Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

structuralisme (suite)

linguiste français (Saint-Albans-des-Villards, Savoie, 1908). Il est le continuateur du Cercle de Prague, en particulier des principes et des méthodes de Nikolaï Troubetskoï*. Son principal critère d’analyse est le concept de fonction pour déterminer ce qui est pertinent dans la communication linguistique. De 1946 à 1955, il séjourne aux États-Unis, où il enseigne à l’université Columbia et dirige la revue du Cercle linguistique de New York, Word. De retour en France, il est directeur d’études à l’École pratique des hautes études et professeur à la Sorbonne (1960). Son œuvre s’oriente dans trois directions principales : la phonologie descriptive (la Prononciation du français contemporain, 1954 ; la Description phonologique, avec application au parler franco-provençal d’Hauteville (Savoie) [1956]), la phonologie diachronique (Phonology as Functional Phonetics, 1949 ; Économie des changements phonétiques, Traité de phonologie diachronique, 1955), la linguistique générale (Éléments de linguistique générale, 1960 ; A Functionnal View of Language [Langue et fonction, 1962]).


Benjamin Lee Whorf,

linguiste américain (Winthrop, Massachusetts, 1897 - Wethersfield, Connecticut, 1941). Disciple d’Edward Sapir*, il étudie les langues indiennes et contribue à en améliorer la classification. Sa théorie, connue sous le nom d’« hypothèse de Sapir-Whorf », affirme que le langage est en relation causale avec le système de représentation de la réalité. Chaque langue découpe cette réalité selon sa manière propre, et ce découpage n’affecte pas seulement le vocabulaire mais également la morphologie et la syntaxe (expression du temps, relations de personnes). Ses principales études ont été rassemblées après sa mort sous le titre Language, Thought and Reality (1956).


Le structuralisme en anthropologie

Le structuralisme en anthropologie s’est progressivement affirmé au xxe s., en opposition à la méthode historique des écoles diffusionniste et évolutionniste du xixe s., sous l’influence notamment de la sociologie de E. Durkheim* et de M. Mauss*, et de la linguistique structurale. Il a donné naissance à deux courants essentiels : le structuro-fonctionnalisme anglo-saxon (qui prend des formes différentes en Grande-Bretagne et aux États-Unis) et le structuralisme français de C. Lévi-Strauss.


Le structuro-fonctionnalisme anglo-saxon

Il a pour chefs de file B. Malinowski* et A. R. Radcliffe-Brown*. Avec eux, l’anthropologie anglaise s’oriente vers l’étude sur le terrain (et non plus dans les bibliothèques européennes) des sociétés archaïques, appréhendées dans leur état actuel, afin de dégager par l’observation et l’induction leurs principes d’organisation et de fonctionnement (et non plus pour tenter de reconstituer de manière hypothétique leur passé et leur évolution).

Cette nouvelle méthode d’approche peut être définie comme structuraliste dans la mesure où elle part du principe qu’une société constitue un système, c’est-à-dire un ensemble d’éléments interdépendants (institutions, croyances, techniques, etc.), qui n’acquièrent de signification que les uns par rapport aux autres et à la totalité à laquelle ils appartiennent. Découvrir la structure d’un tel système, c’est mettre en lumière les relations qui existent entre ses éléments. La structure ainsi définie est considérée comme réelle : elle peut être appréhendée par une observation attentive. Cette méthode est également qualifiée de fonctionnaliste, parce qu’elle s’intéresse non seulement à la structure du système, mais aussi à la fonction que remplissent les éléments qui le composent. Fondée sur une conception organiciste de la société, elle établit un lien de causalité entre les ordres psychophysiologique et socioculturel, expliquant les institutions sociales par leur fonction et celle-ci par les besoins (individuels ou collectifs) qu’elle satisfait. Elle aboutit de la sorte à une explication téléologique ou simplement tautologique, en tout cas dépourvue de valeur scientifique.

Fondée par Malinowski et Radcliffe-Brown, l’école structuro-fonctionnaliste est représentée en Grande-Bretagne par Meyer Fortes, E. E. Evans-Pritchard, R. Firth, S. F. Nadel, Max Gluckman et E. R. Leach (v. anthropologie). En dépit de la diversité des personnalités, des tendances et des recherches, et quelles que soient les nuances et les modifications apportées aux concepts de structure et de fonction, elle trouve son unité dans l’orientation que lui ont donnée ses deux maîtres : pratique de l’enquête intensive sur le terrain, méthode empirique et inductive.

L’école américaine, avec T. Parsons*, A. J. Bales, M. J. Levy et R. K. Merton, choisit une voie très différente. D’une part, elle s’éloigne de l’ethnologie pour se rapprocher de la sociologie ; d’autre part, elle s’attaque aux problèmes méthodologiques, que les Britanniques avaient négligés, cherchant à élaborer une méthode générale d’analyse des sociétés et de l’action sociale, fondée sur une définition rigoureuse des concepts, sur la formalisation et la théorétisation. Nous nous contenterons de tracer ici, à titre d’exemple, les grandes lignes des recherches effectuées par T. Parsons. Celui-ci définit la structure comme la disposition stable des éléments d’un système social échappant aux fluctuations qui résultent de la relation du système à son environnement ; la fonction exprime au contraire les adaptations de la structure aux changements extérieurs. Les concepts de structure et de fonction sont donc étroitement liés à l’intérieur du système : ils rendent compte à la fois de son organisation et de sa dynamique. À l’aide de ces concepts, Parsons construit une théorie de l’action sociale. Il commence par analyser les types fondamentaux d’alternatives en présence desquelles se trouvent les acteurs, selon qu’ils adhèrent ou non aux valeurs collectives. Ces valeurs, considérées comme les conditions structurelles de l’action, sont réduites à quelques « pattern-variables » : affectivité / neutralité affective, altruisme / égocentrisme, universalisme / particularisme, qualité / accomplissement. Parsons précise ensuite les exigences fonctionnelles auxquelles répond l’action : réalisation d’un objectif, adaptation, maintien des modèles de valeur, intégration. Il relie ainsi le schéma fonctionnel au schéma structural, pensant pouvoir, par là même, expliquer n’importe quelle action sociale. Cependant, les théories auxquelles il aboutit ont un caractère à la fois trop rigide et trop général ou trop particulier (ces théories étant trop générales, leur application à des situations spécifiques exige la construction de théories partielles, qui n’expliquent chacune qu’un petit nombre de faits) pour pouvoir constituer un instrument d’analyse efficace, et ce d’autant plus que les procédures de formalisation utilisées restent élémentaires, se réduisant à la classification, à la mise en relation et au syllogisme. La méthode élaborée par Parsons se révèle donc décevante au regard de ses ambitions.