Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Succession d’Espagne (guerre de la) (suite)

« Il n’y a plus de Pyrénées. »

Mais on dut renoncer à cette solution lorsque la maladie emporta Joseph Ferdinand de Bavière, un enfant de six ans, le 6 février 1699. Les diplomates conclurent alors un nouvel accord, aux termes duquel l’Espagne, les Pays-Bas et l’Amérique reviendraient au fils de Léopold, l’archiduc Charles, à la condition que ces terres ne seraient jamais réunies à l’Empire ; la Lorraine, le Guipúzcoa et les Deux-Siciles seraient la part du Grand Dauphin, qui pourrait les réunir au royaume de France. Malgré l’opposition de l’empereur, la France, l’Angleterre et les Provinces-Unies signèrent ce traité (11 juin 1699).

En Espagne, malgré l’hostilité du roi et de la reine Marie-Anne de Neubourg, le « parti français », dirigé par le primat d’Espagne, le cardinal Portocarrero (1635-1709), incita Charles II à léguer tout son héritage à un petit-fils de Louis XIV, le seul prince, à leurs yeux, assez puissant pour sauvegarder l’unité de la monarchie.

Après avoir consulté le pape Innocent XII (1691-1700), qui, dans sa crainte — étayée par un lourd passé — de voir la puissance impériale revenir en Italie, donna un avis favorable, Charles II se résigna : le 2 octobre 1700, un mois avant sa mort (1er nov.), il paraphait un nouveau testament, qui faisait du duc Philippe d’Anjou, deuxième fils du Grand Dauphin, son unique héritier.

La mort et le testament de Charles II furent connus à Versailles le 9 novembre ; Louis XIV, malgré l’accord antérieur avec les puissances maritimes, se décida à accepter le testament et rendit publique sa décision le 16 novembre en présentant en ces termes le duc d’Anjou : « Messieurs voici le roi d’Espagne ; la naissance l’appelait à cette couronne ; toute la nation l’a souhaité et me l’a demandé instamment ; ce que je leur ai accordé avec plaisir : c’était l’ordre du Ciel. » Le Mercure de France pouvait écrire : « Il n’y a plus de Pyrénées. »


La grande coalition contre la France et les débuts de la guerre (1701-1703)

Louis XIV savait que son acceptation provoquerait la guerre avec Léopold Ier et sans doute avec les puissances maritimes signataires du traité de 1700. Il ne fit rien pourtant pour calmer les inquiétudes des grandes puissances : pénétration des troupes françaises aux Pays-Bas espagnols, conservation au nouveau roi d’Espagne, Philippe V, et à ses descendants de leurs droits à la couronne de France, etc.

En Angleterre et dans les Provinces-Unies, l’ouverture de l’empire colonial espagnol au commerce français souleva l’opinion, et une Grande Alliance, orchestrée par le roi Guillaume III* d’Angleterre, fut conclue à La Haye le 7 septembre 1701. Cette vaste coalition regroupait l’Angleterre, les Provinces-Unies, l’Empire et la plupart des princes allemands. La France, de son côté, avait pour alliés l’Espagne, la Bavière, Cologne, le Portugal et la Savoie.

Les coalisés disposaient de la maîtrise de la mer (les Anglo-Hollandais possédaient 230 vaisseaux environ, c’est-à-dire plus de deux fois la flotte française) ; de plus, les troupes impériales, aguerries par leurs victorieuses campagnes du Danube contre les Turcs, étaient renforcées par des soldats fournis par les princes allemands. Et la France devait compter avec la puissance financière de l’Angleterre, qui, à la fin de la guerre, entretenait de ses deniers, sur le continent, près de 200 000 soldats anglais ou alliés.

La coalition, malgré la mort du roi Guillaume III le 19 mars 1702, déclare la guerre à la France et à l’Espagne le 15 mai. Elle compte trois chefs éminents : le Grand Pensionnaire de Hollande, Anthonie Heinsius (1641-1720) ; Eugène de Savoie-Carignan (1663-1736), généralissime autrichien et grand stratège ; John Churchill, duc de Marlborough*, grand capitaine et habile diplomate.

Du côté franco-espagnol, à part quelques grands généraux, comme Vendôme*, Villars* ou Catinat (1637-1712), il y a peu de fortes personnalités, et le vieux Louis XIV, privé des grands ministres des débuts du règne, doit assurer non seulement le gouvernement de la France, mais aussi celui de l’Espagne, affaiblie par l’inertie administrative, le séparatisme provincial et l’esprit frondeur des Grands.

Les deux premières années de la guerre sont, cependant, plutôt favorables à la France : le 14 octobre 1702, Villars culbute les troupes impériales à Friedlingen et, le 20 septembre 1703, il les bat de nouveau à Höchstädt. Toutefois, les Franco-Bavarois ne peuvent mener à bien leur plan de marche sur Vienne ; le duc de Savoie, Victor-Amédée II, fait défection et passe aux coalisés (nov. 1703) ; ce qui entraînera la perte du Milanais (mars 1707).

À la suite des déboires des Franco-Espagnols dans la guerre sur mer, le Portugal signe avec l’Angleterre, le 27 décembre 1703, le traité de commerce de Methuen (du nom de l’ambassadeur anglais John Methuen [v. 1650-1706], qui engagea les négociations), qui ouvre aux Anglais le marché portugais et brésilien.


Les défaites françaises (1704-1709)

L’année 1704 voit la victoire du Prince Eugène et de Marlborough sur les troupes franco-bavaroises, dirigées par de médiocres généraux, Marsin (1656-1706) et Tallart (1652-1728), à Höchstädt (13 août). Des 50 000 hommes que comptait l’armée franco-bavaroise, 30 000 sont tués, capturés ou en fuite : la Bavière doit être abandonnée. En Espagne, si les Anglais ne peuvent s’emparer de Madrid, ils prennent Gibraltar (août 1704) et font reconnaître le frère de l’empereur, l’archiduc Charles, comme roi d’Espagne (octobre 1705).

Des propositions de paix formulées par Louis XIV en octobre 1705 sont finalement repoussées par Heinsius en avril 1706 ; la victoire de Marlborough sur Villeroi (1644-1730) à Ramillies le 23 mai 1706 fait perdre aux Français la plus grande partie des Pays-Bas ; cette même année voit également la perte de l’Italie du Nord, après la défaite des troupes françaises à Turin (sept.).

Le sort de l’Espagne se joue en 1707, lorsque le duc de Berwick, James Fitzjames (1670-1734), fils naturel de l’ancien roi d’Angleterre Jacques II, oblige les Anglo-Portugais à abandonner le royaume de Valence et l’Aragon, et rétablit l’autorité de Philippe V sur la plus grande partie du territoire espagnol.