Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sucre (suite)

Pour cela, elle doit être alimentée en tête. La sucrerie dispose d’une chaufferie produisant de la vapeur à haute pression, de 30 à 40 bar, surchauffée. Cette vapeur passe d’abord dans les turbines d’une centrale qui fournit toute la puissance électrique nécessaire à l’usine (de l’ordre de 1 kW par tonne de betteraves par jour). Détendue vers 2,5 bar, désurchauffée par son travail, elle devient apte à alimenter l’évaporation. Mais la quantité de vapeur prise par les turbines est indépendante de celle qui demande la concentration des jus et lui est généralement un peu inférieure. Un appoint est nécessaire ; il est fourni par un peu de vapeur à haute pression, dont on utilise l’énergie latente pour recomprimer de la vapeur prise entre deux effets, la renvoyer plus haut et améliorer ainsi le rendement du système : c’est la recompression.

En sucrerie de cannes, le système est un peu différent. La force motrice nécessaire aux moulins est fournie directement par des turbines à vapeur dont l’échappement va à l’évaporation, avec celui de la centrale électrique. La quantité de vapeur fournie devient suffisante, et la recompression n’est pas utilisée.

L’évaporation fournit aussi de l’eau : presque toute l’eau enlevée au jus se retrouve sous forme de condensats qui alimentent les chaudières et une bonne partie des besoins de l’usine. Cette eau est très chaude, et une partie des calories est récupérée. Enfin, elle comporte une annexe : le poste de condensation, qui maintient le vide dans le dernier effet. La vapeur qui en sort est condensée dans le condenseur barométrique, chambre où elle est mélangée à de l’eau froide — le mélange s’écoulant par un tube vertical de hauteur supérieure à celle que peut maintenir la pression atmosphérique ; d’où le nom de l’appareil. L’eau de refroidissement est recyclée à travers un réfrigérant avant de revenir au condenseur, et l’ensemble est autonome au point de vue de la consommation.


Cristallisation

À partir du sirop, le sucre est extrait sous forme pure par cristallisation. Le principe est le suivant : un corps, même très soluble dans l’eau comme le sucre, arrive tout de même à une limite de solubilité si l’on concentre la solution ; on dit qu’on est arrivé à saturation. Si l’on dépasse la saturation, on peut arriver à former des cristaux qui grossissent dans le liquide sursaturé. Mais on préfère, en général, ajouter des cristaux très fins (sucre broyé), qui servent d’amorce.

L’opération est conduite ainsi : dans un appareil muni d’un système de chauffage par la vapeur (faisceau tubulaire ou analogue), on introduit une quantité suffisante de sirop, que l’on concentre jusqu’à sursaturation modérée. On ajoute alors l’amorce de cristallisation ; les cristaux grossissent en absorbant le sucre en excès. On les nourrit en continuant à alimenter en sirop, tout en concentrant toujours pour maintenir la sursaturation. Peu à peu, l’appareil se remplit. Quand il est plein, on termine en poussant un peu la concentration, de manière à augmenter le rendement en cristaux (serrage), puis on vide l’appareil dans un bac d’attente à agitateur, le malaxeur. L’appareil à cuire a un volume de 300 à 500 hl. L’opération dure plusieurs heures. Pour limiter la destruction du sucre par le chauffage prolongé, le travail se fait à température réduite : à 80 °C environ, donc sous vide. Le vide est maintenu par le système de condensation de l’évaporation — ou par un appareil analogue. Le produit obtenu est un mélange de cristaux et d’eau mère (environ 50 p. 100 de cristaux), appelé masse-cuite. À chaque cycle, l’appareil en fournit de 45 à 75 t.

La masse-cuite coulée dans le malaxeur est ensuite reprise dans des essoreuses centrifuges ; celles-ci séparent les cristaux de sucre de l’eau mère, qui prend le nom d’égout pauvre. Comme l’essorage ne peut éliminer la pellicule d’égout adhérente aux cristaux, on complète par un lavage par pulvérisation d’eau chaude dans le panier de l’essoreuse : c’est le clairçage, qui fournit, avec une légère refonte des cristaux, l’égout riche. Ces essoreuses, discontinues — c’est-à-dire travaillant par cycles —, prennent à chaque opération de 500 à 700 kg de masse-cuite et sont entièrement automatiques.

Les égouts contiennent encore une quantité importante de sucre cristallisable. L’égout pauvre sert à alimenter un autre appareil à cuire, dit « de deuxième jet », qui fournit une masse-cuite donnant à son tour à l’essorage un égout pauvre et un sucre. Le sucre est le plus souvent refondu, et le sirop obtenu retourne en premier jet, comme l’égout riche. L’égout pauvre donne un troisième jet, ou « bas-produits », qui fournit le sucre roux et la mélasse, dernier égout pauvre. Dans ces milieux, où les impuretés se sont concentrées, la cristallisation devient très lente : c’est le malaxeur qui en assure une partie, par un refroidissement très progressif, au cours d’un séjour pouvant atteindre soixante heures. La mélasse est considérée comme incristallisable. Le sucre roux est refondu, souvent après une opération d’affinage — malaxage avec un égout pauvre, suivi d’un nouvel essorage —, et le sirop obtenu revient aussi en premier jet. Dans cet atelier de cristallisation circulent des produits très divers : sirop d’évaporation, sirop de refonte, masses-cuites, égouts pauvres et riches. Mais il ne sort, en fait, que du sucre blanc et de la mélasse, les autres produits sont continuellement recyclés. Ce procédé constitue la cristallisation méthodique.


Le sucre

Le sucre sortant des essoreuses est chaud et contient de 1 à 1,5 p. 100 d’humidité. On le fait passer dans des sécheurs, où il circule lentement au contact d’air sec pour ramener son taux d’humidité à 0,02-0,05 p. 100 et abaisser sa température. Il est ensuite tamisé pour éliminer les cristaux agglomérés, ou macles, et envoyé au stockage. Le stockage a longtemps été réalisé dans des entrepôts où le produit était contenu dans des sacs de jute de 100 kg. On préfère maintenant le stockage en vrac, dans des silos horizontaux ou verticaux. On conserve le sucre en atmosphère conditionnée (température maintenue vers 20 °C ; humidité relative descendue vers 60 p. 100). Les plus récents silos verticaux peuvent contenir 40 000 t et assurent une très bonne conservation.