâce aux sucres, mais cet aliment manque de protides (teneur en azote insuffisante) et surtout de lipides (matières grasses). Il est donc nécessaire de le compléter par mélange avec des produits qui apportent les éléments manquants. En outre, la teneur en sels de potassium, trop élevée, pourrait causer des troubles digestifs si elle n’était diluée dans le mélange. Enfin, l’utilité de la mélasse dans la ration humaine paraît difficile à prouver : les sels minéraux qu’elle possède se trouvent dans la plupart des aliments. Les vitamines que contenait la matière première ont été détruites par les traitements chimiques d’épuration et les températures élevées en tête d’évaporation. Tout au plus, du fait de la composition extrêmement variée, pourrait-on lui reconnaître un apport d’oligo-éléments. Mais cela ne justifie guère le succès rencontré en diététique par les « sucres roux », qui n’apportent, en plus du saccharose, qu’une petite quantité de mélasse.